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15/11/2019 | FRANCE | N°422362

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 15 novembre 2019, 422362


Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 19 août 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Mangalla Sécurité Privée demande au Conseil d'Etat, en défense du pourvoi du ministre de l'action et des comptes publics tendant à l'annulation du jugement n° 1803364 du 3 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté l'appel formé par le directeur départemental des finances publiq

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Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 19 août 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Mangalla Sécurité Privée demande au Conseil d'Etat, en défense du pourvoi du ministre de l'action et des comptes publics tendant à l'annulation du jugement n° 1803364 du 3 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté l'appel formé par le directeur départemental des finances publiques des Yvelines contre l'ordonnance du juge des référés de ce même tribunal mettant fin à la procédure de flagrance fiscale et à l'exécution des mesures conservatoires prises à son encontre sur le fondement du procès-verbal de flagrance fiscale du 13 avril 2018, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions combinées de l'article L. 16-0 BA du livre des procédures fiscales et du I de l'article L. 252 B du même livre.

La société Mangalla Sécurité Privée soutient que les dispositions de l'article L. 16-0 BA du livre des procédures fiscales combinées à celles du I de l'article L. 252 B du même livre sont contraires au droit de propriété protégé par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en ce qu'elles prévoient que le procès-verbal de flagrance fiscale habilite le comptable public à procéder à des saisies conservatoires pour assurer le paiement d'impôts afférents à des périodes d'imposition pour lesquelles aucune obligation déclarative n'est encore échue.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 octobre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut à ce que la question de constitutionnalité ne soit pas renvoyée au Conseil constitutionnel. Il fait valoir que la question soulevée n'est ni nouvelle ni sérieuse.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales, notamment ses articles L. 16-0 BA et L. 252 B ;

- la loi n° 2001-1824 du 25 décembre 2007 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Aurélien Caron, auditeur,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Melka - Prigent, avocat de la société Sasu Mangalla sécurité privée ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 octobre 2019 présentée par la société Mangalla Sécurité Privée ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Aux termes de l'article L. 16-0 BA du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Lorsque, dans le cadre des procédures mentionnées aux articles L. 16 B, L. 16 D et L. 80 F, de la vérification sur place de la taxe sur la valeur ajoutée (...) les agents de l'administration des impôts (...) constatent pour un contribuable se livrant à une activité professionnelle et au titre des périodes pour lesquelles l'une des obligations déclaratives prévues aux articles 170, 172, 223 et 287 du code général des impôts n'est pas échue, l'un au moins des faits suivants : / (...) / 5° L'absence réitérée du respect de l'obligation déclarative prévue au 2 de l'article 287 du code général des impôts, / ils peuvent, en cas de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement d'une créance fiscale de la nature de celle mentionnée au premier alinéa, dresser à l'encontre de ce contribuable un procès-verbal de flagrance fiscale. / (...) II. - La notification du procès-verbal de flagrance fiscale permet d'effectuer les mesures conservatoires mentionnées à l'article L. 252 B. (...) / V. - Le juge du référé administratif mentionné à l'article L. 279, saisi dans un délai de huit jours à compter de la réception du procès-verbal de flagrance fiscale mentionné au I, met fin à la procédure s'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur la régularité de cette procédure. / Le juge du référé statue dans un délai de quinze jours. Faute d'avoir statué dans ce délai, le juge des référés est dessaisi au profit du tribunal administratif qui se prononce en urgence. / La décision du juge du référé est susceptible d'appel devant le tribunal administratif dans le délai de huit jours. Le tribunal se prononce en urgence. / La décision du juge du référé ou du tribunal administratif ordonnant qu'il soit mis fin à la procédure entraîne la mainlevée immédiate des mesures conservatoires éventuellement prises ". Aux termes du I de l'article L. 252 B du même livre, dans sa rédaction applicable au litige : " Dès la notification du procès-verbal mentionné à l'article L. 16-0 BA, le comptable peut procéder, par dérogation au livre V de la partie législative du code des procédures civiles d'exécution, à une ou plusieurs mesures conservatoires mentionnées aux articles L. 521-1 à L. 533-1 du code des procédures civiles d'exécution à hauteur d'un montant qui ne peut excéder : / 1° Pour l'impôt sur le revenu, le produit résultant de l'application (...) au montant du chiffre d'affaires ou des recettes brutes hors taxes réalisés au titre de chaque année ou exercice pour lequel aucune obligation déclarative n'est échue, jusqu'à la date du procès-verbal de flagrance fiscale diminué d'un abattement représentatif de charges et de dépenses (...) des taux prévus au 1 du I de l'article 197 du même code en vigueur pour l'imposition des revenus de la précédente année civile à la fraction de chaque part de revenu (...) / Ce produit ne peut être inférieur à celui résultant de l'application, au montant déterminé au deuxième alinéa du présent 1°, du taux de 33 1/3 % ; / 2° Pour l'impôt sur les sociétés, le produit résultant de l'application des taux prévus à l'article 219 du code général des impôts au montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé au titre de chaque année ou exercice pour lequel aucune obligation déclarative n'est échue, jusqu'à la date du procès-verbal de flagrance fiscale diminué d'un abattement représentatif de charges (...) selon la nature de l'activité. (...) / 3° Pour la taxe sur la valeur ajoutée, le montant obtenu par application des taux prévus aux articles 278 à 281 nonies du code général des impôts, selon la nature des opérations, à la base du chiffre d'affaires ou des recettes brutes hors taxes réalisés au titre de chaque période pour laquelle aucune obligation déclarative n'est échue, jusqu'à la date du procès-verbal de flagrance fiscale, et sous déduction d'un montant de taxe déductible (...) ".

3. La société Mangalla Sécurité Privée soutient que les dispositions combinées de l'article L. 16-0 BA du livre des procédures fiscales et du I de l'article L. 252 B du même livre méconnaissent le droit de propriété protégé par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en ce qu'elles prévoient que le procès-verbal de flagrance habilite le comptable public à procéder à des saisies conservatoires pour assurer le paiement d'impôts pour des périodes d'imposition pour lesquelles aucune obligation déclarative n'est encore échue.

4. Il résulte des dispositions citées au point 2 que la mise en oeuvre de la procédure de flagrance fiscale qu'elles prévoient est subordonnée à la double condition, d'une part, que l'administration fiscale constate l'une des circonstances limitativement énumérées aux 1° à 5° du I de l'article L. 16-0 BA du livre des procédures fiscales et, d'autre part, qu'elle fasse état de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement des créances fiscales. Si les dispositions du I de l'article L. 252 B du livre des procédures fiscales autorisent, pour garantir le recouvrement de ces créances, la prise de mesures conservatoires qui, de manière provisoire, privent le contribuable auquel elles s'appliquent de la libre disposition de ses biens, ces mesures ne peuvent excéder, pour l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée, des montants précisément déterminés à partir des constatations de fait effectuées par l'administration à l'occasion de l'une des procédures de contrôle ou de recherche mentionnées au I de l'article L. 16-0 BA. Ces montants correspondent en outre à une estimation de la charge fiscale que le contribuable est susceptible de supporter, pour chacune des impositions concernées, au titre des périodes d'imposition pour lesquelles aucune obligation déclarative n'est encore échue et jusqu'au terme fixé par la date du procès-verbal de flagrance fiscale. Enfin, il incombe au juge des référés, saisi d'une demande tendant à ce qu'il soit mis fin à une procédure de flagrance fiscale et à la mainlevée des mesures conservatoires, comme au tribunal administratif statuant en appel, de juger s'il est fait état d'un moyen propre à créer un doute sérieux sur la régularité de cette procédure, en vérifiant notamment, au regard des conditions posées par les articles L. 16-0 BA et L. 252 B, d'une part, pour engager la procédure de flagrance fiscale et, d'autre part, pour le prononcé de mesures conservatoires, et au vu des éléments qui lui ont été soumis par les parties, la légalité de l'engagement par l'administration de cette procédure et des mesures conservatoires prononcées.

5. Dans ces conditions, les dispositions législatives critiquées ne portent au droit de propriété du contribuable qu'une atteinte proportionnée à l'objectif d'intérêt général qu'elles poursuivent, tenant à la lutte contre la fraude fiscale et à la nécessité de garantir le recouvrement des créances du Trésor public. Il suit de là qu'elles ne méconnaissent pas l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Ainsi, la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a, dès lors, pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la SASU Mangalla Sécurité Privée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SASU Mangalla Sécurité Privée et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 422362
Date de la décision : 15/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 15 nov. 2019, n° 422362
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Aurélien Caron
Rapporteur public ?: Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon
Avocat(s) : SCP MELKA - PRIGENT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:422362.20191115
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