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13/11/2019 | FRANCE | N°412255

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 13 novembre 2019, 412255


Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 412255, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 7 juillet et 9 octobre 2017 et le 17 septembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, le Conseil national des barreaux demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d'incompétence et à l'appel en matière civile ;

2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justic

e administrative.

2° Sous le n° 412286, par une requête sommaire et un mémoire complé...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 412255, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 7 juillet et 9 octobre 2017 et le 17 septembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, le Conseil national des barreaux demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d'incompétence et à l'appel en matière civile ;

2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 412286, par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 juillet et 9 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, l'union des jeunes avocats (UJA) de Paris demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret ;

2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

3° Sous le n° 412287, par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 juillet et 9 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la Fédération nationale des unions des jeunes avocats (FNUJA) demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret ;

2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

4° Sous le n° 412308, par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 juillet et 10 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, l'ordre des avocats au barreau de Paris demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret ;

2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

5° Sous le n° 415651, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 novembre 2017, 13 février 2018 et 1er octobre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, le Syndicat des avocats de France demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret ainsi que la décision implicite et la décision expresse du 25 octobre 2017 du garde des sceaux, ministre de la justice rejetant son recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'organisation judiciaire ;

- le code de procédure civile ;

- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat du Conseil national des barreaux , à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l'ordre des avocats au barreau de Paris, de la Conférence des bâtonniers et de l'ordre des avocats au barreau de Valence et à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat du Syndicat des avocats de France ;

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre le décret du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d'incompétence et à l'appel en matière civile et les décisions rejetant le recours gracieux formé par le Syndicat des avocats de France contre ce décret. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

Sur les interventions au soutien de la requête n° 412308 :

2. L'ordre des avocats au barreau de Valence et la Conférence des bâtonniers justifient, eu égard à la nature et à l'objet du litige, d'un intérêt suffisant à l'annulation du décret attaqué. Ainsi, leurs interventions au soutien de la requête de l'ordre des avocats au barreau de Paris sont recevables.

Sur les conclusions à fin d'annulation du décret attaqué :

En ce qui concerne la légalité externe du décret :

3. En premier lieu, il résulte des articles 34 et 37 de la Constitution que les dispositions de la procédure à suivre devant les juridictions relèvent de la compétence du pouvoir réglementaire dès lors qu'elles ne concernent pas la procédure pénale et qu'elles ne mettent en cause aucune des règles, ni aucun des principes fondamentaux placés par la Constitution dans le domaine de la loi.

4. Les dispositions des articles 1er, 2, 7 à 13, 17, 22, 34 et 40 du décret attaqué, qui suppriment la voie du contredit et soumettent les exceptions d'incompétence à la voie d'appel, soumettent les parties à l'instance d'appel à des obligations procédurales, tenant notamment à la forme de leurs écritures et aux délais dans lesquels elles doivent les produire, et précisent les conséquences procédurales attachées au non-respect de ces obligations, n'ont, contrairement à ce qui est soutenu, ni pour objet ni pour effet de mettre en cause des règles ou principes fondamentaux placés par la Constitution dans le domaine de la loi. Par suite, le moyen tiré de ce que le pouvoir réglementaire n'était pas compétent pour édicter de telles dispositions doit être écarté.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces des dossiers, notamment de l'avis du Conseil d'État en date du 24 avril 2017 dont le texte a été versé au dossier par la garde des sceaux, ministre de la justice, que le texte du décret attaqué ne diffère pas de celui adopté par le Conseil d'État. Dès lors, le moyen tiré de ce que le décret attaqué serait intervenu sans que soient respectées les règles régissant la consultation du Conseil d'Etat ne peut qu'être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 21-1 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques : " Le Conseil national des barreaux, établissement d'utilité publique doté de la personnalité morale, est chargé de représenter la profession d'avocat notamment auprès des pouvoirs publics. Dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, le Conseil national des barreaux unifie par voie de dispositions générales les règles et usages de la profession d'avocat. Il détermine, en concertation avec le ministre de la justice, les modalités et conditions de mise en oeuvre du réseau indépendant à usage privé des avocats aux fins d'interconnexion avec le "réseau privé virtuel justice". Il assure l'exploitation et les développements des outils techniques permettant de favoriser la dématérialisation des échanges entre avocats ".

7. Les dispositions du décret attaqué, qui ont pour objet de modifier les règles applicables en matière de procédure civile, ne modifient pas, par elles-mêmes, les modalités et conditions de mise en oeuvre du réseau indépendant à usage privé des avocats aux fins d'interconnexion avec le réseau privé virtuel justice. Dès lors, la FNUJA et l'UJA de Paris ne sont, en tout état de cause, pas fondées à soutenir que le décret aurait dû, pour ce motif, être préalablement soumis à la consultation du Conseil national des barreaux et que, faute de l'avoir été, il aurait été pris au terme d'une procédure irrégulière.

8. En quatrième lieu, lorsque l'autorité compétente demande, sans y être légalement tenue, l'avis d'un organisme sur un projet de texte, elle doit procéder à cette consultation dans des conditions régulières. Néanmoins, elle conserve, dans cette hypothèse, la faculté d'apporter au projet, après consultation, toutes les modifications qui lui paraissent utiles, quelle qu'en soit l'importance, sans être dans l'obligation de saisir à nouveau cet organisme.

9. En l'espèce, il ressort des pièces des dossiers que le garde des sceaux, ministre de la justice a consulté, en octobre 2016, le Conseil national des barreaux sur un projet de décret relatif à l'appel en matière civile. Les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir de ce que le projet de décret a été modifié après la consultation du Conseil national des barreaux pour soutenir que les dispositions litigieuses seraient intervenues à la suite d'une procédure irrégulière, dès lors que la consultation du Conseil national des barreaux n'avait pas un caractère obligatoire.

En ce qui concerne la légalité interne du décret :

10. L'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose : " Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ". Aux termes du premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice ".

S'agissant de la légalité de l'article 1er du décret attaqué :

11. L'article 1er du décret attaqué supprime la procédure du contredit et précise, aux articles 83 à 89 du code de procédure civile, les conditions et modalités selon lesquelles il peut être fait appel d'un jugement statuant exclusivement sur la compétence. Contrairement à ce que soutient le Syndicat des avocats de France, ces dispositions définissent de façon claire et sans ambiguïté ces modalités et conditions. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité du droit doit en conséquence être écarté.

S'agissant de la légalité des articles 7, 9, 10 et 11 du décret attaqué :

12. Aux termes de l'article 542 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue de l'article 7 du décret attaqué : " L'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel ". L'article 561 du même code, dans sa rédaction résultant de l'article 9 du décret attaqué, précise que " l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel. / Il est statué à nouveau en fait et en droit dans les conditions et limites déterminées aux livres premier et deuxième du présent code ". L'article 562 du même code, dans sa rédaction issue de l'article 10 du décret attaqué, dispose que " l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. / La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ". Aux termes de l'article 566 du même code, dans sa rédaction issue de l'article 11 du décret attaqué : " Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ".

13. En premier lieu, aux termes de l'article L. 311-1 du code de l'organisation judiciaire : " La cour d'appel connaît, sous réserve des compétences attribuées à d'autres juridictions, des décisions judiciaires, civiles et pénales, rendues en premier ressort. / La cour d'appel statue souverainement sur le fond des affaires ".

14. Les dispositions du code de procédure civile citées au point 12, qui se bornent à définir l'office du juge d'appel et les conditions de dévolution du litige, n'ont ni pour objet ni pour effet d'affecter la compétence des cours d'appel en tant que juridictions de droit commun de second degré de l'ordre judiciaire. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 311-1 du code de l'organisation judiciaire ne peut qu'être écarté.

15. En second lieu, d'une part, les requérants critiquent les dispositions du décret en ce qu'elles tendraient à faire de l'appel une " voie de réformation " et non plus une " voie d'achèvement ". Toutefois, la définition de l'office du juge d'appel, telle qu'elle ressort des dispositions du décret attaqué, ne saurait méconnaître, par elle-même, les stipulations de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui garantissent le droit à un recours effectif. D'autre part, les dispositions critiquées, qui répondent à un objectif de bonne administration de la justice, ne font pas obstacle à ce qu'un jugement en son entier soit critiqué devant le juge d'appel. Elles n'ont ni pour objet ni pour effet d'empêcher qu'une juridiction puisse connaître des demandes du justiciable qui ne sont pas l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire des prétentions qu'il a soumises au premier juge. Par suite, le moyen tiré de ce que ces dispositions restreindraient le droit reconnu à toute personne de soumettre sa cause à une juridiction et méconnaîtraient par suite l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

S'agissant de la légalité de l'article 13 du décret attaqué :

16. Aux termes de l'article 901 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue de l'article 13 du décret attaqué : " La déclaration d'appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par l'article 58, et à peine de nullité : / (...) / 4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. / Elle est signée par l'avocat constitué. Elle est accompagnée d'une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d'inscription au rôle ".

17. En premier lieu, l'obligation pour l'appelant de mentionner expressément dans la déclaration d'appel les chefs du jugement de première instance qu'il entend critiquer, prévue par l'article 13 du décret attaqué à peine de nullité, permet d'assurer l'information immédiate et précise des parties et de la juridiction d'appel sur les données du litige et concourt, par suite, à la bonne administration de la justice. Une telle obligation, qui est définie de manière suffisamment précise, ne constitue pas une contrainte excessive pour les justiciables et leurs conseils, eu égard au délai dont ils disposent pour former appel. Dès lors, l'article 13 du décret attaqué ne porte d'atteinte excessive ni au droit d'accès au juge ni au principe du respect des droits de la défense et n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

18. En deuxième lieu, la circonstance, à la supposer établie, que cette obligation aurait la même portée que la " concentration des prétentions " exigée par l'article 910-4 du code de procédure civile serait sans incidence sur la légalité des dispositions de l'article 13 du décret attaqué.

19. En dernier lieu, ni l'article 901 du code de procédure civile dans sa rédaction résultant de l'article 13 du décret attaqué, ni aucune autre disposition de ce décret n'impose une limitation formelle de la déclaration d'appel. Par suite, si les requérants soutiennent que la taille limitée des supports offerts par le réseau privé virtuel des avocats pour l'enregistrement de la déclaration d'appel est susceptible de faire obstacle au respect de l'obligation prévue par l'article 13 du décret attaqué, les éventuelles difficultés que pourrait soulever sa mise en oeuvre sont également sans incidence sur sa légalité. Au demeurant, l'article 930-1 du code de procédure civile, dans sa rédaction résultant du décret attaqué, autorise, lorsqu'un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, que cet acte soit établi sur support papier et remis au greffe ou adressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

S'agissant de la légalité de l'article 14 du décret attaqué :

20. Aux termes de l'article 902 du code de procédure civile, dans sa rédaction résultant du décret attaqué : " Le greffier adresse aussitôt à chacun des intimés, par lettre simple, un exemplaire de la déclaration avec l'indication de l'obligation de constituer avocat. / En cas de retour au greffe de la lettre de notification ou lorsque l'intimé n'a pas constitué avocat dans un délai d'un mois à compter de l'envoi de la lettre de notification, le greffier en avise l'avocat de l'appelant afin que celui-ci procède par voie de signification de la déclaration d'appel. / A peine de caducité de la déclaration d'appel relevée d'office, la signification doit être effectuée dans le mois de l'avis adressé par le greffe ; cependant, si, entre-temps, l'intimé a constitué avocat avant la signification de la déclaration d'appel, il est procédé par voie de notification à son avocat. / A peine de nullité, l'acte de signification indique à l'intimé que, faute pour lui de constituer avocat dans un délai de quinze jours à compter de celle-ci, il s'expose à ce qu'un arrêt soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire et que, faute de conclure dans le délai mentionné à l'article 909, il s'expose à ce que ses écritures soient déclarées d'office irrecevables ".

21. En imposant à l'appelant de signifier sa déclaration d'appel à l'intimé lorsque ce dernier n'a pas constitué avocat dans le délai d'un mois suivant l'envoi par le greffe de la lettre de notification de la déclaration ou en cas de retour au greffe de la lettre de notification, l'article 902 du code de procédure civile met à la charge de l'appelant une diligence procédurale destinée, conformément au caractère contradictoire de la procédure juridictionnelle, à inciter l'intimé à constituer avocat dans les meilleurs délais. La caducité prévue en l'absence de signification de la déclaration d'appel dans le délai imparti tend à assurer la célérité et l'efficacité de la procédure d'appel avec représentation obligatoire.

22. D'une part, l'article 14 du décret attaqué a complété l'article 902 du code de procédure civile pour préciser que la caducité de la déclaration d'appel en cas de non-respect de cette obligation est relevée d'office. Contrairement à ce que soutient le Syndicat des avocats de France, le pouvoir réglementaire, en prévoyant que la caducité de la déclaration d'appel est relevée d'office par le juge, n'a méconnu aucune exigence découlant de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

23. D'autre part, le troisième alinéa de l'article 902, dans sa rédaction issue de l'article 14 du décret attaqué, prévoit que lorsque l'intimé a constitué avocat avant la signification de la déclaration d'appel, il est procédé par voie de notification à son avocat. Eu égard à la finalité rappelée au point 21, l'obligation faite à l'appelant de notifier la déclaration d'appel à l'avocat que l'intimé a préalablement constitué, dans le délai de dix jours de la réception de l'avis de fixation adressé par le greffe, n'est pas prescrite à peine de caducité de la déclaration d'appel. Le moyen tiré de ce que cette obligation mise à la charge de l'appelant méconnaîtrait l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

S'agissant de la légalité de l'article 17 du décret attaqué :

24. Aux termes de l'article 905 du code de procédure civile, dans sa rédaction résultant de l'article 15 du décret attaqué : " Lorsque l'affaire semble présenter un caractère d'urgence ou être en état d'être jugée ou lorsque l'appel est relatif à une ordonnance de référé ou en la forme des référés ou à une des ordonnances du juge de la mise en état énumérées aux 1° à 4° de l'article 776, le président de la chambre saisie, d'office ou à la demande d'une partie, fixe les jours et heures auxquels l'affaire sera appelée à bref délai ; au jour indiqué, il est procédé selon les modalités prévues aux articles 760 à 762 ".

25. L'article 17 du décret a ajouté au code de procédure civile les articles 905-1 et 905-2. Aux termes de l'article 905-1 : " Lorsque l'affaire est fixée à bref délai par le président de la chambre, l'appelant signifie la déclaration d'appel dans les dix jours de la réception de l'avis de fixation qui lui est adressé par le greffe à peine de caducité de la déclaration d'appel relevée d'office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président ; cependant, si, entre-temps, l'intimé a constitué avocat avant signification de la déclaration d'appel, il est procédé par voie de notification à son avocat. / A peine de nullité, l'acte de signification indique à l'intimé que, faute pour lui de constituer avocat dans un délai de quinze jours à compter de celle-ci, il s'expose à ce qu'un arrêt soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire et que, faute de conclure dans le délai mentionné l'article 905-2, il s'expose à ce que ses écritures soient déclarées d'office irrecevables ". L'article 905-2 dispose que " A peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, l'appelant dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe. / L'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué. / L'intimé à un appel incident ou à un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification de l'appel incident ou de l'appel provoqué à laquelle est jointe une copie de l'avis de fixation pour remettre ses conclusions au greffe. / L'intervenant forcé à l'instance d'appel dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification de la demande d'intervention formée à son encontre à laquelle est jointe une copie de l'avis de fixation pour remettre ses conclusions au greffe. L'intervenant volontaire dispose, sous la même sanction, du même délai à compter de son intervention volontaire. / Le président de la chambre saisie ou le magistrat désigné par le premier président peut d'office, par ordonnance, impartir des délais plus courts que ceux prévus aux alinéas précédents. / Les ordonnances du président ou du magistrat désigné par le premier président de la chambre saisie statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel, sur la caducité de celui-ci ou sur l'irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en application du présent article et de l'article 930-1 ont autorité de la chose jugée au principal ".

26. En premier lieu, eu égard au caractère des affaires qui, en application de l'article 905 du code de procédure civile, sont soumises à la procédure à bref délai et aux exigences particulières de célérité qui en découlent, les dispositions de l'article 905-1, en fixant les délais prescrits à l'appelant pour accomplir les actes de signification ou de notification et en prévoyant leur sanction automatique, ne privent pas les justiciables de leur droit d'accès au juge ou à un recours effectif et ne méconnaissent pas, par suite, l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

27. En deuxième lieu, les dispositions qui fixent à un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai le délai imparti à l'appelant pour conclure, à un mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant celui imparti à l'intimé pour conclure et former, le cas échéant, appel incident et à un mois celui laissé à l'intervenant forcé ou volontaire à compter du moment où il a accès à la procédure répondent à l'exigence de célérité de la justice et à la nécessité de garantir le droit à un jugement dans un délai raisonnable au regard de la nature des affaires soumises à la procédure de l'article 905 du code de procédure civile. Ces dispositions, qui laissent à chacune des parties une durée raisonnable pour rédiger ses conclusions, ne méconnaissent ni le droit d'accès à un juge, ni le principe de respect des droits de la défense et ne sont pas entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

28. En troisième lieu, d'une part, ainsi qu'il a été dit au point 23, l'obligation faite à l'appelant de notifier la déclaration d'appel à l'avocat que l'intimé a préalablement constitué, dans le délai de dix jours de la réception de l'avis de fixation adressé par le greffe, n'est pas prescrite à peine de caducité de la déclaration d'appel. D'autre part, la caducité de la déclaration d'appel et l'irrecevabilité des conclusions de l'intimé ou de l'intervenant, prévues aux articles 905-1 et 905-2, ne sont pas disproportionnées au but poursuivi, qui est d'assurer la célérité et l'efficacité de la procédure d'appel avec représentation obligatoire. Les requérants ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir qu'en prévoyant de telles conséquences procédurales en cas de non-respect des obligations pesant sur les parties, l'article 17 du décret attaqué méconnaîtrait le droit d'accès au juge et le principe du respect des droits de la défense et serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

29. En dernier lieu, dans le cadre de la procédure à bref délai, l'article 17 du décret attaqué reconnaît au président de la chambre saisie ou au magistrat désigné par le premier président la faculté, laissée à son appréciation, d'impartir aux parties des délais plus courts que ceux prévus par l'article 905-2 du code de procédure civile. Une telle faculté s'exerce dans le respect des exigences du caractère contradictoire de la procédure juridictionnelle. Par suite, l'ordre des avocats au barreau de Paris n'est pas fondé à soutenir que le pouvoir réglementaire, en ne fixant pas un délai minimal, n'aurait pas épuisé sa compétence, aurait entaché son appréciation d'une erreur manifeste et méconnu le droit d'accès au juge.

S'agissant de la légalité de l'article 22 du décret attaqué :

Quant à la nature des conclusions produites par les parties dans les délais réglementaires :

30. Aux termes de l'article 910-1 du code de procédure civile, issu de l'article 22 du décret attaqué : " Les conclusions exigées par les articles 905-2 et 908 à 910 sont celles, adressées à la cour, qui sont remises au greffe et notifiées dans les délais prévus par ces textes et qui déterminent l'objet du litige ".

31. Les conclusions qui soulèvent une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident de nature à mettre fin à l'instance doivent désormais, en application de l'article 914 du code de procédure civile, être spécialement adressées au conseiller de la mise en état, seul compétent pour en connaître depuis sa désignation jusqu'à la clôture de l'instruction. Il résulte des dispositions de l'article 910-1 que de telles conclusions, en cohérence avec l'office de la cour d'appel et la compétence réservée au conseiller de la mise en état, ne sont pas de nature à interrompre les délais impartis à l'appelant, à l'intimé et à l'intervenant pour conclure. Les dispositions critiquées, qui tendent à garantir contre des manoeuvres dilatoires la célérité et l'efficacité de la procédure d'appel, ne portent aucune atteinte au droit d'accès à un juge.

Quant à l'exception de force majeure :

32. L'article 910-3 du code de procédure civile, créé par l'article 22 du décret attaqué, dispose : " En cas de force majeure, le président de la chambre ou le conseiller de la mise en état peut écarter l'application des sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 911 ".

33. D'une part, il résulte de cette disposition que la prise en compte de circonstances répondant aux caractères de la force majeure, tels qu'appréciés par le juge, est de nature à atténuer le caractère automatique des conséquences procédurales attachées à la méconnaissance de délais impartis à l'appelant, à l'intimé et à l'intervenant pour conclure. Si, selon le Conseil national des barreaux, cette notion est étrangère la procédure civile, une telle circonstance n'est pas de nature à affecter la légalité de l'article 910-3 du code de procédure civile. Le moyen tiré de ce que cette disposition méconnaîtrait l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

34. D'autre part, il résulte de la combinaison des articles 905-2 et 910-3 du code de procédure civile que le magistrat désigné par le premier président peut, comme le premier président, écarter l'application des conséquences prévues à l'article 905-2 en cas de force majeure. Par suite, le Conseil national des barreaux n'est pas fondé à soutenir qu'en ne permettant pas au magistrat désigné par le premier président de prendre en compte une exception de force majeure, l'article 17 du décret attaqué méconnaîtrait le principe d'égalité entre les justiciables et le droit au recours.

Quant à la " concentration des prétentions " :

35. Aux termes de l'article 910-4 du code de procédure pénale, issu de l'article 22 du décret attaqué : " A peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures. / Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 783, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ".

36. Aux termes de l'article 563 du code de procédure civile : " Pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves ". L'article 565 du même code dispose que " les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement est différent ". Aux termes de l'article 567 du même code, " les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel ".

37. En premier lieu, l'obligation pour les parties de présenter l'ensemble de leurs prétentions sur le fond dans leurs premières conclusions, destinée à réduire les échanges de conclusions et, par suite, à diminuer le temps d'instruction des affaires, répond à un objectif de bonne administration de la justice. Cette obligation s'applique sous réserve de la faculté, pour le justiciable, de présenter de nouvelles prétentions en application de l'article 567 et du second alinéa de l'article 910-4 du code de procédure civile. Elle ne fait pas obstacle à la faculté pour le justiciable de modifier le fondement juridique d'une de ses prétentions ou de soulever des moyens nouveaux au soutien de cette prétention. Eu égard au délai laissé à l'appelant, à l'intimé et à l'intervenant pour présenter leurs conclusions, l'obligation prévue par l'article 22 du décret attaqué ne fait pas peser sur eux une contrainte excessive au regard du but poursuivi. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que cette disposition méconnaîtrait le droit à l'accès au juge et le droit au recours garantis tant par la Constitution que par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le principe du respect des droits de la défense et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

38. En second lieu, l'article 122 du code de procédure civile dispose que " Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ". Les requérants ne sauraient toutefois utilement se prévaloir, à l'encontre du décret attaqué, de la méconnaissance de ces dispositions, dont la portée est sans rapport avec l'objet des dispositions contestées et ne saurait par suite faire obstacle à leur édiction.

S'agissant de la légalité de l'article 24 du décret attaqué :

39. Les deux derniers alinéas de l'article 911-1 du même code, créés par l'article 24 du décret attaqué, disposent que " La partie dont la déclaration d'appel a été frappée de caducité en application des articles 902, 905-1, 905-2 ou 908 ou dont l'appel a été déclaré irrecevable n'est plus recevable à former un appel principal contre le même jugement et à l'égard de la même partie. / De même, n'est plus recevable à former appel principal l'intimé auquel ont été régulièrement notifiées les conclusions de l'appelant et qui n'a pas formé un appel incident ou provoqué contre le jugement attaqué dans les délais impartis aux articles 905-2 et 909 ou dont l'appel incident ou provoqué a été déclaré irrecevable ".

40. En premier lieu, aux termes de l'article 385 du code de procédure civile : " L'instance s'éteint à titre principal par l'effet de la péremption, du désistement d'instance ou de la caducité de la citation. / Dans ces cas, la constatation de l'extinction de l'instance et du dessaisissement de la juridiction ne met pas obstacle à l'introduction d'une nouvelle instance, si l'action n'est pas éteinte par ailleurs ". Le Conseil national des barreaux ne saurait utilement se prévaloir, à l'encontre des dispositions du décret attaqué, de la méconnaissance des dispositions de l'article 385 du code de procédure civile, ni d'une incohérence affectant la légalité de l'article 24 du décret attaqué, dès lors que les dispositions de l'article 911-1 dérogent à celles de l'article 385.

41. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient le Conseil national des barreaux, les dispositions de l'article 911-1 ne prive pas l'intimé ayant formé un appel incident de la faculté de former un appel principal, dès lors qu'il n'est pas forclos pour le faire, lorsque la déclaration d'appel a été frappée de caducité.

42. En dernier lieu, en prévoyant qu'est irrecevable à former un nouvel appel, à supposer qu'elle ne soit pas forclose, la partie à une instance d'appel qui a méconnu les diligences procédurales qui lui incombaient, l'article 911-1 du code de procédure civile concourt, avec les autres dispositions du décret attaqué, à assurer l'efficacité de la procédure d'appel. Elle ne porte pas une atteinte excessive au droit au recours au regard de l'objectif poursuivi. Le Conseil national des barreaux n'est ainsi pas fondé à soutenir que l'article 24 du décret attaqué méconnaîtrait l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

S'agissant de la légalité de l'article 28 du décret attaqué :

43. L'article 914 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue de l'article 28 du décret attaqué, dispose que " Les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant à : / (...) / - déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel ; les moyens tendant à l'irrecevabilité de l'appel doivent être invoqués simultanément à peine d'irrecevabilité de ceux qui ne l'auraient pas été ; / (...) ".

44. L'obligation d'accompagner les conclusions tendant à déclarer l'appel irrecevable de l'ensemble des moyens que l'intimé estime de nature à fonder celles-ci concourt à assurer la célérité et l'efficacité de la procédure d'appel avec représentation obligatoire. Contrairement à ce qui est soutenu par l'ordre des avocats au barreau de Paris, une telle obligation ne méconnaît pas le droit au recours garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

S'agissant de la légalité de l'article 34 du décret attaqué :

45. Aux termes de l'article 954 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue de l'article 34 du décret attaqué : " Les conclusions d'appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l'article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé. / Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte. / La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. / (...) ".

46. Ces dispositions, qui sont applicables dans toutes les procédures d'appel et poursuivent l'objectif d'intérêt général de bonne administration de la justice, énoncent de simples règles formelles tenant à la présentation et à la structuration des conclusions et qui ne sont pas prescrites à peine d'irrecevabilité de l'appel. Par suite, le moyen tiré de ce que l'article 34 du décret attaqué porterait atteinte au droit au recours et au droit d'accès au juge doit être écarté.

S'agissant de la légalité des articles 39 et 40 du décret attaqué :

47. L'article 39 du décret attaqué modifie l'article 1034 du code de procédure civile pour réduire de quatre à deux mois le délai de saisine de la juridiction de renvoi après cassation. Aux termes de l'article 1037-1 du même code, issu de l'article 40 du décret attaqué : " En cas de renvoi devant la cour d'appel, lorsque l'affaire relevait de la procédure ordinaire, celle-ci est fixée à bref délai dans les conditions de l'article 905. En ce cas, les dispositions de l'article 1036 ne sont pas applicables. / La déclaration de saisine est signifiée par son auteur aux autres parties à l'instance ayant donné lieu à la cassation dans les dix jours de la notification par le greffe de l'avis de fixation. Ce délai est prescrit à peine de caducité de la déclaration, relevée d'office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président. / Les conclusions de l'auteur de la déclaration sont remises au greffe et notifiées dans un délai de deux mois suivant cette déclaration. / Les parties adverses remettent et notifient leurs conclusions dans un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l'auteur de la déclaration. / La notification des conclusions entre parties est faite dans les conditions prévues par l'article 911 et les délais sont augmentés conformément à l'article 911-2. / Les parties qui ne respectent pas ces délais sont réputées s'en tenir aux moyens et prétentions qu'elles avaient soumis à la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé. / En cas d'intervention forcée, l'intervenant forcé remet et notifie ses conclusions dans un délai de deux mois à compter de la notification la demande d'intervention formée à son encontre. Ce délai est prescrit à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président. L'intervenant volontaire dispose, sous la même sanction, du même délai à compter de son intervention volontaire. / (...) ".

48. D'une part, l'application de la procédure à bref délai dans les conditions prévues à l'article 905 du code de procédure civile aux affaires ayant donné lieu à un renvoi à une cour d'appel après cassation, répond, ainsi qu'il a été dit aux points 26 à 28, à une exigence de célérité de la justice et à la nécessité de garantir le droit à un jugement de ces affaires dans un délai raisonnable. D'autre part, il ne ressort pas des pièces des dossiers que le délai de deux mois imparti à l'auteur de la déclaration de saisine et aux autres parties pour rédiger leurs conclusions respectives serait insuffisant. Enfin, la conséquence procédurale tenant à ce que les parties qui ne respectent pas ces délais sont réputées s'en tenir aux moyens et prétentions qu'elles avaient soumis à la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé n'est pas disproportionnée au but poursuivi. Il en résulte que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les articles 39 et 40 du décret attaqué méconnaîtraient le droit d'accès au juge et seraient entachés d'une erreur manifeste d'appréciation.

S'agissant de la légalité de l'article 53 du décret attaqué :

49. L'exercice du pouvoir réglementaire implique pour son détenteur la possibilité de modifier à tout moment les normes qu'il définit sans que les personnes auxquelles sont, le cas échéant, imposées de nouvelles contraintes, puissent invoquer un droit au maintien de la réglementation existante. En principe, les nouvelles normes ainsi édictées ont vocation à s'appliquer immédiatement, dans le respect des exigences attachées au principe de non-rétroactivité des actes administratifs. Toutefois, il incombe à l'autorité investie du pouvoir réglementaire, agissant dans les limites de sa compétence et dans le respect des règles qui s'imposent à elle, d'édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires qu'implique, s'il y a lieu, cette réglementation nouvelle. Il en va ainsi lorsque l'application immédiate de celle-ci entraîne, au regard de l'objet et des effets de ses dispositions, une atteinte excessive aux intérêts publics ou privés en cause. Ces mesures transitoires peuvent résider dans le report de l'entrée en vigueur de cette réglementation nouvelle.

50. L'article 53 du décret du 6 mai 2017 prévoit que ses dispositions s'appliquent à compter du 1er septembre 2017, à l'exception des articles 38 et 52 qui entrent en vigueur le lendemain de la publication du décret. Il résulte des principes régissant l'entrée en vigueur des règles de procédure civile que, par l'effet de cette disposition transitoire, les dispositions du décret relatives au déroulement de l'instance et à l'accomplissement des actes de procédure sont, en principe, applicables à compter du 1er septembre 2017 et régissent ainsi les actes postérieurs à leur entrée en vigueur, sans priver d'effet ni affecter la validité de ceux régulièrement accomplis sous l'empire des règles anciennes. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions de l'article 53 du décret attaqué, faute de préciser la portée les dispositions nouvelles sur les instances d'appel en cours au 1er septembre 2017, méconnaîtraient le principe de sécurité juridique.

S'agissant de la légalité du décret attaqué en son entier :

51. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 14 que l'ensemble des dispositions du décret qui tirent les conséquences de la nouvelle définition de l'office du juge d'appel ne méconnaissent pas la compétence confiée aux cours d'appel par l'article L. 311-1 du code de l'organisation judiciaire. Les dispositions du décret attaqué confiant au conseiller de la mise en état le soin de relever d'office les nullités, irrecevabilités et caducités n'ont ni pour objet ni pour effet de méconnaître la compétence des cours d'appel pour connaître du fond des affaires et, par suite, ne sont, en tout état de cause, pas davantage contraires à cette disposition législative.

52. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces des dossiers que les délais et obligations procédurales prévus par le décret pour former appel rendraient impossible un changement d'avocat entre la première instance et l'appel. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret méconnaîtrait le principe du libre choix de l'avocat doit être écarté.

53. En dernier lieu, il résulte de tout ce qui précède que l'ordre des avocats au barreau de Paris n'est pas fondé à soutenir que le cumul de l'ensemble des dispositions critiquées du décret porterait atteinte à la substance du droit d'accès à un juge et entacherait le décret d'une erreur manifeste d'appréciation.

54. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret qu'ils attaquent.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

55. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

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Article 1er : Les interventions de l'ordre des avocats au barreau de Valence et de la Conférence des bâtonniers sont admises.

Article 2 : Les requêtes du Conseil national des barreaux, de l'union des jeunes avocats de Paris, de la Fédération nationale des unions des jeunes avocats, de l'ordre des avocats au barreau de Paris et du Syndicat des avocats de France sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au Conseil national des barreaux, à l'union des jeunes avocats de Paris, à la Fédération nationale des unions des jeunes avocats, à l'ordre des avocats au barreau de Paris, au Syndicat des avocats de France, à la Conférence des bâtonniers et à l'ordre des avocats au barreau de Valence, à la garde des sceaux, ministre de la justice et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 412255
Date de la décision : 13/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 nov. 2019, n° 412255
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:412255.20191113
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