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06/11/2019 | FRANCE | N°421691

France | France, Conseil d'État, Formation spécialisée, 06 novembre 2019, 421691


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 22 juin 2018, 13 mars 2019 et 3 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision, révélée par le courrier de la présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) du 30 mai 2018, par laquelle le ministre de l'intérieur lui a refusé l'accès aux données susceptibles de le concerner figurant dans le traitement automatisé de données à caractère perso

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Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 22 juin 2018, 13 mars 2019 et 3 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision, révélée par le courrier de la présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) du 30 mai 2018, par laquelle le ministre de l'intérieur lui a refusé l'accès aux données susceptibles de le concerner figurant dans le traitement automatisé de données à caractère personnel mis en oeuvre par la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), dénommé CRISTINA ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur dans un délai de huit jours, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, de lui indiquer pourquoi et depuis quelle date il figure dans le fichier, de lui transmettre une copie de l'intégralité des données le concernant contenues dans ce fichier et de procéder à l'effacement de ces données ;

3°) de condamner l'Etat à réparer le préjudice lié à son fichage illégal dans le fichier CRISTINA ;

4°) de déclarer le fichier CRISTINA illégal et d'ordonner sa suppression dans un délai de huit jours sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

5°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur, dans un délai de huit jours, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, de lui indiquer pourquoi il est suivi et surveillé par les services de renseignement, de lui transmettre une copie de l'intégralité du dossier de renseignement le concernant, de procéder après cette transmission à la destruction de l'intégralité des données contenues dans ce dossier, et de l'effacer de tous les fichiers de renseignement, de police et de gendarmerie où il figure ;

6°) de condamner l'Etat à réparer le préjudice lié à son fichage illégal dans ces différents fichiers ;

7°) d'annuler les techniques de renseignement utilisées à son encontre ;

8°) de dissoudre le " cabinet noir " ;

9°) de condamner l'Etat à lui rembourser une somme de 180 euros correspondant à des contraventions dont il a fait l'objet en raison de son fichage abusif, ainsi que les dégâts causés à son scooter par la pose d'une balise de géolocalisation ;

10°) de condamner l'Etat à l'indemniser pour la violation de sa privée, le harcèlement, les persécutions et les actes d'intimidation qu'il subit depuis plusieurs années, son préjudice matériel, son préjudice d'angoisse et son préjudice moral ;

11°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 50 000 euros au titre de la méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives au délai raisonnable de jugement et une somme de 50 000 euros au titre de la méconnaissance des stipulations du même article relatives au droit à un tribunal indépendant et impartial ;

12°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'une somme de 2 000 euros à verser à Me A... au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005 ;

- le décret n° 2019-536 du 29 mai 2019 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une séance à huis-clos, d'une part, M. C... et Me A..., son avocat, et d'autre part, le ministre de l'intérieur et la Commission nationale de l'informatique et des libertés, qui ont été mis à même de prendre la parole avant les conclusions ;

Et après avoir entendu en séance :

- le rapport de M. Bertrand Dacosta, conseiller d'Etat,

- et, hors la présence des parties, les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

Sur les conclusions relatives aux données figurant dans le fichier CRISTINA :

1. En vertu de l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, les traitements de données à caractère personnel mis en oeuvre pour le compte de l'Etat et intéressant la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique sont autorisés par arrêté du ou des ministres compétents, pris après avis motivé de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), publié avec l'arrêté autorisant le traitement. Ceux de ces traitements qui portent sur des données mentionnées au I de l'article 6 de la même loi doivent être autorisés par décret en Conseil d'Etat pris après avis motivé de la Commission, publié avec ce décret. Un décret en Conseil d'Etat peut dispenser de publication l'acte réglementaire autorisant la mise en oeuvre de ces traitements ; le sens de l'avis émis par la CNIL est alors publié avec ce décret.

2. L'article L. 841-2 du code de la sécurité intérieure prévoit que le Conseil d'Etat est compétent pour connaître, dans les conditions prévues au chapitre III bis du titre VII du livre VII du code de justice administrative, des requêtes concernant la mise en oeuvre du droit d'accès aux traitements de données à caractère personnel mis en oeuvre pour le compte de l'Etat et intéressant la sûreté de l'Etat ou la défense, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat. En vertu de l'article R. 841-2 du même code, figure notamment au nombre de ces traitements le fichier de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), dénommé CRISTINA.

3. L'article L. 773-8 du code de justice administrative dispose que, lorsqu'elle traite des requêtes relatives à la mise en oeuvre du droit d'accès mentionné au point 2, " la formation de jugement se fonde sur les éléments contenus, le cas échéant, dans le traitement sans les révéler ni révéler si le requérant figure ou non dans le traitement. Toutefois, lorsqu'elle constate que le traitement ou la partie de traitement faisant l'objet du litige comporte des données à caractère personnel le concernant qui sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées, ou dont la collecte, l'utilisation, la communication ou la conservation est interdite, elle en informe le requérant, sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Elle peut ordonner que ces données soient, selon les cas, rectifiées, mises à jour ou effacées. Saisie de conclusions en ce sens, elle peut indemniser le requérant ". L'article R. 773-20 du même code précise que : " Le défendeur indique au Conseil d'Etat, au moment du dépôt de ses mémoires et pièces, les passages de ses productions et, le cas échéant, de celles de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, qui sont protégés par le secret de la défense nationale. /Les mémoires et les pièces jointes produits par le défendeur et, le cas échéant, par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement sont communiqués au requérant, à l'exception des passages des mémoires et des pièces qui, soit comportent des informations protégées par le secret de la défense nationale, soit confirment ou infirment la mise en oeuvre d'une technique de renseignement à l'égard du requérant, soit divulguent des éléments contenus dans le traitement de données, soit révèlent que le requérant figure ou ne figure pas dans le traitement. /Lorsqu'une intervention est formée, le président de la formation spécialisée ordonne, s'il y a lieu, que le mémoire soit communiqué aux parties, et à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves que celles mentionnées à l'alinéa précédent ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a saisi la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) afin de pouvoir accéder aux données susceptibles de le concerner figurant dans le fichier CRISTINA. La Commission a désigné, en application de l'article 41 de la loi du 6 janvier 1978, alors applicable, un membre pour mener toutes investigations utiles et faire procéder, le cas échéant, aux modifications nécessaires. Par une lettre du 30 mai 2018, la présidente de la Commission a informé M. C... qu'il avait été procédé à l'ensemble des vérifications demandées et que la procédure était terminée, sans lui apporter d'autre information. M. C... demande l'annulation du refus, révélé par ce courrier, du ministre de l'intérieur de lui donner accès aux données susceptibles de le concerner et figurant dans le fichier litigieux, d'enjoindre au ministre, sous astreinte, de les lui communiquer puis de les effacer, et de condamner l'Etat à réparer le préjudice lié à son fichage illégal.

5. Le ministre de l'intérieur et la CNIL ont communiqué au Conseil d'Etat, dans les conditions prévues à l'article R. 773-20 du code de justice administrative, les éléments relatifs à la situation de l'intéressé. Le ministre a, en outre, communiqué l'acte réglementaire, non publié, créant le fichier litigieux

6. Il appartient à la formation spécialisée, créée par l'article L. 773-2 du code de justice administrative précité, saisie de conclusions dirigées contre le refus de communiquer les données relatives à une personne qui allègue être mentionnée dans un fichier figurant à l'article R. 841-2 du code de la sécurité intérieure, de vérifier, au vu des éléments qui lui ont été communiqués hors la procédure contradictoire, si le requérant figure ou non dans le fichier litigieux. Dans l'affirmative, il lui appartient d'apprécier si les données y figurant sont pertinentes au regard des finalités poursuivies par ce fichier, adéquates et proportionnées. Pour ce faire, elle peut relever d'office tout moyen ainsi que le prévoit l'article L. 773-5 du code de justice administrative. Lorsqu'il apparaît soit que le requérant n'est pas mentionné dans le fichier litigieux soit que les données à caractère personnel le concernant qui y figurent ne sont entachées d'aucune illégalité, la formation de jugement rejette les conclusions du requérant sans autre précision. Dans le cas où des informations relatives au requérant figurent dans le fichier litigieux et apparaissent entachées d'illégalité soit que les données à caractère personnel le concernant sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées soit que leur collecte, leur utilisation, leur communication ou leur consultation est interdite, elle en informe le requérant sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Cette circonstance, le cas échéant relevée d'office par le juge dans les conditions prévues à l'article R. 773-21 du code de justice administrative, implique nécessairement que l'autorité gestionnaire du fichier rétablisse la légalité en effaçant ou en rectifiant, dans la mesure du nécessaire, les données illégales. Dans pareil cas, doit être annulée la décision implicite refusant de procéder à un tel effacement ou à une telle rectification.

7. La formation spécialisée a procédé à l'examen de l'acte réglementaire autorisant la création du fichier litigieux ainsi que des éléments fournis par le ministre et par la CNIL, laquelle a effectué les diligences qui lui incombent dans le respect des règles de compétence et de procédure applicables. Il résulte de cet examen, qui s'est déroulé selon les modalités décrites au point précédent et qui n'a révélé aucune illégalité, que les conclusions de M. C... relatives aux données contenues dans le fichier CRISTINA, y compris ses conclusions à fin d'injonction, d'indemnisation et d'application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.

Sur les autres conclusions de la requête :

8. Les autres conclusions du requérant, qui sont dépourvues de toute précision permettant d'en apprécier le bien-fondé et qui, en outre, pour certaines d'entre elles, excèdent l'office du juge administratif ou sont manifestement irrecevables, ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la Commission nationale de l'informatique et des libertés.


Synthèse
Formation : Formation spécialisée
Numéro d'arrêt : 421691
Date de la décision : 06/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 06 nov. 2019, n° 421691
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bertrand Dacosta
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti-fs
Avocat(s) : HAAS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:421691.20191106
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