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21/10/2019 | FRANCE | N°419631

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 21 octobre 2019, 419631


Vu les procédures suivantes :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 juillet 2015 par lequel le maire de Marseille a délivré à la société OGIC un permis de construire pour un immeuble dénommé " Le creux de l'épaule ", situé chemin du Roucas Blanc à Marseille, ensemble le rejet de son recours gracieux. Par un jugement n° 1509669 du 8 février 2018, le tribunal administratif a annulé l'arrêté du maire de Marseille du 30 juillet 2015.

1° Sous le n° 419631, par un pourvoi sommaire et un mémoir

e complémentaire, enregistrés les 9 avril et 9 juillet 2018 au secrétariat du cont...

Vu les procédures suivantes :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 juillet 2015 par lequel le maire de Marseille a délivré à la société OGIC un permis de construire pour un immeuble dénommé " Le creux de l'épaule ", situé chemin du Roucas Blanc à Marseille, ensemble le rejet de son recours gracieux. Par un jugement n° 1509669 du 8 février 2018, le tribunal administratif a annulé l'arrêté du maire de Marseille du 30 juillet 2015.

1° Sous le n° 419631, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 avril et 9 juillet 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société OGIC demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 419728, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un autre mémoire, enregistrés les 9 avril et 9 juillet 2018 et le 10 septembre 2019 au secrétariat du Conseil d'Etat, la ville de Marseille demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Fanélie Ducloz, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de la société OGIC, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de M. B... et à la SCP Didier, Pinet, avocat de la ville de Marseille ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 19 septembre 2019, présentée par la société OGIC ;

Considérant ce qui suit :

1. Les pourvois visés ci-dessus étant dirigés contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le maire de Marseille a, par arrêté du 30 juillet 2015, délivré à la société OGIC un permis de construire un immeuble dénommé " Le creux de l'épaule ", comprenant dix-sept logements et trente-trois places de stationnement, sur un terrain situé chemin du Roucas Blanc à Marseille. M. B... a demandé au tribunal administratif de Marseille l'annulation pour excès de pouvoir de ce permis de construire. Par un jugement du 8 février 2018, contre lequel la société OGIC et la ville de Marseille se pourvoient en cassation, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à cette demande.

3. En premier lieu, selon l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci.

4. Le tribunal a relevé que le requérant, propriétaire d'une maison d'habitation séparée d'une trentaine de mètres du terrain d'assiette de la construction projetée, justifiait, par les éléments qu'il versait aux débats, de la perte de vues sur un espace végétal et forestier et d'une augmentation de la circulation sur un chemin étroit et escarpé menant à sa propriété et que la société OGIC n'apportait aucun élément de nature à établir que ces atteintes étaient dépourvues de réalité. Il en a déduit, sans commettre d'erreur de droit ni d'erreur de qualification juridique, que le requérant justifiait d'une atteinte directe aux conditions d'occupation, d'utilisation et de jouissance de son bien et, en conséquence, d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation du permis de construire.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans trois dimensions. (...) / Lorsque le terrain n'est pas directement desservi par une voie ouverte à la circulation publique, le plan de masse indique l'emplacement et les caractéristiques de la servitude de passage permettant d'y accéder. (...) ". Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la notice architecturale jointe au dossier de demande de permis de construire se bornait à indiquer que " le projet est desservi par une voie privée avec servitude de passage ", et que le plan de masse mentionnait l'existence d'une " route ", sans autre précision. Par suite, en jugeant que le service instructeur n'avait pu se prononcer en toute connaissance de cause pour apprécier le caractère suffisant de la desserte du projet, faute de pièces jointes à la demande de permis de construire indiquant l'emplacement de la servitude de passage et ses caractéristiques, le tribunal a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation et n'a pas entaché son jugement d'erreur de droit ni d'insuffisance de motivation.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la zone UR du règlement du plan local d'urbanisme : " Pour être constructible, un terrain doit être desservi par une voierie présentant les caractéristiques permettant de satisfaire aux exigences : des destinations et besoins des aménagements et constructions, de sécurité, du ramassage des ordures ménagères. (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, si la société OGIC soutenait que la voie de desserte du terrain d'assiette du projet était conforme aux prescriptions de l'article 3 de la zone UR du règlement du plan local d'urbanisme dès lors qu'elle avait une largeur de 4,60 mètres au droit de la construction et que le bataillon des marins-pompiers de Marseille avait émis un avis favorable, le tribunal s'est fondé d'une part, sur le fait que le dossier de permis de construire ne comportait, ainsi qu'il est dit au point 3, aucun élément précis sur les caractéristiques de cette voie, d'autre part, sur le fait qu'il ressortait du constat d'huissier produit par le requérant que la voie de desserte du terrain d'assiette était composée pour partie d'un chemin de terre très étroit, mesurant 2,70 mètres de large dans sa partie la plus étroite, bordé de grillages des deux côtés, qui ne permettait le passage que d'un véhicule, pour estimer que, eu égard à la nature des constructions envisagées, le terrain d'assiette du projet ne pouvait être regardé comme étant desservi par une voierie présentant les caractéristiques permettant de satisfaire à sa destination et ses besoins. En statuant ainsi, le tribunal a souverainement apprécié les faits de l'espèce sans les dénaturer et n'a pas commis d'erreur de droit. Le moyen dirigé contre l'autre motif retenu par le tribunal pour juger que le permis attaqué méconnaissait l'article 3 de la zone UR du règlement du plan local d'urbanisme, tiré du défaut de justification par le pétitionnaire d'un titre créant une servitude de passage permettant l'accès du terrain, présente un caractère surabondant et doit, par suite, être écarté comme inopérant.

8. En quatrième et dernier lieu, il ressort des écritures de la société OGIC dans son mémoire en défense enregistré le 22 juillet 2016 au greffe du tribunal administratif de Marseille, qu'elle a demandé l'application des dispositions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, qui permettent de prononcer l'annulation partielle du permis de construire et, le cas échéant, de fixer un délai dans lequel le titulaire du permis pourra en demander la régularisation. En omettant de se prononcer sur cette demande, le tribunal a entaché son jugement d'un défaut de réponse à conclusions.

9. Il résulte de tout ce qui précède qu'il n'y a pas lieu d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il juge que le permis litigieux est entaché des vices rappelés ci-dessus. Il y a lieu en revanche de l'annuler en tant qu'il ne statue pas sur les conclusions de la société OGIC tendant à l'application des dispositions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme et annule en conséquence l'arrêté du maire de Marseille du 30 juillet 2015, et en tant qu'il statue sur les conclusions présentées devant le tribunal au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

11. En vertu de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé. "

12. Il résulte de l'instruction, que le terrain d'assiette du projet n'est pas desservi par une voierie présentant les caractéristiques permettant de satisfaire à la destination et aux besoins du projet. Par suite, compte tenu notamment de la configuration des lieux, le vice du permis de construire attaqué résultant de la méconnaissance de l'article 3 de la zone UR du règlement du plan local d'urbanisme, qui, compte tenu de la configuration des lieux, remet en cause la conception générale du projet, et en particulier son ampleur, ne peut être regardé comme régularisable. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à demander l'annulation du permis de construire attaqué dans sa totalité.

Sur les frais liés au litige :

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société OGIC, d'une part, et de la ville de Marseille, d'autre part, une somme de 1 000 euros à verser chacune à M. B..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. B... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 février 2018 est annulé en tant qu'il ne statue pas sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme et annule en conséquence l'arrêté du maire de Marseille du 30 juillet 2015, et en tant qu'il statue sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 2 : L'arrêté n° PC013055.14.0072PO du 30 juillet 2015 par lequel le maire de Marseille a délivré un permis de construire à la société OGIC et la décision par laquelle le maire de Marseille a rejeté le recours gracieux formé à son encontre par M. B... sont annulés.

Article 3 : La société OGIC et la ville de Marseille verseront chacune à M. B... une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société OGIC et la ville de Marseille au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société OGIC, à la ville de Marseille, et à M. A... B....


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 419631
Date de la décision : 21/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 21 oct. 2019, n° 419631
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Fanélie Ducloz
Rapporteur public ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe
Avocat(s) : SCP CELICE, SOLTNER, TEXIDOR, PERIER ; SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:419631.20191021
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