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21/10/2019 | FRANCE | N°419153

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 21 octobre 2019, 419153


Vu la procédure suivante :

La banque de Saint-Pierre-et-Miquelon (BSPM) a demandé au tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 458 750 euros correspondant au montant de la compensation financière qui aurait dû être versée à la société Alliance à la fin du mois de juin 2008. Par un jugement n° 31/09 du 26 septembre 2012, le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 12BX03199 du 17 février 2014, la cour administrative de Bordeaux a rejeté l'appel formé p

ar le ministre des outre-mer contre ce jugement.

Par une décision n° 377944 d...

Vu la procédure suivante :

La banque de Saint-Pierre-et-Miquelon (BSPM) a demandé au tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 458 750 euros correspondant au montant de la compensation financière qui aurait dû être versée à la société Alliance à la fin du mois de juin 2008. Par un jugement n° 31/09 du 26 septembre 2012, le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 12BX03199 du 17 février 2014, la cour administrative de Bordeaux a rejeté l'appel formé par le ministre des outre-mer contre ce jugement.

Par une décision n° 377944 du 6 mars 2015 le conseil d'Etat, sur le pourvoi formé par le ministre, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Par un arrêt n° 15BX00962 du 24 novembre 2015, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement du 26 septembre 2012 et rejeté la demande de première instance présentée par la BSPM.

Par un arrêt n° 17BX00874 du 19 décembre 2017, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté la requête en tierce opposition présentée par la société Alliance contre cet arrêt.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 20 mars, 20 juin et 4 octobre 2018 et 25 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Alliance demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa requête en tierce-opposition ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code monétaire et financier ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Yves Ollier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Ohl, Vexliard, avocat de la société Alliance, et à la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de la Caisse d'épargne CEPAC ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 4 octobre 2019, présentée par la Caisse d'épargne CEPAC ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 4 octobre 2019, présentée par la société Alliance ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par une convention de délégation de service public du 29 décembre 2004, conclue pour une durée de cinq ans, l'Etat a confié à la société Alliance l'exploitation et la gestion du service de desserte maritime en fret de l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon. Les modalités de rémunération de la société délégataire ont été fixées par l'article 13 de cette convention qui stipule, notamment, que : " (...) en contrepartie des obligations lui incombant : le délégant verse au délégataire une compensation forfaitaire annuelle (...) ". Par un bordereau du 12 décembre 2007, la société Alliance a cédé à la Banque de Saint-Pierre-et-Miquelon (BSPM) la créance qu'elle détenait sur l'Etat au titre de l'année 2008 en application de cette stipulation contractuelle. L'Etat a toutefois refusé de verser à la BSPM la somme de 458 750 euros correspondant à la part de la compensation forfaitaire venant à échéance au 30 juin 2008, au motif que la société Alliance avait interrompu ses prestations de transport maritime au 27 juin 2008. Par un jugement du 26 septembre 2012, le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon a fait droit à la demande de la BSPM tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser cette somme. Par un arrêt du 17 février 2014, la cour d'administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par le ministre des outre-mer contre ce jugement. Par une décision n° 377944 du 6 mars 2015, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour. Par un nouvel arrêt rendu le 24 novembre 2015, la cour d'administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement du tribunal administratif du 26 septembre 2012 et rejeté les conclusions dirigées par la BSPM contre l'Etat. Par un arrêt du 19 décembre 2017, contre lequel la société Alliance se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté la requête en tierce opposition présentée par cette société contre cet arrêt.

2. En premier lieu, il ressort de l'examen de la minute de l'arrêt attaqué que celle-ci comporte les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience, requises par l'article R. 741 7 du code de justice administrative. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

3. En second lieu, aux termes de l'article R. 832-1 du code de justice administrative : " Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'une personne a été représentée à l'instance par une partie ayant des intérêts concordants avec les siens, elle n'est pas recevable à former tierce-opposition contre la décision juridictionnelle rendue à l'issue de cette instance.

4. La cour administrative d'appel a relevé qu'en leur qualité respective de cédant et de cessionnaire d'une créance détenue sur l'Etat, autorité délégante, la société Alliance et la banque de Saint-Pierre-et-Miquelon, substituée à la société Alliance dans les droits résultant de la créance cédée, avaient des intérêts concordants dans l'instance tendant à ce que la cour se prononce sur l'obligation pour le délégant de verser à la banque la somme demandée au titre de la compensation forfaitaire prévue au contrat. Ce faisant, et alors même que l'article L. 313-24 du code monétaire et financier instaure un mécanisme de garantie entre cessionnaire et cédant, la cour administrative d'appel n'a pas inexactement qualifié les faits dont elle était saisie. Par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en déduisant de ces constatations que la société Alliance devait être regardée comme ayant été représentée par la banque de Saint-Pierre-et-Miquelon au cours de l'instance au terme de laquelle a été rendu l'arrêt faisant l'objet de sa requête en tierce opposition et que ladite requête était par conséquent irrecevable, et ce alors même que le mécanisme particulier de cession de créance prévu par les articles L. 313-23 et suivants du code monétaire et financier est exclusif de toute notion de représentation ou de mandat.

5. Il résulte de ce qui précède que la société Alliance n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la société Alliance est rejeté.

Article 2 : les conclusions présentées par la Caisse d'épargne CEPAC au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Alliance, à la Caisse d'épargne CEPAC venant aux droits de la banque de Saint- Pierre-et- Miquelon et à la ministre des outre mer.


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 419153
Date de la décision : 21/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

PROCÉDURE - VOIES DE RECOURS - CASSATION - CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION - BIEN-FONDÉ - QUALIFICATION JURIDIQUE DES FAITS - EXISTENCE D'INTÉRÊTS CONCORDANTS ENTRE LA PERSONNE FORMANT TIERCE-OPPOSITION ET UNE PERSONNE REPRÉSENTÉE DANS L'INSTANCE.

54-08-02-02-01-02 Le juge de cassation exerce un contrôle de qualification juridique sur l'existence d'intérêts concordants entre la personne formant tierce-opposition et une personne représentée dans l'instance, pour apprécier la recevabilité de cette tierce-opposition contre la décision juridictionnelle rendue à l'issue de cette instance.

PROCÉDURE - VOIES DE RECOURS - TIERCE-OPPOSITION - RECEVABILITÉ - PERSONNES REPRÉSENTÉES DANS L'INSTANCE - 1) CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION SUR L'EXISTENCE D'INTÉRÊTS CONCORDANTS - CONTRÔLE DE LA QUALIFICATION JURIDIQUE DES FAITS - 2) ILLUSTRATION - CONTENTIEUX RELATIF AU PAIEMENT D'UNE CRÉANCE PUBLIQUE CÉDÉE - PERSONNE CÉDANT CETTE CRÉANCE POUVANT ÊTRE REGARDÉE COMME REPRÉSENTÉE PAR LE CESSIONNAIRE - EXISTENCE.

54-08-04-01 1) Le juge de cassation exerce un contrôle de qualification juridique sur l'existence d'intérêts concordants entre la personne formant tierce-opposition et une personne représentée dans l'instance, pour apprécier la recevabilité de cette tierce-opposition contre la décision juridictionnelle rendue à l'issue de cette instance.... ,,2) Société requérante cédant à une banque une créance détenue sur l'Etat en application d'une convention de délégation de service public. Cour administrative d'appel rejetant en définitive la demande de la banque tendant au paiement de cette créance, puis rejetant comme irrecevable la requête en tierce-opposition formée par la société cédante. Cour administrative d'appel relevant qu'en leur qualité respective de cédant et de cessionnaire d'une créance détenue sur l'Etat, autorité délégante, la société requérante et la banque, substituée à la requérante dans les droits résultant de la créance cédée, avaient des intérêts concordants dans l'instance tendant à ce que la cour se prononce sur l'obligation pour le délégant de verser à la banque la somme demandée au titre de la compensation forfaitaire prévue au contrat. Ce faisant, et alors même que l'article L. 313-24 du code monétaire et financier (CMF) instaure un mécanisme de garantie entre cessionnaire et cédant, la cour administrative d'appel n'a pas inexactement qualifié les faits dont elle était saisie.... ,,Par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en déduisant de ces constatations que la société requérante devait être regardée comme ayant été représentée par la banque au cours de l'instance au terme de laquelle a été rendu l'arrêt faisant l'objet de sa requête en tierce opposition et que ladite requête était par conséquent irrecevable.


Publications
Proposition de citation : CE, 21 oct. 2019, n° 419153
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Yves Ollier
Rapporteur public ?: M. Gilles Pellissier
Avocat(s) : SCP OHL, VEXLIARD ; SCP THOUIN-PALAT, BOUCARD

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:419153.20191021
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