Vu la procédure suivante :
La communauté de communes du Pays de Gex a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 19 février 2013, confirmée le 16 juillet 2013 sur recours gracieux, du directeur de la délégation Rhône-Alpes de l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse excluant deux stations d'épuration du dispositif d'aide à la performance des systèmes d'assainissement collectif et, d'autre part, d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 27 juin 2013 par laquelle le conseil d'administration de l'agence a modifié la délibération du 25 octobre 2012 relative à cette aide et, enfin, d'enjoindre à l'agence de rétablir, sur le fondement de son précédent règlement d'intervention, les conditions de fixation de la prime épuratoire des systèmes d'assainissement collectif, y compris pour les collectivités dont les effluents sont traités en Suisse.
Par un jugement n° 1307010 du 11 février 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 16LY01072 du 10 avril 2018, la cour administrative d'appel de Lyon, sur l'appel de la communauté de communes du Pays de Gex, a annulé ce jugement en tant qu'il rejette les conclusions à fin d'annulation de la décision du 19 février 2013 et du rejet du recours gracieux, a annulé les décisions du 19 février 2013 et du 16 juillet 2013 et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 11 juin et 11 septembre 2018 et le 12 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de communauté de communes du Pays de Gex la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Laure Durand-Viel, auditeur,
- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse et à la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat de la communauté de communes du Pays de Gex ;
Considérant ce qui suit :
1. La communauté de communes du Pays de Gex a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler, d'une part, la lettre du 19 février 2013 du directeur de la délégation Rhône-Alpes de l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse lui indiquant qu'en application d'une délibération du 25 octobre 2012 du conseil d'administration de l'agence, l'aide à la performance épuratoire des systèmes d'assainissement collectif ne lui serait plus versée à compter de l'année 2013 au titre de deux stations situées sur le territoire suisse, ainsi que la lettre du 16 juillet 2013 par laquelle le directeur du département des données, redevances et relations internationales de l'agence l'a invitée à faire les démarches nécessaires pour solliciter cette subvention au titre de la seule année 2013, et, d'autre part, la délibération du 27 juin 2013 du conseil d'administration de l'agence rétablissant cette aide pour ces deux stations d'épuration au titre de la seule année 2013 et, enfin, d'enjoindre à cette agence de rétablir les conditions de fixation de cette aide sur le fondement de son précédent règlement d'intervention y compris pour les collectivités dont les effluents sont traités en Suisse. Par un jugement du 11 février 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par un arrêt du 10 avril 2018, contre lequel l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé ce jugement en tant qu'il rejette les conclusions à fin d'annulation de la décision du 19 février 2013 et du rejet du recours gracieux, a annulé les décisions des 19 février 2013 et 16 juillet 2013 et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
2. Aux termes de l'article L. 213-9-1 du code de l'environnement dans sa rédaction en vigueur : " (...) le programme pluriannuel d'intervention de chaque agence de l'eau détermine les domaines et les conditions de son action et prévoit le montant des dépenses et des recettes nécessaires à sa mise en oeuvre. / (...) / Les délibérations du conseil d'administration de l'agence de l'eau relatives au programme pluriannuel d'intervention et aux taux des redevances sont prises sur avis conforme du comité de bassin, dans le respect des dispositions encadrant le montant pluriannuel global de ses dépenses et leur répartition par grand domaine d'intervention, qui font l'objet d'un arrêté conjoint des ministres chargés de l'environnement et des finances, pris après avis du Comité national de l'eau. ". L'article D. 213-23 du même code précise que, lorsqu'il est consulté sur le programme pluriannuel d'intervention ou le taux des redevances en application de l'article L. 213-9-1, le comité de bassin se prononce dans un délai d'un mois à compter de sa saisine. Enfin, l'article R. 213-39 du même code dispose que " Le conseil d'administration des agences de l'eau règle, par ses délibérations, les affaires de l'établissement. Il délibère notamment sur : (...) 2° Les programmes généraux d'activité, et notamment les programmes pluriannuels d'intervention prévus à l'article L. 213-9-1 ; (...) ; 4° Les taux des redevances prévues à l'article L. 213-10 ; (...) ; 7° Les conditions générales d'attribution des subventions et des concours financiers aux personnes publiques et privées ; (...) ".
3. Si, dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre une mesure d'application d'un acte réglementaire, la légalité des règles fixées par celui-ci, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux.
4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour a fait droit au moyen, soulevé par voie d'exception, relatif à la compétence de l'auteur de l'acte, tiré de l'absence d'avis conforme du comité de bassin sur la délibération du 25 octobre 2012 du conseil d'administration de l'agence relative aux aides à la performance épuratoire décidées dans le cadre du 10ème programme pluriannuel d'intervention de l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse. Toutefois, il résulte des dispositions citées au point 2 que l'obligation de recueillir l'avis conforme du comité de bassin s'applique aux seules délibérations portant sur l'adoption ou la modification du programme pluriannuel d'intervention ou sur le taux des redevances, et que les délibérations prises dans le cadre des orientations des programmes pluriannuels d'intervention qui portent sur les conditions générales d'attribution des subventions et des concours financiers aux personnes publiques et privées ne sont pas soumises à cette obligation. Par suite, en jugeant que la procédure d'adoption de la délibération du 25 octobre 2012 relative aux aides à la performance épuratoire décidées dans le cadre du 10ème programme pluriannuel d'intervention de l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse était entachée d'irrégularité faute d'avis conforme du comité de bassin, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit.
5. Il résulte de ce qui précède que l'arrêt du 10 avril 2018 de la cour administrative d'appel de Lyon doit être annulé. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la communauté de communes du Pays de Gex la somme de 3 000 euros à verser à l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 10 avril 2018 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : La communauté de communes du Pays de Gex versera à l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse et à la communauté de communes du Pays de Gex.