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09/10/2019 | FRANCE | N°418100

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 09 octobre 2019, 418100


Vu la procédure suivante :

La société Industrial et Environnemental Platform a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée mise à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 19 décembre 2008. Par un jugement n° 1400720 du 18 février 2016, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 16DA00788 du 5 décembre 2017, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par la société Industrial et Environnemental Platform contre ce jugement.

Par un pourvoi som

maire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 février et 14 mai 2018 au sec...

Vu la procédure suivante :

La société Industrial et Environnemental Platform a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée mise à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 19 décembre 2008. Par un jugement n° 1400720 du 18 février 2016, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 16DA00788 du 5 décembre 2017, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par la société Industrial et Environnemental Platform contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 février et 14 mai 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Industrial et Environnemental Platform demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- le code de l'environnement ;

- le code général des impôts, son annexe II et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Céline Guibé, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de la société Industrial et Environnemental Platform ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Sabic Innovative Plastics ABS France a cessé, en mars 2008, son activité de production de matières plastiques exercée à Villers-Saint-Sépulcre (Oise). Ses actions ont été cédées le 19 décembre 2008, le nouvel actionnaire s'engageant à ne pas reprendre l'activité industrielle précédemment exercée sur le site et projetant, après avoir procédé à sa dépollution, de le diviser en parcelles destinées à être exploitées par des entreprises des secteurs de la protection de l'environnement, des énergies renouvelables et de la valorisation des déchets. La société Industrial et Environmental Platform, nouvelle dénomination de la société Sabic Innovative Plastics ABS France, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale a notamment estimé que la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'acquisition des biens immobilisés qui avaient cessé d'être utilisés pour les besoins de l'activité de production de matières plastiques devait faire l'objet d'une régularisation sur le fondement du 5° du 1 du III de l'article 207 de l'annexe II au code général des impôts. La société Industrial et Environmental Platform se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 5 décembre 2017 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté son appel contre le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 18 février 2016 rejetant sa demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 19 décembre 2008.

Sur la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux biens immobiliers immobilisés :

2. L'article 185 de la directive 2006/112/CE prévoit que la taxe sur la valeur ajoutée déduite lors de l'acquisition d'un bien utilisé pour les besoins des opérations taxées d'un assujetti doit faire l'objet d'une régularisation " lorsque des modifications des éléments pris en considération pour la détermination du montant des déductions sont intervenues postérieurement à la déclaration de taxe sur la valeur ajoutée, entre autres en cas d'achats annulés ou en cas de rabais obtenus (...) ".

3. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération ". L'article 207 de l'annexe II à ce code, qui transpose notamment l'article 185 de la directive 2006/112/CE, prévoit que cette déduction est définitivement acquise à l'entreprise, sous réserve des dispositions suivantes : " II. - 1. Pour les biens immobilisés, une régularisation de la taxe initialement déduite est opérée chaque année pendant cinq ans (...) 2. Chaque année, la régularisation est égale au cinquième du produit de la taxe initiale par la différence entre le coefficient de déduction de l'année et le coefficient de déduction de référence mentionné au 2 du V. Elle prend la forme d'une déduction complémentaire si cette différence est positive, d'un reversement dans le cas contraire. 3. Par dérogation à la durée mentionnée au 1 et à la fraction mentionnée au 2, cette régularisation s'opère pour les immeubles immobilisés par vingtième pendant vingt années. (...) III. - 1. Une régularisation de la taxe initialement déduite et grevant un bien immobilisé est également opérée : (...) 5° Lorsqu'il cesse d'être utilisé à des opérations imposables. 2. Cette régularisation est égale à la somme des régularisations qui auraient été effectuées jusqu'au terme de la période de régularisation en application des 1, 2, 3 et 5 du II, en considérant que pour chacune des années restantes de cette période : (...) 5° Dans le cas visé au 5° du 1, le coefficient d'assujettissement est égal à zéro ".

4. Une entreprise n'est tenue de procéder à la régularisation globale prévue par les dispositions précitées du 5° du 1 du III de l'article 207 de l'annexe II au code général des impôts qu'à compter de l'évènement qui caractérise de façon certaine la désaffectation définitive d'une immobilisation à la réalisation d'opérations taxables.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite de l'arrêt définitif, en mars 2008, de l'activité industrielle exercée à Villers-Saint-Sépulcre, la société Sabic Innovative Plastics ABS France a, conformément à la procédure applicable aux installations classées soumises à autorisation alors prévue par l'article R. 512-74 du code de l'environnement, aujourd'hui repris à son article R. 512-39-1, procédé à la mise en sécurité du site de production, dans l'attente de son démantèlement et de sa dépollution. Ainsi, si les biens immobilisés de la société ont cessé, à cette date, d'être utilisés pour les besoins de son activité industrielle, ils étaient destinés à être soit détruits, soit cédés, soit transformés dans le cadre de la réaffectation des terrains à un nouvel usage. Dans ces circonstances, la conservation, au cours de l'année 2008, des biens immobiliers dans le patrimoine de la société dans l'attente de l'engagement des opérations de démantèlement, ne constituait pas un évènement de nature à entraîner la régularisation globale de la taxe ayant grevé leur acquisition. Par suite, en jugeant que la taxe initialement déduite devait faire l'objet d'une régularisation globale dès 2008 en application des dispositions du 5° du 1 du III de l'article 207 de l'annexe II au code général des impôts aux motifs, d'une part, que ces biens avaient cessé d'être utilisés pour l'activité de production de matières plastiques et, d'autre part, qu'il n'était pas justifié qu'ils auraient été, au cours de cette période, réaffectés à la réalisation d'autres opérations imposables, la cour a commis une erreur de droit. Son arrêt doit, dès lors, être annulé en tant qu'il statue sur les conclusions relatives aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents aux biens immobiliers immobilisés.

Sur la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux biens mobiliers immobilisés :

6. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, ainsi que le fait d'ailleurs valoir le ministre en défense, dans la proposition de rectification du 27 mai 2014, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents aux biens mobiliers inscrits à l'actif du bilan de la société Sabic Innovative Plastics ABS France à la date de l'arrêt de son activité de production de matières plastiques étaient, comme les rappels afférents aux biens immobiliers, fondés sur le motif tiré de ce que la société aurait dû procéder en 2008 à une régularisation globale de la taxe initialement déduite, en application des dispositions de l'article 207 de l'annexe II au code général des impôts citées au point 3. Dès lors, en appréciant le bien-fondé de ces rappels au regard du d du 8° de l'article 257 du code général des impôts, applicable à certaines opérations assimilées à des livraisons de biens à titre onéreux soumis à la taxe sur la valeur ajoutée, la cour s'est méprise sur la base légale des rectifications en litige. Par suite, son arrêt doit être annulé, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens du pourvoi soulevés sur ce point, en tant qu'il statue sur les conclusions relatives aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents aux biens mobiliers immobilisés.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Industrial et Environnemental Platform au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 5 décembre 2017 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Douai.

Article 3 : L'Etat versera à la société Industrial et Environnemental Platform la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Industrial et Environnemental Platform et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 418100
Date de la décision : 09/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-03-08 CONTRIBUTIONS ET TAXES. TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILÉES. TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE. LIQUIDATION DE LA TAXE. DÉDUCTIONS. CESSATION OU MODIFICATION D'ACTIVITÉ. - OBLIGATION DE RÉGULARISATION GLOBALE DE LA TVA INITIALEMENT DÉDUITE ET GREVANT UN BIEN IMMOBILISÉ QUI CESSE D'ÊTRE UTILISÉ À UNE OPÉRATION IMPOSABLE (5° DU 1 DU III DE L'ART. 207 DE L'ANNEXE II AU CGI) - CONDITION [RJ1].

19-06-02-08-03-08 Une entreprise n'est tenue de procéder à la régularisation globale prévue par les dispositions du 5° du 1 du III de l'article 207 de l'annexe II au code général des impôts (CGI) qu'à compter de l'évènement qui caractérise de façon certaine la désaffectation définitive d'une immobilisation à la réalisation d'opérations taxables.


Références :

[RJ1]

Rappr., sur la portée de cette obligation de régularisation, CJUE, 18 octobre 2012, TETS Hakovo AD, aff. C-234/11 ;

CJUE, 29 novembre 2012, SC Gran Via Moinesti SRL, aff. C-257/11.


Publications
Proposition de citation : CE, 09 oct. 2019, n° 418100
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Céline Guibé
Rapporteur public ?: Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon
Avocat(s) : SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET

Origine de la décision
Date de l'import : 17/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:418100.20191009
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