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04/10/2019 | FRANCE | N°417617

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 04 octobre 2019, 417617


Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 1er octobre 2015 par laquelle le jury d'examen de la deuxième année de licence " sciences, technologie, santé " de l'université Paris 13 Villetaneuse l'a déclaré défaillant à l'issue de la séance de rattrapage et d'enjoindre à cette université d'organiser une nouvelle session initiale d'examen. Par un jugement n° 1510723 du 18 mai 2016, le tribunal administratif a annulé cette décision, enjoint à l'université d'organiser, pour M. B..

., une nouvelle session de rattrapage et rejeté le surplus de ses conclus...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 1er octobre 2015 par laquelle le jury d'examen de la deuxième année de licence " sciences, technologie, santé " de l'université Paris 13 Villetaneuse l'a déclaré défaillant à l'issue de la séance de rattrapage et d'enjoindre à cette université d'organiser une nouvelle session initiale d'examen. Par un jugement n° 1510723 du 18 mai 2016, le tribunal administratif a annulé cette décision, enjoint à l'université d'organiser, pour M. B..., une nouvelle session de rattrapage et rejeté le surplus de ses conclusions à fin d'injonction.

Par une ordonnance n° 17VE00913 du 25 septembre 2017, la présidente de la 5ème chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement en tant qu'il avait rejeté le surplus des conclusions de la demande présentée au tribunal administratif.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 janvier et 26 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SCP Gaschignard, son avocat, la somme de 2 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 1er août 2011 relatif à la licence ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie Baron, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de M. A... B... et à la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de l'université Paris 13 Villetaneuse ;

Considérant ce qui suit :

1. Lorsque le juge de l'excès de pouvoir annule une décision administrative alors que plusieurs moyens sont de nature à justifier l'annulation, il lui revient, en principe, de choisir de fonder l'annulation sur le moyen qui lui paraît le mieux à même de régler le litige, au vu de l'ensemble des circonstances de l'affaire. Mais, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions à fin d'annulation, des conclusions à fin d'injonction tendant à ce que le juge enjoigne à l'autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé, il incombe au juge de l'excès de pouvoir d'examiner prioritairement les moyens qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de l'injonction demandée. Il en va également ainsi lorsque des conclusions à fin d'injonction sont présentées à titre principal sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative et à titre subsidiaire sur le fondement de l'article L. 911-2.

2. De même, lorsque le requérant choisit de hiérarchiser, avant l'expiration du délai de recours, les prétentions qu'il soumet au juge de l'excès de pouvoir en fonction de la cause juridique sur laquelle reposent, à titre principal, ses conclusions à fin d'annulation, il incombe au juge de l'excès de pouvoir de statuer en respectant cette hiérarchisation, c'est-à-dire en examinant prioritairement les moyens qui se rattachent à la cause juridique correspondant à la demande principale du requérant.

3. Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens assortissant la demande principale du requérant mais retient un moyen assortissant sa demande subsidiaire, le juge de l'excès de pouvoir n'est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu'il retient pour annuler la décision attaquée : statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande principale.

4. Si le jugement est susceptible d'appel, le requérant est recevable à relever appel en tant que le jugement n'a pas fait droit à sa demande principale. Il appartient alors au juge d'appel, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif, de se prononcer sur les moyens, soulevés devant lui, susceptibles de conduire à faire droit à la demande principale.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal administratif de Montreuil que M. B... a présenté aux tribunal des conclusions tendant, d'une part, à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 1er octobre 2015 par laquelle le jury de deuxième année de licence " sciences, technologie, santé " de l'université Paris 13 Villetaneuse l'a déclaré, au vu de l'ensemble de ses résultats, défaillant à cet examen à l'issue des épreuves tant de la session initiale que de la session de rattrapage et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à l'université d'organiser, à son profit, une nouvelle session portant sur l'ensemble des épreuves de l'examen, y compris celles pour lesquelles il n'avait pas été convoqué à la session de rattrapage. A l'appui de ses conclusions à fin d'annulation, M. B... soulevait non seulement des moyens mettant en cause les épreuves de la session de rattrapage mais également des moyens dirigés contre les épreuves de la session initiale de l'examen. Il ressort des énonciations du jugement du 18 mai 2016 du tribunal administratif de Montreuil que, pour annuler la décision qui déclarait M. B... défaillant à l'examen de licence, le tribunal s'est fondé sur un moyen mettant en cause les épreuves de rattrapage, sans se prononcer sur les moyens mettant en cause les épreuves initiales. Ces derniers moyens, s'ils avaient été fondés, auraient été de nature à justifier, outre l'annulation de la décision du jury, le prononcé d'une injonction d'organiser, non pas seulement de nouvelles épreuves dans les matières pour lesquelles M. B... avait demandé à bénéficier d'un rattrapage, mais également de nouvelles épreuves dans des matières pour lesquelles l'intéressé n'avait pas été convoqué à une épreuve de rattrapage. En statuant comme il l'a fait, le tribunal administratif doit être regardé comme ayant nécessairement écarté les moyens mettant en cause les épreuves initiales.

6. M. B... ayant fait appel du jugement du 18 mai 2016 en tant que, se bornant à enjoindre à l'université d'organiser de nouvelles épreuves dans les seules matières soumises à rattrapage, ce jugement n'avait fait que partiellement droit à ses conclusions à fins d'injonction, il appartenait à la cour administrative d'appel, conformément à ce qui a été dit au point 4, de se prononcer sur les moyens susceptibles de conduire à faire droit à la demande principale du requérant. Il suit de là que l'ordonnance du 22 septembre 2017 par laquelle la présidente de la 5ème chambre de la cour administrative d'appel a rejeté l'appel de M. B... sans examiner les moyens assortissant sa demande principale est entachée d'erreur de droit.

7. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de son pourvoi, M. B... est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à sa charge, dès lors qu'il n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Les mêmes dispositions font par ailleurs obstacle à ce qu'une somme soit mise au même titre à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie à la présente instance.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 25 septembre 2017 de la présidente de la 5ème chambre de la cour administrative d'appel de Versailles est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. B... et les conclusions de l'université Paris 13 Villetaneuse, présentés au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetés.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à l'université Paris 13 Villetaneuse.

Copie en sera adressée à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 417617
Date de la décision : 04/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

PROCÉDURE - VOIES DE RECOURS - APPEL - CONCLUSIONS RECEVABLES EN APPEL - REQUÊTE EN EXCÈS DE POUVOIR DISTINGUANT - PAR DES CONCLUSIONS À FIN D'INJONCTION OU PAR LA HIÉRARCHISATION DES PRÉTENTIONS EN FONCTION DE LA CAUSE JURIDIQUE - UNE DEMANDE PRINCIPALE ET UNE DEMANDE SUBSIDIAIRE [RJ1] - CAS D'UN JUGEMENT FAISANT DROIT À LA DEMANDE SUBSIDIAIRE - APPEL RECEVABLE EN TANT QU'IL N'A PAS FAIT DROIT À LA DEMANDE PRINCIPALE DU REQUÉRANT - OFFICE DU JUGE D'APPEL [RJ2].

54-08-01-02 Jugement retenant un moyen assortissant la demande subsidiaire du requérant et écartant ainsi implicitement les moyens qui assortissaient la demande principale. ......Si le jugement est susceptible d'appel, le requérant est recevable à relever appel en tant que le jugement n'a pas fait droit à sa demande principale. Il appartient alors au juge d'appel, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif, de se prononcer sur les moyens, soulevés devant lui, susceptibles de conduire à faire droit à la demande principale.

PROCÉDURE - VOIES DE RECOURS - APPEL - EFFET DÉVOLUTIF ET ÉVOCATION - EFFET DÉVOLUTIF - REQUÊTE EN EXCÈS DE POUVOIR DISTINGUANT - PAR DES CONCLUSIONS À FIN D'INJONCTION OU PAR LA HIÉRARCHISATION DES PRÉTENTIONS EN FONCTION DE LA CAUSE JURIDIQUE - UNE DEMANDE PRINCIPALE ET UNE DEMANDE SUBSIDIAIRE [RJ1] - CAS D'UN JUGEMENT FAISANT DROIT À LA DEMANDE SUBSIDIAIRE - APPEL RECEVABLE EN TANT QU'IL N'A PAS FAIT DROIT À LA DEMANDE PRINCIPALE DU REQUÉRANT - OFFICE DU JUGE D'APPEL [RJ2].

54-08-01-04-01 Jugement retenant un moyen assortissant la demande subsidiaire du requérant et écartant ainsi implicitement les moyens qui assortissaient la demande principale. ......Si le jugement est susceptible d'appel, le requérant est recevable à relever appel en tant que le jugement n'a pas fait droit à sa demande principale. Il appartient alors au juge d'appel, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif, de se prononcer sur les moyens, soulevés devant lui, susceptibles de conduire à faire droit à la demande principale.


Références :

[RJ1]

Cf., sur l'office du juge dans ces hypothèses, CE, Section, 21 décembre 2018, Société Eden, n° 409678, p 468....

[RJ2]

Rappr., s'agissant de l'office du juge de cassation dans le cas d'un jugement rendu en dernier ressort, CE, 5 avril 2019, M. Bonato et autres, n° 420608, p. 119.


Publications
Proposition de citation : CE, 04 oct. 2019, n° 417617
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sophie Baron
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD ; SCP THOUIN-PALAT, BOUCARD

Origine de la décision
Date de l'import : 07/08/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:417617.20191004
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