La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/09/2019 | FRANCE | N°414748

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 25 septembre 2019, 414748


Vu la procédure suivante :

M. B... C... a saisi le conseil régional de l'ordre des géomètres-experts de Montpellier d'une plainte contre Mme A... D.... Par une décision du 20 juin 2014, le conseil régional de l'ordre des géomètres-experts de Montpellier a infligé un blâme à Mme D....

Par une décision du 17 novembre 2015, le Conseil supérieur de l'ordre des géomètres-experts a, sur l'appel de Mme D..., annulé la décision du 20 juin 2014 et rejeté la plainte de M. C....

Par une ordonnance n° 1600514 du 26 septembre 2017, enregistrée le 29 septembre 2017

au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, le président du tribunal administra...

Vu la procédure suivante :

M. B... C... a saisi le conseil régional de l'ordre des géomètres-experts de Montpellier d'une plainte contre Mme A... D.... Par une décision du 20 juin 2014, le conseil régional de l'ordre des géomètres-experts de Montpellier a infligé un blâme à Mme D....

Par une décision du 17 novembre 2015, le Conseil supérieur de l'ordre des géomètres-experts a, sur l'appel de Mme D..., annulé la décision du 20 juin 2014 et rejeté la plainte de M. C....

Par une ordonnance n° 1600514 du 26 septembre 2017, enregistrée le 29 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'État, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 8 janvier 2016 au greffe de ce tribunal, présenté par M. B... C.... Par ce pourvoi, enregistré au greffe du tribunal administratif de Paris le 8 janvier 2016, deux nouveaux mémoires et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'État les 5 décembre 2017, 22 février 2018 et 4 septembre 2019, M. C... demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler la décision du 17 novembre 2015 du Conseil supérieur de l'ordre des géomètres-experts ;

2°) de mettre à la charge du Conseil supérieur de l'ordre des géomètres-experts la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 46-942 du 7 mai 1946 ;

- la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 ;

- le décret n° 96-478 du 31 mai 1996 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de M. C... et à la SCP Célice, Soltner, Téxidor, Périer, avocat du Conseil supérieur de l'ordre des géomètres-experts ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A... D..., géomètre-expert, a été désignée comme expert par le tribunal d'instance d'Alès dans le cadre d'une demande en bornage judiciaire présentée par M. B... C.... Par un jugement du 5 octobre 2006, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 24 janvier 2008, le tribunal a validé les conclusions du rapport. M. C... a porté plainte contre Mme D... devant le conseil régional de l'ordre des géomètres-experts de Montpellier, à la suite de la mise en place par l'intéressée de bornes visant à matérialiser les limites de la propriété en exécution du jugement du 5 octobre 2006. Par une décision du 20 juin 2014, la formation disciplinaire du conseil régional de l'ordre des géomètres-experts de Montpellier a infligé à Mme D... la sanction de blâme. Par une décision du 17 novembre 2015, contre laquelle M. C... se pourvoit en cassation, la formation disciplinaire du Conseil supérieur de l'ordre des géomètres-experts a, sur appel de Mme D..., annulé la décision du conseil régional de Montpellier et rejeté la plainte de M. C....

2. Aux termes de l'article 23 de la loi du 7 mai 1946 instituant l'ordre des géomètres-experts : " Tout manquement aux devoirs de la profession rend son auteur passible d'une sanction disciplinaire. / (...) / Les poursuites sont intentées auprès du conseil régional soit par le commissaire du gouvernement, soit d'office, soit sur plainte des intéressés. / (...). " Aux termes de l'article 24 de la même loi : " Les peines disciplinaires sont : 1° L'avertissement ; / 2° Le blâme ; / 3° La suspension pour une durée maximum d'une année ; / 4° La radiation du stage ou du tableau qui implique l'interdiction d'exercer la profession de géomètre-expert. / (...). " Aux termes du premier alinéa de l'article 45 du décret du 31 mai 1996 portant règlement de la profession de géomètre-expert et code des devoirs professionnels : " Le géomètre-expert est tenu en toutes circonstances de respecter les règles de l'honneur, de la probité et de l'éthique professionnelle. Il doit agir avec conscience professionnelle et selon les règles de l'art. " Aux termes du premier alinéa de l'article 83 du même décret : " La surveillance exercée par le conseil régional (...) s'étend à l'ensemble de l'activité professionnelle des géomètres-experts et sociétés de géomètres-experts, notamment en matière d'application des règles de l'art, de respect de la déontologie (...). Elle vise à contrôler le respect des règles applicables à la profession. "

3. L'article 1er de la loi du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires dispose que " Sous les seules restrictions prévues par la loi ou les règlements, les juges peuvent désigner pour procéder à des constatations, leur fournir une consultation ou réaliser une expertise, une personne figurant sur l'une des listes établies en application de l'article 2. (...) ". Aux termes du I de l'article 2 de la même loi : " Il est établi pour l'information des juges : / 1° Une liste nationale des experts judiciaires, dressée par le bureau de la Cour de cassation ; / 2° Une liste des experts judiciaires dressée par chaque cour d'appel. (...) ". L'article 6-2 de la même loi dispose que " Toute contravention aux lois et règlements relatifs à sa profession ou à sa mission d'expert, tout manquement à la probité ou à l'honneur, même se rapportant à des faits étrangers aux missions qui lui ont été confiées, expose l'expert qui en serait l'auteur à des poursuites disciplinaires. (...) / (...) / Les peines disciplinaires sont : 1° L'avertissement ; / 2° La radiation temporaire pour une durée maximale de trois ans ; / 3° La radiation avec privation définitive du droit d'être inscrit sur une des listes prévues à l'article 2, ou le retrait de l'honorariat. / Les poursuites sont exercées devant l'autorité ayant procédé à l'inscription, qui statue en commission de discipline. Les décisions en matière disciplinaire sont susceptibles d'un recours devant la Cour de cassation ou la cour d'appel, selon le cas. (...) ".

4. D'une part, en vertu des dispositions de la loi du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires citées au point 3, les géomètres-experts inscrits sur l'une des listes mentionnées à l'article 2 de cette loi sont susceptibles de faire l'objet de poursuites devant les juridictions judiciaires statuant en formation disciplinaire, en raison de manquements aux règles de leur profession, à l'honneur ou à la probité. Les sanctions disciplinaires prononcées à ce titre sont spécifiques et visent à garantir le bon fonctionnement de la justice. D'autre part, il résulte des dispositions citées au point 2 que la loi du 7 mai 1946 instituant l'ordre des géomètres-experts soumet les géomètres-experts à l'obligation de respecter en toutes circonstances un ensemble d'obligations légales, réglementaires et déontologiques qui constitue un corps de règles propre à cette profession. Ces sanctions sont d'une nature différente de celles infligées dans le cadre de la procédure disciplinaire visant les experts judiciaires et ne sauraient être prononcées par d'autres autorités disciplinaires que celles instituées par la loi du 7 mai 1946.

5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que tout manquement déontologique commis par un géomètre-expert dans l'exercice de ses fonctions, y compris à l'occasion d'une expertise judiciaire, est susceptible d'être sanctionné par l'instance disciplinaire de cet ordre professionnel. Dès lors, en jugeant qu'il n'appartient pas à la juridiction ordinale de connaître des conditions dans lesquelles un géomètre-expert exécute une mission que lui a confiée le juge civil, si ce n'est dans le cas où seraient en cause des manquements détachables de la procédure judiciaire, le Conseil supérieur de l'ordre des géomètres-experts a entaché sa décision d'une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, M. C... est fondé à demander l'annulation de la décision du 17 novembre 2015 du Conseil supérieur de l'ordre des géomètres-experts.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par M. C... soit mise à la charge du Conseil supérieur de l'ordre des géomètres-experts, lequel n'est pas partie dans la présente instance mais simple observateur. Pour le même motif, les conclusions présentées sur le fondement de ces dispositions par le Conseil supérieur de l'ordre des géomètres-experts ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 17 novembre 2015 du Conseil supérieur de l'ordre des géomètres-experts est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au Conseil supérieur de l'ordre des géomètres-experts.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. C... et par le Conseil supérieur de l'ordre des géomètres-experts sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... C..., à Mme A... D... et au Conseil supérieur de l'ordre des géomètres-experts.


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 414748
Date de la décision : 25/09/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR DES TEXTES SPÉCIAUX - ATTRIBUTIONS LÉGALES DE COMPÉTENCE AU PROFIT DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES - COMPÉTENCE DE LA JURIDICTION DISCIPLINAIRE DE L'ORDRE DES GÉOMÈTRES-EXPERTS - INCLUSION - MANQUEMENTS COMMIS À L'OCCASION D'UNE EXPERTISE ORDONNÉE PAR LE JUGE CIVIL.

17-03-01-01 Il résulte de la combinaison des articles 23 et 24 de la loi n° 46-942 du 7 mai 1946, des articles 45 et 83 du décret n° 96-478 du 31 mai 1996 et des articles 1er et 6-2 et du I de l'article 2 de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 que tout manquement déontologique commis par un géomètre-expert dans l'exercice de ses fonctions, y compris à l'occasion d'une expertise judiciaire, est susceptible d'être sanctionné par l'instance disciplinaire de cet ordre professionnel.

PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - DISCIPLINE PROFESSIONNELLE - COMPÉTENCES DES ORGANISMES ORDINAUX EN MATIÈRE DE DISCIPLINE PROFESSIONNELLE - COMPÉTENCE DE LA JURIDICTION DISCIPLINAIRE DE L'ORDRE DES GÉOMÈTRES-EXPERTS - INCLUSION - MANQUEMENTS COMMIS À L'OCCASION D'UNE EXPERTISE ORDONNÉE PAR LE JUGE CIVIL.

55-04-007 Il résulte de la combinaison des articles 23 et 24 de la loi n° 46-942 du 7 mai 1946, des articles 45 et 83 du décret n° 96-478 du 31 mai 1996 et des articles 1er et 6-2 et du I de l'article 2 de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 que tout manquement déontologique commis par un géomètre-expert dans l'exercice de ses fonctions, y compris à l'occasion d'une expertise judiciaire, est susceptible d'être sanctionné par l'instance disciplinaire de cet ordre professionnel.


Références :

.


Publications
Proposition de citation : CE, 25 sep. 2019, n° 414748
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: M. Louis Dutheillet De Lamothe
Avocat(s) : SCP CELICE, SOLTNER, TEXIDOR, PERIER ; SCP MONOD, COLIN, STOCLET

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:414748.20190925
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award