Vu la procédure suivante :
L'association " Sauvons le paradis ", l'association " pour la sauvegarde du patrimoine icaunais ", M. BG...-BO... BN..., M. G... T..., M. et Mme BB... D..., M. et Mme AE... AY..., M. D... BD..., M. et Mme AE... V..., M. Y... AM..., M. AK... AN..., M. Z... BE..., M. BG...-AE... BE..., M. BG...-AE... W..., M. et Mme AV... BK..., M. et Mme B... BA..., M. et Mme AD... AO..., M. A... AP..., M. Y... AP..., M. et Mme C... BF..., M. et Mme BJ... AA..., M. BC... AR..., Mme AL... H..., M. AT... BL..., M. et Mme BC... J..., M. AK... AS..., M. BG...-BP... AS..., Mme X... AB... et M. P... M..., Mme U... AC..., M. et Mme I... K..., M. AH... AU..., M. et Mme BC... AF..., M. AA... AG..., Mme E... L..., M. et Mme AQ... AI..., M. et Mme F... BH..., M. et Mme AX... N..., M. BG...-BJ... BI..., M. et Mme AW... O..., M. AE... AJ..., M. et Mme D... Q..., M. AZ... R..., M. AW... BM... et M. et Mme AH... S... ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 17 mars 2015 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a délivré à la société Centrale éolienne des Beaux-Monts l'autorisation d'exploiter des installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent sur le territoire des communes de Champlay, Guerchy et Neuilly. Par un jugement n° 1502576 du 25 avril 2017, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 17LY02686 du 18 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel de l'association " Sauvons le paradis " et autres, sursis à statuer sur la requête pendant un délai de six mois dans l'attente de la production par le préfet de la région Bourgogne Franche-Comté, préfet de la Côte-d'Or, d'une autorisation modificative en vue de régulariser l'arrêté du 17 mars 2015.
Par un pourvoi, enregistré le 20 février 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de l'association " Sauvons le paradis " et autres.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 2011/92/UE du Parlement et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement ;
- le code de l'environnement ;
- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;
-le décret n° 2015-1229 du 2 octobre 2015 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Laurence Franceschini, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de l'association " Sauvons le paradis " et autres ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le préfet de la région Bourgogne, préfet de la Côte-d'Or, a autorisé, par un arrêté du 17 mars 2015 pris en application de la législation sur les installations classées, la société éolienne des Beaux Monts à exploiter onze éoliennes et trois postes de livraison sur le territoire des communes de Champlay, Guerchy et Neuilly. L'association " Sauvons le paradis " et d'autres requérants ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler cet arrêté. Par un jugement du 25 avril 2017, le tribunal administratif a rejeté leur demande. Par un arrêt du 18 décembre 2018, contre lequel le ministre chargé de l'énergie se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Lyon a, faisant application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, par un arrêt avant-dire droit, sursis à statuer sur la requête de l'association " Sauvons le paradis " et autres pendant un délai de six mois à compter de sa notification, dans l'attente de la production par le préfet de la région Bourgogne Franche-Comté d'une autorisation modificative en vue de régulariser l'arrêté du 17 mars 2015.
2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les autorités susceptibles d'être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d'environnement, aient la possibilité de donner leur avis sur les informations fournies par le maître d'ouvrage et sur la demande d'autorisation. À cet effet, les États membres désignent les autorités à consulter, d'une manière générale ou au cas par cas. (...) ". L'article L. 122-1 du code de l'environnement, pris pour la transposition des articles 2 et 6 de cette directive, dispose, dans sa rédaction applicable en l'espèce, que " I. - Les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements publics et privés qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine sont précédés d'une étude d'impact.(...) / III. - Dans le cas d'un projet relevant des catégories d'opérations soumises à étude d'impact, le dossier présentant le projet, comprenant l'étude d'impact et la demande d'autorisation, est transmis pour avis à l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement. (...). / IV.- La décision de l'autorité compétente qui autorise le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage à réaliser le projet prend en considération l'étude d'impact, l'avis de l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement et le résultat de la consultation du public (...) ". En vertu du III de l'article R. 122-6 du même code dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Dans les cas ne relevant pas du I ou du II, l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement mentionnée à l'article L. 122-1 est le préfet de la région sur le territoire de laquelle le projet de travaux, d'ouvrage ou d'aménagement doit être réalisé. (...). "
3. Les dispositions de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 ont pour objet de garantir qu'une autorité compétente et objective en matière d'environnement soit en mesure de rendre un avis sur l'évaluation environnementale des plans et programmes susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, avant leur approbation ou leur autorisation, afin de permettre la prise en compte de ces incidences. Eu égard à l'interprétation des dispositions de l'article 6 de la directive du 27 juin 2001 donnée par la Cour de justice de l'Union européenne par son arrêt rendu le 20 octobre 2011 dans l'affaire C-474/10, il résulte clairement des dispositions de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 que, si elles ne font pas obstacle à ce que l'autorité publique compétente pour autoriser un projet soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, elles imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce qu'une entité administrative dispose d'une autonomie réelle, impliquant notamment qu'elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui sont propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée et de donner un avis objectif sur le projet concerné. Par une décision n° 400559 du 6 décembre 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé les dispositions de l'article R. 122-6 citées au point 2 en raison de l'absence de disposition de nature à garantir que, dans les cas où le préfet de région est l'autorité compétente pour autoriser le projet, en particulier lorsqu'il agit en sa qualité de préfet du département où se trouve le chef-lieu de la région en vertu de l'article 7 du décret du 29 avril 2004 relatifs aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements, ou dans les cas où il est en charge de l'élaboration ou de la conduite du projet au niveau local, la compétence consultative en matière environnementale est exercée par une entité interne disposant d'une autonomie réelle à son égard, conformément aux exigences de la directive.
4. Il résulte de ce qui précède qu'il appartient en conséquence au juge du fond, dès lors qu'il a constaté l'absence de disposition prise pour assurer sur ce point la transposition de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011, de rechercher si les conditions dans lesquelles l'avis a été rendu répondent ou non aux objectifs de cet article 6. Ainsi, lorsque le préfet de région est l'autorité compétente pour autoriser le projet en cause, si la mission régionale d'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable définie par le décret du 2 octobre 2015 relatif au Conseil général de l'environnement et du développement durable et les articles R. 122-21 et R. 122-25 du code de l'environnement peut être regardée comme une entité disposant, à son égard, d'une autonomie réelle lui permettant d'exercer la mission de consultation en matière environnementale, il n'en va en principe pas de même des services placés sous son autorité hiérarchique, telles les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement.
5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'avis sur l'évaluation environnementale du projet a été signé par le préfet de la région Bourgogne auteur de l'arrêté attaqué et préparé par les services de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Bourgogne, placée sous l'autorité de ce préfet. En estimant que, en l'espèce, cet avis n'avait pas été rendu par une entité interne disposant d'une autonomie réelle à l'égard de l'auteur de la décision attaquée et qu'ainsi les exigences découlant des dispositions précitées de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 avaient été méconnues, puis en jugeant que cet avis avait ainsi été rendu dans des conditions irrégulières de nature à affecter la légalité de l'arrêté du 17 mars 2015 autorisant l'exploitation d'éoliennes sur le territoire des communes de Champlay, Guerchy et Neuilly, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt, n'a pas commis d'erreur de droit.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à l'association " Sauvons le paradis " et aux autres requérants au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi du ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera solidairement à l'association " Sauvons le paradis " et aux autres requérants une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la ministre de la transition écologique et solidaire, à l'association "Sauvons le paradis", premier défendeur dénommé, et à la société Centrale Eolienne des Beaux Monts.