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24/07/2019 | FRANCE | N°428681

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 24 juillet 2019, 428681


Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rennes, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 28 septembre 2018 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires du Grand Ouest a refusé son transfert du centre pénitentiaire de Rennes Vezin (Ille-et-Vilaine) au centre pénitentiaire de Nantes (Loire-Atlantique) et d'enjoindre, sous astreinte, à ce directeur interrégional des services pénitentiaires de réexaminer

sa demande. Par une ordonnance n° 1900256 du 4 février 2019, le juge ...

Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rennes, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 28 septembre 2018 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires du Grand Ouest a refusé son transfert du centre pénitentiaire de Rennes Vezin (Ille-et-Vilaine) au centre pénitentiaire de Nantes (Loire-Atlantique) et d'enjoindre, sous astreinte, à ce directeur interrégional des services pénitentiaires de réexaminer sa demande. Par une ordonnance n° 1900256 du 4 février 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 et 22 mars et 11 juin 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à ses demandes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Garreau Bauer-Violas Feschotte-Desbois, avocat de M.A..., au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le décret n° 2016-1877 du 27 décembre 2016 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Christelle Thomas, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Anne Iljic, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de M. B...A...;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. A...a été placé en détention provisoire au quartier maison d'arrêt du centre pénitentiaire de Rennes-Vezin, en application d'un mandat de dépôt criminel du 23 février 2018, dans le cadre d'une procédure pénale ouverte à son encontre au cabinet du vice-président du tribunal de grande instance de Nantes. Par une décision du 28 septembre 2018, le directeur interrégional des services pénitentiaires du Grand Ouest a refusé la demande de transfert au quartier maison d'arrêt du centre pénitentiaire de Nantes présentée par M. A.... Par une ordonnance du 4 février 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de M. A...tendant à la suspension de l'exécution de cette décision et à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au directeur interrégional des services pénitentiaires du Grand Ouest de réexaminer sa demande. M. A... se pourvoit en cassation contre cette ordonnance.

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. / Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu'il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision ".

Sur la fin de non-recevoir opposée par la garde des sceaux, ministre de la justice :

3. En vertu de l'article 39 du décret du 19 décembre 1991 pris pour l'application de la loi du 10 juillet 1991, lorsqu'une demande d'aide juridictionnelle est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration du délai imparti pour le dépôt du pourvoi ou des mémoires, ce délai est interrompu. Dans ce cas, un nouveau délai court à compter du jour de la réception par l'intéressé de la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle.

4. Il ressort des pièces de la procédure que M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 20 février 2019, notifiée à l'intéressé le 25 février 2019. Dès lors, le pourvoi enregistré le 7 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat n'est pas tardif. Il s'ensuit que la fin de non-recevoir opposée par la garde des sceaux, ministre de la justice, doit être écartée.

Sur le bien-fondé du pourvoi en cassation :

5. Eu égard à leur nature et à leurs effets sur la situation des personnes détenues, les décisions refusant de donner suite à la demande d'une personne détenue de changer d'établissement ne constituent pas des actes administratifs susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, sous réserve que ne soient pas en cause des libertés et des droits fondamentaux des personnes détenues.

6. Pour demander la suspension de l'exécution de la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires du Grand Ouest, M. A...a notamment fait valoir devant le juge des référés du tribunal administratif de Rennes que le centre pénitentiaire de Rennes-Vezin est situé à une distance de plus d'une centaine de kilomètres du lieu de résidence, à Nantes, de sa conjointe et de leur fille mineure, née le 3 août 2016, et qu'eu égard aux faibles ressources de sa conjointe, elles ne pouvaient effectuer les trajets à une fréquence suffisante. Il soutenait qu'une telle décision bouleverse, dans des conditions qui excèdent les restrictions inhérentes à la détention, son droit de conserver des liens familiaux, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3 paragraphe 1 de la convention relative aux droits de l'enfant.

7. En estimant, au vu de l'ensemble de ces circonstances de fait qui ne sont pas contestées, que la décision litigieuse ne mettait pas en cause les droits fondamentaux de M. A... et de sa fille et qu'elle n'était pas susceptible de recours pour excès de pouvoir, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a méconnu les critères définissant les mesures insusceptibles de recours et par suite le droit au recours de M.A....

8. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, M. A...est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque.

9. M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Garreau Bauer-Violas Feschotte-Desbois, avocat de M.A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Garreau Bauer-Violas Feschotte-Desbois.

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Rennes en date du 4 février 2019 est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Rennes.

Article 3 : L'Etat versera à la SCP Garreau Bauer Violas Feschotte-Desbois, avocat de M. A..., une somme de 3 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B...A..., au directeur interrégional des services pénitentiaires du Grand Ouest et à la garde des sceaux, ministre de la justice.

Copie en sera adressée à la section du rapport et des études.


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 428681
Date de la décision : 24/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 24 jui. 2019, n° 428681
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Christelle Thomas
Rapporteur public ?: Mme Anne Iljic
Avocat(s) : SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:428681.20190724
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