Vu la procédure suivante :
M. A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 11 septembre 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier universitaire de Toulouse a rejeté sa demande de retrait de la décision d'admission en soins psychiatriques sans consentement du 28 juillet 2012 et d'enjoindre à cette autorité de retirer cette décision. Par une ordonnance n° 1804672 du 25 octobre 2018, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif a rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Par une ordonnance n° 18BX03943 du 31 décembre 2018, le président de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. B....
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 février et 27 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. A...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et de saisir le Tribunal des conflits ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Toulouse la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 ;
- le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Damien Pons, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de M. A...et à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, Robillot, avocat du centre hospitalier universitaire de Toulouse ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... a été admis en soins psychiatriques sans consentement le 28 juillet 2012 au centre hospitalier universitaire de Toulouse, avant d'être transféré deux jours plus tard à la clinique de Beaupuy. La mesure ayant été levée le 8 août 2012 à la demande du père de l'intéressé, le juge des libertés et de la détention a, par une ordonnance du même jour, constaté la levée de soins. En février 2018, M. A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler pour excès de pouvoir la décision d'admission prise par le directeur du centre hospitalier universitaire. Par une ordonnance du 12 avril 2018, confirmée en appel le 22 mai 2018, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif a rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître. L'intéressé a alors demandé au centre hospitalier universitaire de Toulouse de retirer la décision d'admission en soins psychiatriques sans consentement. Par une ordonnance du 25 octobre 2018, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision de rejet de sa demande de retrait. M. A...se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 31 décembre 2018 par laquelle le président de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté son appel contre cette ordonnance pour incompétence de la juridiction administrative.
2. Aux termes du premier alinéa de l'article 35 du décret du 27 février 2015 relatif au Tribunal des conflits et aux questions préjudicielles : " Lorsqu'une juridiction est saisie d'un litige qui présente à juger, soit sur l'action introduite, soit sur une exception, une question de compétence soulevant une difficulté sérieuse et mettant en jeu la séparation des ordres de juridiction, elle peut, par une décision motivée qui n'est susceptible d'aucun recours, renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur cette question de compétence ".
3. Les articles L. 3211-12 et L. 3211-12-1 du code de la santé publique donnent compétence au juge des libertés et de la détention pour contrôler les mesures de soins psychiatriques sans consentement, en lui donnant le pouvoir d'ordonner leur mainlevée. En outre, aux termes de l'article L. 3216-1 du code de la santé publique : " La régularité des décisions administratives prises en application des chapitres II à IV du présent titre ne peut être contestée que devant le juge judiciaire. / Le juge des libertés et de la détention connaît des contestations mentionnées au premier alinéa du présent article dans le cadre des instances introduites en application des articles L. 3211-12 et L. 3211-12-1. Dans ce cas, l'irrégularité affectant une décision administrative mentionnée au premier alinéa du présent article n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet. / Lorsque le tribunal de grande instance statue sur les demandes en réparation des conséquences dommageables résultant pour l'intéressé des décisions administratives mentionnées au premier alinéa, il peut, à cette fin, connaître des irrégularités dont ces dernières seraient entachées ". Il résulte de ces dispositions, issues de la loi du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge, que, depuis leur entrée en vigueur, l'autorité judiciaire est seule compétente pour apprécier non seulement la nécessité mais également la régularité d'une mesure d'admission en soins psychiatriques sans consentement et les conséquences qui peuvent en résulter.
4. Toutefois, en l'absence de disposition prévoyant qu'une telle mesure puisse être annulée par le juge judiciaire, M. A...soutient que le maintien dans l'ordonnancement juridique d'une décision illégale d'admission en soins psychiatriques sans consentement, eu égard aux conséquences susceptibles de s'y attacher, porte atteinte à ses droits et que le refus opposé à sa demande de retrait doit pouvoir être contesté devant le juge administratif, à défaut de pouvoir l'être devant le juge judiciaire.
5. Dans ces conditions, la question de savoir si le juge administratif ou le juge judiciaire peut connaître d'une action tendant à l'anéantissement rétroactif d'une mesure d'admission en soins psychiatriques sans consentement présente à juger une question de compétence justifiant d'en saisir, en vertu de l'article 35 du décret du 27 février 2015, le Tribunal des conflits. Par suite, il y a lieu de renvoyer au Tribunal des conflits la question de savoir si l'action introduite par M. A...relève ou non de la compétence de la juridiction administrative et de surseoir à toute procédure jusqu'à la décision de ce tribunal.
6. M. A...n'ayant soulevé de question mettant en cause la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 3216-1 du code de la santé publique qu'à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où le Conseil d'Etat, à défaut de reconnaître lui-même la compétence de la juridiction administrative, ne renverrait pas la question de compétence au Tribunal des conflits, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de renvoi au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité ainsi soulevée.
D E C I D E :
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Article 1er : L'affaire est renvoyée au Tribunal des conflits.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur le renvoi au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité dirigée contre l'article L. 3216-1 du code de la santé publique.
Article 3 : Il est sursis à statuer sur le pourvoi de M. A...jusqu'à ce que le Tribunal des conflits ait tranché la question de savoir quel est l'ordre de juridiction compétent pour statuer sur cette requête.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M.A..., au centre hospitalier universitaire de Toulouse à la ministre des solidarités et de la santé.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.