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24/07/2019 | FRANCE | N°420154

France | France, Conseil d'État, 5ème et 6ème chambres réunies, 24 juillet 2019, 420154


M. Pierre B...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 6 février 2017 par laquelle le préfet du Gard a suspendu la validité de son permis de conduire. Par un jugement n° 1701287 du 26 février 2018, le tribunal administratif a fait droit à sa demande.

Par un pourvoi, enregistré le 26 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. B...

Vu les autr

es pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administra...

M. Pierre B...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 6 février 2017 par laquelle le préfet du Gard a suspendu la validité de son permis de conduire. Par un jugement n° 1701287 du 26 février 2018, le tribunal administratif a fait droit à sa demande.

Par un pourvoi, enregistré le 26 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. B...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la route ;

- le code de la santé publique ;

- l'arrêté du 21 décembre 2005 fixant la liste des affections médicales incompatibles avec l'obtention ou le maintien du permis de conduire ou pouvant donnant lieu à la délivrance de permis de conduire de durée de validité limitée ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dominique Chelle, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public ;

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'à la suite de sa condamnation par un jugement du 26 janvier 2016 du tribunal de grande instance de Nîmes pour avoir conduit son véhicule sous l'empire de l'état alcoolique défini à l'article L. 234-1 du code de la route, M. B... a été soumis par le préfet du Gard au contrôle médical de l'aptitude à la conduite en application des dispositions de l'article R. 221-13 du même code. Au vu de l'avis de la commission médicale primaire compétente concluant à son inaptitude, le préfet a suspendu son permis de conduire par une décision du 6 février 2017. Le ministre de l'intérieur se pourvoit en cassation contre le jugement du 26 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a annulé cette décision en raison de l'absence de communication à l'intéressé des motifs médicaux de la décision.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, en vigueur à la date de la décision contestée : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui :/ 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 211-6 du code : " Les dispositions de la présente loi ne dérogent pas aux textes législatifs interdisant la divulgation ou la publication de faits couverts par le secret ".

3. D'autre part, le titulaire d'un permis de conduire peut être soumis par le préfet au contrôle médical de son aptitude à la conduite, notamment, dans les cas prévus aux articles R. 221-13 et R. 221-14 du code de la route. En vertu des dispositions de l'article R. 226-2 du même code, le contrôle médical de l'aptitude est effectué par un médecin agréé par le préfet, consultant hors commission médicale, ou par des médecins siégeant dans une commission médicale primaire et dans une commission médicale d'appel. Par l'arrêté visé ci-dessus du 21 décembre 2005, les ministres chargés de la sécurité routière et de la santé, habilités à cet effet par les dispositions du 2° de l'article R. 226-2 du code de la route, ont fixé la liste des affections médicales incompatibles avec l'obtention ou le maintien du permis de conduire, en précisant, pour la plupart d'entre elles, les critères d'appréciation de l'incompatibilité et l'étendue de celle-ci. Les médecins chargés du contrôle médical sont tenus au secret médical dans les conditions rappelées au premier alinéa de l'article R. 4127-104 du code de la santé publique relatifs aux devoirs des médecins exerçant la médecine de contrôle, aux termes duquel : " Le médecin chargé du contrôle est tenu au secret envers l'administration ou l'organisme qui fait appel à ses services. Il ne peut et ne doit lui fournir que ses conclusions sur le plan administratif, sans indiquer les raisons d'ordre médical qui les motivent ".

4. La décision par laquelle le préfet suspend ou annule un permis de conduire, ou restreint sa validité, au motif que son titulaire est atteint d'une affection médicale incompatible avec la conduite d'un véhicule présente le caractère d'une mesure de police et doit, par suite, être motivée. Si le préfet ne peut que se référer, dans sa décision, pour en assurer la motivation, à l'avis qui lui a été communiqué par les médecins chargés du contrôle médical, lequel, conformément aux dispositions précitées de R. 4127-104 du code de la santé publique, se borne à indiquer que le titulaire du permis de conduire est inapte à la conduite d'un véhicule, il incombe aux médecins, afin d'assurer le respect des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration citées au point 2, d'informer le titulaire des motifs médicaux sur lesquels ils se sont fondés au regard des dispositions précitées de l'arrêté du 21 décembre 2005 fixant la liste des affections médicales incompatibles avec l'obtention ou le maintien du permis de conduire. La signature de l'intéressé sur l'avis d'inaptitude, sous une mention selon laquelle il reconnaît avoir été informé verbalement des motifs médicaux retenus, permet ainsi de vérifier le respect de cette obligation. Il est, par ailleurs, loisible au titulaire du permis de demander communication, sur le fondement des dispositions de l'article L. 1111-7 du code de la santé publique, des documents conservés par les médecins relatifs à son état de santé.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'à l'appui de son recours contre l'arrêté du 6 février 2017 du préfet du Gard suspendant son permis de conduire, M. B...ne se bornait pas à soutenir que les mentions de cet arrêté étaient insuffisantes mais faisait valoir qu'il n'avait pas été mis en mesure de " contester utilement la décision, ne sachant pas quelle affection l'empêche de conduire ". Dans ces conditions, le tribunal administratif de Nîmes n'a pas commis d'erreur de droit en se fondant, pour annuler la décision litigieuse, sur la circonstance qu'il n'était pas établi par les pièces du dossier que le requérant avait été informé par les médecins chargés du contrôle médical des motifs médicaux de son inaptitude à la conduite faute pour l'administration d'avoir produit l'avis de la commission revêtu de la signature de l'intéressé indiquant qu'il a reçu cette information.

6. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 26 février 2018.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'intérieur est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. A... B....


Synthèse
Formation : 5ème et 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 420154
Date de la décision : 24/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 24 jui. 2019, n° 420154
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Dominique Chelle
Rapporteur public ?: Mme Cécile Barrois de Sarigny

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:420154.20190724
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