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24/07/2019 | FRANCE | N°419704

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 24 juillet 2019, 419704


Vu les procédures suivantes :

La société à responsabilité limitée (SARL) JDG a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations de taxe d'habitation et de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie dans les rôles de la commune de Saint-Martin de Belleville (Savoie) au titre des années 2011 à 2015. Par un jugement n° 1600324 du 5 février 2018, le tribunal administratif de Grenoble a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur ses conclusions aux fins de décharge des cotisations de taxe d'habitation

au titre des années 2013 et 2014 et des cotisations de taxe foncière sur l...

Vu les procédures suivantes :

La société à responsabilité limitée (SARL) JDG a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations de taxe d'habitation et de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie dans les rôles de la commune de Saint-Martin de Belleville (Savoie) au titre des années 2011 à 2015. Par un jugement n° 1600324 du 5 février 2018, le tribunal administratif de Grenoble a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur ses conclusions aux fins de décharge des cotisations de taxe d'habitation au titre des années 2013 et 2014 et des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des années 2011 et 2012 et rejeté le surplus des conclusions de la société.

1° Sous le n° 419704, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 avril et 9 juillet 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société JDG demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de prononcer la décharge des cotisations de taxe d'habitation auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011, 2012 et 2015 et des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Par une ordonnance n° 18LY01246 du 17 mai 2018, enregistrée le 23 mai 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Lyon a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 5 avril 2018 au greffe de cette cour, présenté par la société JDG contre ce même jugement.

Sous le n° 420848, par ce pourvoi, la société JDG demande au Conseil d'Etat d'annuler ce jugement.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Nicolas Agnoux, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la société JDG ;

Considérant ce qui suit :

1. Les deux pourvois de la société JDG sont dirigés contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

Sur le pourvoi n° 420848 :

2. Aux termes de l'article R. 432-1 du code de justice administrative: " La requête et les mémoires des parties doivent, à peine d'irrecevabilité, être présentés par un avocat au Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 432-2 du même code : " Toutefois, les dispositions de l'article R. 432-1 ne sont pas applicables : 1°) Aux recours pour excès de pouvoir contre les actes des diverses autorités administratives ; 2°) Aux recours en appréciation de légalité ; 3°) Aux litiges en matière électorale ; 4°) Aux litiges concernant la concession ou le refus de pension ".

3. Le pourvoi de la société JDG, qui n'est pas au nombre de ceux que l'article R. 432-2 du code de justice administrative dispense de l'obligation de ministère d'avocat, a été présenté sans le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation et n'a pas été régularisé malgré l'invitation qui a été adressée à la société le 28 mai 2018. Par suite, ce pourvoi n'est pas recevable et doit être rejeté.

Sur le pourvoi n° 419704 :

En ce qui concerne l'étendue du litige :

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'aucune imposition au titre de la taxe d'habitation pour l'année 2011 n'a été mise à la charge de la société JDG. Par suite, les conclusions du pourvoi tendant à la décharge de cette imposition sont sans objet.

5. En second lieu, par une décision du 20 juin 2016, le directeur départemental des finances publiques de la Savoie a accordé à la société JDG le dégrèvement total de la taxe d'habitation au titre de l'année 2015. Par suite, les conclusions du pourvoi tendant à la décharge de cette imposition sont également sans objet.

En ce qui concerne le jugement en tant qu'il rejette la demande en décharge de la cotisation de taxe d'habitation au titre de l'année 2012 :

6. D'une part, selon les termes de l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales, le contribuable qui désire contester tout ou partie d'une imposition doit d'abord adresser une réclamation au service territorial de l'administration fiscale dont dépend le lieu d'imposition. En vertu de l'article R. 196-2 du même livre, les réclamations relatives aux impôts directs locaux doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de l'année suivant l'année de la mise en recouvrement du rôle ou de la mise en recouvrement de l'imposition.

7. D'autre part, aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Lorsqu'un recours administratif préalable conditionne la possibilité de saisir le juge, ces dernières dispositions s'appliquent non seulement à la décision susceptible de lui être déférée, mais aussi, nécessairement, à l'acte à l'encontre duquel ce recours administratif doit être préalablement formé.

8. Il résulte de ce qui précède que l'absence de mention, sur l'avis de mise en recouvrement que l'administration adresse au contribuable, de l'existence et du caractère obligatoire, à peine d'irrecevabilité d'un éventuel recours juridictionnel, de la demande préalable prévue à l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales, ainsi que des délais dans lesquels le contribuable doit présenter cette demande prévus par l'article R. 196-2 du même livre, fait obstacle à ce que ces délais soient opposables au contribuable. Toutefois le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. Dans le cas où le recours juridictionnel doit obligatoirement être précédé d'un recours administratif, celui-ci doit être exercé, comme doit l'être le recours juridictionnel, dans un délai raisonnable. Le recours administratif préalable doit être présenté dans le délai prévu par l'article R. 196-2 du livre des procédures fiscales, prolongé, sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le contribuable, d'un an. Dans cette hypothèse, le délai de réclamation court à compter de l'année au cours de laquelle il est établi que le contribuable a eu connaissance de l'existence de l'imposition.

9. Par suite, en jugeant que la réclamation présentée par la société JDG à l'encontre de la taxe d'habitation à laquelle elle avait été assujettie au titre de l'année 2012 était tardive faute d'avoir été présentée dans le délai prescrit à l'article R. 196-2 du livre des procédures fiscales, sans rechercher si la notification de l'avis d'imposition mentionnait le caractère obligatoire de cette réclamation ainsi que le délai de présentation de celle-ci et si, à défaut de telles mentions, la réclamation de la société avait été présentée au-delà d'un délai raisonnable suivant sa notification, le tribunal administratif de Grenoble a commis une erreur de droit.

En ce qui concerne le jugement en tant qu'il rejette la demande en décharge de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des années 2013, 2014 et 2015 :

10. Aux termes des deux premiers alinéas du I de l'article 1384 A du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " Les constructions neuves affectées à l'habitation principale et financées à concurrence de plus de 50 % au moyen des prêts aidés par l'Etat, prévus aux articles L. 301-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation, sont exonérées de la taxe foncière sur les propriétés bâties pendant une durée de quinze ans à compter de l'année qui suit celle de leur achèvement. / L'exonération s'applique aux constructions de logements neufs à usage locatif et affectés à l'habitation principale, mentionnés aux 3° et 5° de l'article L. 351-2 du code de la construction et de l'habitation lorsqu'ils sont financés à concurrence de plus de 50 % au moyen d'un prêt prévu à l'article R. 331-1 du même code, et qu'ils bénéficient des dispositions des 2 ou 10 du I de l'article 278 sexies ou des dispositions du II du même article pour les logements mentionnés aux 3° et 5° de l'article L. 351-2 du code de la construction et de l'habitation. Pour les constructions mentionnées au 10 du I de l'article 278 sexies, le taux de 50 % est ramené à 30 % (...) Pour les constructions financées dans les conditions prévues aux articles R. 331-14 à R. 331-16 ou aux articles R. 372-9 à R. 372-12 du code de la construction et de l'habitation, la condition de financement s'apprécie en tenant compte des subventions versées par l'Etat, L'Agence nationale pour la rénovation urbaine, les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale ainsi que des subventions ou prêts consentis au titre de la participation des employeurs à l'effort de construction ".

11. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.

12. Pour écarter la demande en décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des années 2013 à 2015, le tribunal administratif de Grenoble a affirmé qu'il appartenait au requérant qui sollicite le bénéfice de l'exonération prévue au I de l'article 1384 A du code général des impôts d'établir qu'il en réunit les conditions. Puis il a relevé, d'une part, que l'administration faisait valoir que la condition liée au fait que les constructions en cause soient financées à concurrence de plus de 50 % au moyen d'un prêt prévu à l'article R. 331-1 du code de la construction et de l'habitation n'était pas remplie au motif que le prêt consenti à la société JDG par l'association " Alliance 1 % Logement " n'entrait pas dans le champ de ces dispositions et, d'autre part, que la société se bornait à prétendre qu'elle serait en droit de bénéficier de l'exonération sans démontrer qu'elle en remplirait les conditions. En statuant par ces motifs, alors que la loi n'attribuait pas la charge de la preuve au contribuable et qu'il lui appartenait dès lors d'apprécier lui-même, au vu de l'instruction, si la société JDG remplissait les conditions légales de l'exonération, le tribunal administratif de Grenoble a commis une erreur de droit.

13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que la société JDG est fondée à demander l'annulation de l'article 2 du jugement qu'elle attaque.

14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société JDG au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi n° 420848 est rejeté.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du pourvoi n° 419704 tendant à la décharge des cotisations de taxe d'habitation au titre des années 2011 et 2015.

Article 3 : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 5 février 2018 est annulé.

Article 4 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, au tribunal administratif de Grenoble.

Article 5 : L'Etat versera à la société JDG la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société JDG et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 419704
Date de la décision : 24/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 24 jui. 2019, n° 419704
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Nicolas Agnoux
Rapporteur public ?: Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:419704.20190724
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