Vu la procédure suivante :
M. C...A...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 15 septembre 2006 par laquelle le préfet de la Moselle lui a enjoint de restituer son permis de conduire invalidé pour solde de points nul et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui restituer les points illégalement retirés à la suite d'infractions commises des 22 octobre 2000 et 8 août 2005. Par un jugement n° 1702279 du 15 décembre 2017, le tribunal administratif a fait droit à sa demande.
Par un pourvoi, enregistré le 30 janvier 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. A...B....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la route ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Marc Lambron, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. A...B....
Considérant ce qui suit :
1. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.
2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond et, notamment, des mentions du relevé d'information intégral relatif à son permis de conduire, que M. A...B...a restitué le 26 avril 2007 son permis de conduire au service compétent de la préfecture de la Moselle. Une telle circonstance, que le ministre de l'intérieur a invoquée, sans être contredit, devant le juge du fond, révèle que l'intéressé a nécessairement eu connaissance, au plus tard à cette date, de la décision du 15 septembre 2006 du préfet de la Moselle lui enjoignant de restituer son titre de conduite invalidé pour solde de points nul. En regardant son recours contre cette décision comme recevable, alors qu'il avait été présenté le 2 mai 2017 et ne pouvait, par suite, être regardé comme ayant été introduit dans le délai raisonnable mentionné ci-dessus, le tribunal administratif de Strasbourg a commis une erreur de droit qui doit entraîner l'annulation de son jugement.
3. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
4. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. A...B...tendant à l'annulation de la décision du 15 septembre 2006, faute d'avoir été introduites dans un délai raisonnable à compter de la date à laquelle l'intéressé a eu connaissance de cette décision, ne sont pas recevables et doivent, dès lors, être rejetées. Ses conclusions à fin d'injonction ne sauraient, par suite, être accueillies.
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, les sommes que M. A... B...demande au titre des frais qu'il a engagés tant devant le tribunal administratif de Strasbourg que devant le Conseil d'Etat. Le ministre, qui n'a pas eu recours au ministère d'un avocat et ne fait pas état de frais spécifiques exposés par l'Etat pour présenter sa défense devant le tribunal administratif, n'est pas fondé à demander qu'une somme soit mise à la charge de M. A...B...au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 décembre 2017 est annulé.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. A...B...devant le tribunal administratif de Strasbourg tendant à l'annulation de la décision du 15 septembre 2006, ainsi que ses conclusions à fin d'injonction, sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. A...B...et par l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions présentées par l'Etat en première instance au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. C... A...B....