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17/07/2019 | FRANCE | N°426907

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 17 juillet 2019, 426907


Vu la procédure suivante :

Par un jugement du 9 octobre 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine a sursis à statuer sur la demande de la société Uniper France Power relative au refus de la caisse nationale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants de lui rembourser la contribution sociale de solidarité des sociétés versée au titre de l'année 2015 et saisi le Conseil d'Etat de la question de la légalité du 5° de l'article D. 651-3 du code de la sécurité sociale.

Par un mémoire, enregistré le 12 mars 2019 a

u secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'union de recouvrement des cotisat...

Vu la procédure suivante :

Par un jugement du 9 octobre 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine a sursis à statuer sur la demande de la société Uniper France Power relative au refus de la caisse nationale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants de lui rembourser la contribution sociale de solidarité des sociétés versée au titre de l'année 2015 et saisi le Conseil d'Etat de la question de la légalité du 5° de l'article D. 651-3 du code de la sécurité sociale.

Par un mémoire, enregistré le 12 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Provence-Alpes-Côte d'Azur (URSSAF PACA), venant aux droits de la caisse nationale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, demande au Conseil d'Etat d'apprécier la légalité du 5° de l'article D. 651-3 du code de la sécurité sociale, de déclarer que ces dispositions ne sont pas entachées d'illégalité et de mettre à la charge de la société Uniper France Power la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- le code de commerce ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Damien Pons, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la société Uniper France Power, et à la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de la Caisse nationale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 25 juin 2019, présentée par la société Uniper France Power ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 651-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige dont est saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine : " La contribution sociale de solidarité est annuelle. Son taux est fixé par décret, dans la limite de 0,13 %. Elle est assise sur le chiffre d'affaires (...). Des décrets peuvent prévoir un plafonnement en fonction de la marge pour les entreprises de commerce international et intracommunautaire fonctionnant avec une marge brute particulièrement réduite et pour les entreprises du négoce en l'état des produits du sol et de l'élevage, engrais et produits connexes, achetant ou vendant directement à la production et pour les entreprises du négoce en gros des combustibles et de commerce de détail de carburants ".

2. Par un jugement du 9 octobre 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine, saisi d'un litige opposant la société Uniper France Power à la Caisse nationale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, a sursis à statuer sur la question préjudicielle, qu'il a transmise au Conseil d'Etat, de la légalité du 5° de l'article D. 651-3 du code de la sécurité sociale en ce que le pouvoir réglementaire ne serait pas compétent pour restreindre les modalités d'application du bénéfice d'un plafonnement prévu par le législateur. A la lumière des motifs de ce jugement, comme d'ailleurs de l'activité de la société partie au litige porté devant ce tribunal, la question posée doit être regardée comme portant sur la légalité des dispositions du 5° de l'article D. 651-3-1 de ce code, régissant la contribution sociale de solidarité due par les entreprises de négoce en gros des combustibles et de commerce de détail de carburants, qui sont au demeurant identiques à celles du 5° de l'article D. 651-3 du même code, régissant la contribution sociale de solidarité due par les entreprises de négoce en l'état des produits du sol et de l'élevage, engrais et produits connexes, auxquelles le dispositif de ce jugement se réfère par une erreur purement matérielle.

3. Aux termes de l'article D. 651-3-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) La marge brute (...) s'obtient à partir des indications qui doivent figurer, pour chaque exercice, dans le compte de résultat prévu à l'article [L. 123-12] du code de commerce, en faisant le total des postes ci-dessous : / 1° 20 % des salaires, traitements et charges sociales ; / 2° Impôts, taxes et versements assimilés, à l'exclusion des droits et taxes qui ne sont pas retenus dans l'assiette de la contribution sociale de solidarité en application de l'article L. 651-5 ; / 3° Dotations d'exploitation sur immobilisation, sur actifs circulants et pour risques et charges ; / 4° Dotations financières aux amortissements et provisions ; / 5° Résultat courant avant impôts : en cas de déficit, celui-ci ne peut être déduit du total des postes énumérés ci-dessus. / Le poste Reprises sur amortissements et provisions, transfert de charges peut être déduit du résultat courant avant impôts à concurrence des charges retenues antérieurement dans le calcul de la contribution ".

4. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 651-3 du code de la sécurité sociale citées au point 1 que le législateur a défini l'assiette et le taux de la contribution sociale de solidarité, laquelle a le caractère d'une imposition, ainsi que les catégories d'entreprises susceptibles de bénéficier d'un plafonnement et n'a renvoyé au pouvoir réglementaire que la détermination des modalités du plafonnement en fonction de la marge dont il a prévu le principe. Ces modalités comprennent en particulier la définition de la marge, laquelle est nécessaire au calcul de la contribution plafonnée. En déterminant, ainsi qu'il l'a fait à l'article D. 651-3-1 du code de la sécurité sociale, les postes dont le montant doit être additionné pour obtenir la marge brute, le pouvoir réglementaire a exercé la compétence qui lui était attribuée par l'article L. 651-3 du code de la sécurité sociale. En subordonnant à ce titre, par les dispositions litigieuses du 5° de l'article D. 651-3-1, la déduction du poste " reprises sur amortissements et provisions, transfert de charge " du poste " résultat courant avant impôts " à la condition que les charges correspondantes aient été retenues antérieurement dans le calcul de la contribution, et ainsi à ce que l'entreprise ait déjà bénéficié du plafonnement pour l'exercice lors duquel ces charges ont été comptabilisées, il ne peut être regardé comme ayant retenu une condition étrangère à la définition de la marge régissant le bénéfice du plafonnement de la contribution sociale de solidarité en vertu de l'article L. 651-3 du code de la sécurité sociale.

5. En second lieu, le tribunal des affaires de sécurité sociale ayant limité l'étendue de la question préjudicielle qu'il entendait soumettre à la juridiction administrative au seul moyen tiré de l'incompétence dont serait entaché l'élément de définition de la notion de marge retenu par le pouvoir réglementaire au 5° de l'article D. 651-3-1 du code de la sécurité sociale, la société requérante n'est pas recevable à soumettre au Conseil d'Etat le moyen tiré de ce que les mêmes dispositions méconnaîtraient le principe d'égalité devant les charges publiques.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Uniper France Power n'est pas fondée à soutenir que le pouvoir réglementaire aurait restreint, par des dispositions entachées d'incompétence, les modalités d'application du bénéfice d'un plafonnement prévu par le législateur et que les dispositions du 5° de l'article D. 651-3-1 du code de la sécurité sociale seraient pour ce motif illégales.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Provence-Alpes-Côte d'Azur, qui n'est pas, dans la présente espèce, la partie perdante, soit condamnée à verser à la société Uniper France Power la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Uniper France Power une somme de 3 000 euros à verser à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Provence-Alpes-Côte d'Azur en application des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il est déclaré que l'exception d'illégalité du 5° de l'article D. 651-3-1 du code de la sécurité sociale, soulevée par la société Uniper France Power devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine, n'est pas fondée.

Article 2 : Les conclusions de la société Uniper France Power présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La société Uniper France Power versera à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Provence-Alpes-Côte d'Azur une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Uniper France Power, à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Provence-Alpes-Côte d'Azur et à la ministre des solidarités et de la santé.

Copie en sera adressée au Premier ministre et au président du tribunal de grande instance de Nanterre.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 426907
Date de la décision : 17/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Appréciation de la légalité

Publications
Proposition de citation : CE, 17 jui. 2019, n° 426907
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Damien Pons
Rapporteur public ?: M. Charles Touboul
Avocat(s) : SCP DELVOLVE ET TRICHET ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:426907.20190717
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