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10/07/2019 | FRANCE | N°427623

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 10 juillet 2019, 427623


Vu la procédure suivante :

M. et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la réduction, à hauteur de 604 060 euros, de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2011 à raison du transfert de leur domicile fiscal hors de France. Par un jugement n° 1401447 du 19 avril 2016, ce tribunal a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence d'un dégrèvement intervenu en cours d'instance et rejeté le surplus des conclusions de leur demande.

Par un arrêt n° 16VE01910 du 2 octobre 2018, la co

ur administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par M. et Mme B...

Vu la procédure suivante :

M. et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la réduction, à hauteur de 604 060 euros, de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2011 à raison du transfert de leur domicile fiscal hors de France. Par un jugement n° 1401447 du 19 avril 2016, ce tribunal a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence d'un dégrèvement intervenu en cours d'instance et rejeté le surplus des conclusions de leur demande.

Par un arrêt n° 16VE01910 du 2 octobre 2018, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par M. et Mme B...contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 février et 3 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme B... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 et 29 mai au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. et Mme B... demandent au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de leur pourvoi, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions combinées de l'article 167 bis et du 7° du III de l'article 150-0 A du code général des impôts, dans leur version applicable aux impositions établies au titre de l'année 2011.

Ils soutiennent que ces dispositions, applicables au litige, méconnaissent les principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques respectivement garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.

Par un mémoire, enregistré le 22 mai 2019, le ministre de l'action et des comptes publics soutient que les conditions posées par l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts ;

- la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 ;

- la décision n° 2011-638 DC du 28 juillet 2011 du Conseil constitutionnel ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Liza Bellulo, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lesourd, avocat de M. et Mme B...;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 5 juin 2019, présentée par M. et Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la réduction, à hauteur de 604 060 euros, de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2011 sur le fondement des dispositions de l'article 167 bis du code général des impôts à raison du transfert de leur domicile fiscal hors de France. Ils se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 2 octobre 2018 de la cour administrative d'appel de Versailles rejetant l'appel qu'ils avaient formé contre le jugement du 19 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Montreuil, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à concurrence d'un dégrèvement de 5 926 euros intervenu en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de leur demande.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

3. M. et Mme B...contestent la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions combinées de l'article 167 bis et du 7° du III de l'article 150-0 A du code général des impôts, dans leur version applicable aux impositions établies au titre de l'année 2011, en tant qu'elles n'excluent pas de l'assiette de l'imposition instituée par l'article 167 bis à l'occasion du transfert par un contribuable de son domicile fiscal hors de France les plus-values latentes grevant les parts ou actions de sociétés qui bénéficient du statut de jeune entreprise innovante au sens de l'article 44 sexies-0 A du code général des impôts, alors que les dispositions du 7° du III de l'article 150-0 A prévoient que les plus-values constatées lors de la cession de tels titres sont exonérées d'impôt sur le revenu.

4. D'une part, les impositions primitives contestées par M. et Mme B...au titre de l'année 2011 concernent la seule plus-value latente relative aux titres de la société AB Science qu'ils détiennent et sont fondées sur les seules dispositions de l'article 167 bis du code général des impôts, qui prévoient l'imposition, en cas de transfert du domicile fiscal hors de France, des plus-values latentes constatées sur les droits sociaux, valeurs, titres ou droits que ces contribuables détiennent à la date du transfert, lorsque les membres de leur foyer fiscal détiennent soit une participation directe ou indirecte d'au moins 1 % dans les bénéfices sociaux des sociétés concernées, soit une participation directe ou indirecte dans ces mêmes sociétés dont la valeur excède 1,3 million d'euros lors du transfert. Les dispositions du 7° du III de l'article 150-0 A du code général des impôts, qui exonèrent d'impôt sur le revenu, sous certaines conditions, les plus-values constatées lors de la cession, réalisée par des contribuables fiscalement domiciliés en France, de parts ou actions de sociétés qui bénéficient du statut de jeune entreprise innovante, ne sont, par conséquent pas applicables au présent litige.

5. D'autre part, le Conseil constitutionnel, par une décision n° 2011-638 DC du 28 juillet 2011, a, dans ses motifs et son dispositif, déclaré l'article 167 bis du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 48 de la loi du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011, conforme à la Constitution. Aucun changement dans les circonstances de fait ou de droit ne justifie le réexamen de la conformité de cet article aux droits et libertés garantis par la Constitution, l'exonération des plus-values prévues par les dispositions du 7° du III de l'article 150-0 A du code général des impôts ayant, en tout état de cause, été instituée antérieurement à la loi du 29 juillet 2011.

6. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée.

Sur les autres moyens du pourvoi :

7. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".

8. Pour demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent, M. et Mme B... soutiennent que la cour administrative d'appel de Versailles :

- l'a insuffisamment motivé et a méconnu la portée des dispositions de l'article 167 bis du code général des impôts en jugeant qu'ils n'étaient pas fondés à demander la décharge de l'imposition établie sur le fondement de ces dispositions à raison de la plus-value latente dont étaient grevés, à la date du transfert de leur domicile fiscal hors de France, les titres de la société AB Science qu'ils détenaient, sans tenir compte de ce que les dispositions du 7° du III de l'article 150-0 A exonèrent d'impôt sur le revenu la plus-value de cession des titres d'une société remplissant les conditions pour être qualifiée de jeune entreprise innovante au sens de l'article 44 sexies-0 A du code général des impôts ;

- s'est méprise sur la portée de leurs écritures en jugeant qu'ils ne pouvaient utilement se prévaloir, hors le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité, des principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques, sans prendre en considération leur argumentation tirée de ce que les dispositions de l'article 167 bis et du 7 du III de l'article 150-0 A du code général des impôts devaient être interprétées conformément à ces principes.

9. Aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. et Mme B....

Article 2 : Le pourvoi de M. et Mme B... n'est pas admis.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A...B..., au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 427623
Date de la décision : 10/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 2019, n° 427623
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Liza Bellulo
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : SCP LESOURD

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:427623.20190710
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