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10/07/2019 | FRANCE | N°425892

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 10 juillet 2019, 425892


Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes de se prononcer, en réponse à une question préjudicielle posée par le tribunal d'instance de Saumur qui a sursis à statuer par jugement du 6 août 2018, sur la légalité de l'arrêté du 20 avril 2009 relatif à l'extension de trois avenants à l'accord interprofessionnel triennal portant respectivement sur les modalités de la facturation des cotisations interprofessionnelles, sur les montants des cotisations interprofessionnelles pour l'année 2009 et sur le suivi aval de la qualité, conclus d

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Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes de se prononcer, en réponse à une question préjudicielle posée par le tribunal d'instance de Saumur qui a sursis à statuer par jugement du 6 août 2018, sur la légalité de l'arrêté du 20 avril 2009 relatif à l'extension de trois avenants à l'accord interprofessionnel triennal portant respectivement sur les modalités de la facturation des cotisations interprofessionnelles, sur les montants des cotisations interprofessionnelles pour l'année 2009 et sur le suivi aval de la qualité, conclus dans le cadre de l'interprofession des vins de Loire (InterLoire), de l'arrêté du 6 avril 2010 relatif à l'extension de deux avenants à l'accord interprofessionnel triennal conclu dans le cadre d'InterLoire portant sur les modalités de fixation du montant des cotisations interprofessionnelles et sur les montants des cotisations interprofessionnelles pour l'année 2010, de l'arrêté du 30 mars 2011 relatif à l'extension de l'accord interprofessionnel et de l'avenant portant sur le montant des cotisations interprofessionnelles conclus dans le cadre d'InterLoire pour la période du 1er janvier au 30 juin 2011 et de l'arrêté du 27 janvier 2012 relatif à l'extension de l'accord interprofessionnel triennal conclu dans le cadre d'InterLoire pour la période du 1er juillet 2011 au 31 juillet 2014.

Par quatre ordonnances n° 1809497 du 28 novembre 2018 et n° 1809498, n° 1809499 et n° 1809501 du 30 novembre 2018, le président du tribunal administratif de Nantes a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, les mémoires de M.B....

1) Sous le n° 425892, par un mémoire, enregistré le 30 novembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'apprécier la légalité de l'arrêté du 30 mars 2011 du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire, du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, relatif à l'extension de l'accord interprofessionnel et de l'avenant portant sur le montant des cotisations interprofessionnelles conclus dans le cadre d'InterLoire pour la période du 1er janvier au 30 juin 2011 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) de condamner l'Etat aux dépens.

2) Sous le n° 425895, par un mémoire, enregistré le 30 novembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'apprécier la légalité de l'arrêté du 6 avril 2010 du ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, du ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi et du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, relatif à l'extension de deux avenants à l'accord interprofessionnel triennal conclu dans le cadre de l'interprofession des vins de Loire (InterLoire) portant sur les modalités de fixation du montant des cotisations interprofessionnelles et sur les montants des cotisations interprofessionnelles pour l'année 2010 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) de condamner l'Etat aux dépens.

....................................................................................

3) Sous le n° 425897, par un mémoire, enregistré le 30 novembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'apprécier la légalité de l'arrêté du 27 janvier 2012 du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire, du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, relatif à l'extension de l'accord interprofessionnel triennal conclu dans le cadre de l'interprofession des vins de Loire (InterLoire) pour la période du 1er juillet 2011 au 31 juillet 2014 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) de condamner l'Etat aux dépens.

....................................................................................

4) Sous le n° 425900, par un mémoire, enregistré le 30 novembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'apprécier la légalité de l'arrêté du 20 avril 2009 du ministre de l'agriculture et de la pêche, du ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi et du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, relatif à l'extension de trois avenants à l'accord interprofessionnel triennal portant respectivement sur les modalités de la facturation des cotisations interprofessionnelles, sur les montants des cotisations interprofessionnelles pour l'année 2009 et sur le suivi aval de la qualité, conclus dans le cadre de l'interprofession des vins de Loire (InterLoire) ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) de condamner l'Etat aux dépens.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de procédure civile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent-Xavier Simonel, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Les quatre affaires visées ci-dessus présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il ressort des pièces des dossiers que l'interprofession des vins de Loire (InterLoire), organisation interprofessionnelle agricole reconnue sur le fondement de l'article L. 632-1 du code rural, a demandé au tribunal d'instance de Saumur de condamner M. B...à lui verser une somme de 8 137,71 euros au titre des cotisations qu'elle lui réclame sur le fondement de divers accords interprofessionnels qui ont fait l'objet d'extensions. Par un jugement du 6 août 2018, le tribunal d'instance de Saumur a sursis à statuer et a invité M. B... à saisir la juridiction administrative afin qu'elle se prononce sur la légalité de l'arrêté interministériel du 13 décembre 2007 relatif à la reconnaissance d'InterLoire en qualité d'interprofession, de l'arrêté interministériel du 20 avril 2009 relatif à l'extension de trois avenants à l'accord interprofessionnel triennal portant respectivement sur les modalités de la facturation des cotisations interprofessionnelles, sur les montants des cotisations interprofessionnelles pour l'année 2009 et sur le suivi aval de la qualité, conclus dans le cadre d'InterLoire, de l'arrêté interministériel du 6 avril 2010 relatif à l'extension de deux avenants à l'accord interprofessionnel triennal conclu dans le cadre d'InterLoire portant sur les modalités de fixation du montant des cotisations interprofessionnelles et sur les montants des cotisations interprofessionnelles pour l'année 2010, de l'arrêté interministériel du 30 mars 2011 relatif à l'extension de l'accord interprofessionnel et de l'avenant portant sur le montant des cotisations interprofessionnelles conclus dans le cadre d'InterLoire pour la période du 1er janvier au 30 juin 2011 et de l'arrêté interministériel du 27 janvier 2012 relatif à l'extension de l'accord interprofessionnel triennal conclu dans le cadre d'InterLoire pour la période du 1er juillet 2011 au 31 juillet 2014.

3. M. B...a demandé au tribunal administratif de Nantes, par quatre mémoires distincts, d'apprécier la légalité des arrêtés du 20 avril 2009, du 6 avril 2010, du 30 mars 2011 et du 27 janvier 2012. Par quatre ordonnances des 28 et 30 novembre 2018, le président du tribunal administratif de Nantes a transmis ces mémoires au Conseil d'Etat en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative.

Sur les fins de non-recevoir opposées par InterLoire et par le ministre de l'agriculture et de l'alimentation :

4. Aux termes du second alinéa de l'article 49 du code de procédure civile : " Lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente en application du titre Ier du livre III du code de justice administrative. Elle sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle ".

5. Il est constant, en l'espèce, que la saisine du juge administratif ne procède pas directement d'une transmission par le juge judiciaire, telle qu'elle est prévue par les dispositions précitées, mais de M.B.... Toutefois, eu égard au dispositif du jugement rappelé au point 2, la saisine du juge administratif par M. B...doit être regardée, compte tenu de ses effets qui sont similaires à la mise en oeuvre des dispositions précitées, comme équivalente à la transmission qu'elles organisent. Il s'ensuit qu'InterLoire n'est pas fondée à soutenir que les conclusions de M. B...seraient irrecevables au motif qu'il a saisi la juridiction administrative par la voie du recours pour excès de pouvoir plus de deux mois après la publication des arrêtés contestés. De même, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation n'est pas fondé à soutenir que les conclusions de M. B...seraient irrecevables au motif que le tribunal d'instance de Saumur n'a pas lui-même saisi la juridiction administrative.

Sur la légalité des arrêtés :

6. En premier lieu, en vertu des principes généraux relatifs à la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction, il n'appartient pas à la juridiction administrative, lorsqu'elle est saisie d'une question préjudicielle en appréciation de validité d'un acte administratif, de trancher d'autres questions que celle qui lui a été renvoyée par l'autorité judiciaire. Il suit de là que, lorsque la juridiction de l'ordre judiciaire a énoncé dans son jugement le ou les moyens invoqués devant elle qui lui paraissent justifier ce renvoi, la juridiction administrative doit limiter son examen à ce ou ces moyens et ne peut connaître d'aucun autre, fût-il d'ordre public, que les parties viendraient à présenter devant elle à l'encontre de cet acte. Ce n'est que dans le cas où, ni dans ses motifs ni dans son dispositif, la juridiction de l'ordre judiciaire n'a limité la portée de la question qu'elle entend soumettre à la juridiction administrative, que cette dernière doit examiner tous les moyens présentés devant elle, sans qu'il y ait lieu alors de rechercher si ces moyens avaient été invoqués dans l'instance judiciaire.

7. Avant de surseoir à statuer et en réponse aux conclusions récapitulatives de M. B...qui soutenaient devant lui, notamment, que les arrêtés litigieux n'étaient pas motivés et que les demandes d'extension devaient être déposées, selon la doctrine administrative, au moins quatre mois avant la date à laquelle l'accord doit s'appliquer, le tribunal d'instance de Saumur a relevé, dans la motivation de la question préjudicielle soulevée par son jugement du 6 août 2018, que M. B...contestait la légalité des arrêtés litigieux en invoquant leur défaut de motivation et, en violation de la doctrine administrative, leur adoption moins de quatre mois avant leur date d'application. En mentionnant ces deux seuls moyens, le tribunal a défini et limité l'étendue de la question qu'il entendait soumettre à la juridiction administrative. Dès lors, il n'appartient pas au Conseil d'Etat de connaître d'autres questions que celle, définie ci-dessus, qui lui a été renvoyée. Par suite, M. B...n'est pas recevable à lui soumettre les moyens tirés de ce que les arrêtés sont entachés de détournement de pouvoir, de ce que les accords interprofessionnels dont ils étendent les stipulations méconnaissent les dispositions du droit de l'Union européenne et de ce que les arrêtés méconnaissent le principe de proportionnalité.

8. En deuxième lieu, M. B...soutient que les arrêtés qu'il conteste doivent comprendre une motivation sur le fondement de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, de nature à démontrer qu'il n'est pas porté atteinte au maintien de l'équilibre entre les exigences de l'intérêt général et les intérêts des personnes assujetties au versement d'une cotisation à InterLoire.

9. Aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 en vigueur à la date des arrêtés contestés, dont les dispositions sont reprises à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) - subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ; (...) ".

10. L'article L. 632-1 du code rural et de la pêche maritime permet à l'autorité administrative de reconnaître des organisations interprofessionnelles qui visent un ou plusieurs objectifs énumérés par ce même article. Aux termes de l'article L. 632-3 du même code : " Les accords conclus dans le cadre d'une organisation interprofessionnelle reconnue peuvent être étendus, pour une durée déterminée, en tout ou partie, par l'autorité administrative compétente dès lors qu'ils prévoient des actions communes ou visant un intérêt commun conformes à l'intérêt général et compatibles avec la législation de l'Union européenne ". Dans ce cadre, l'article L. 632-6 du même code prévoit que les organisations interprofessionnelles reconnues " sont habilitées à prélever, sur tous les membres des professions les constituant, des cotisations résultant des accords étendus ".

11. Ni l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ni aucun autre texte ou principe n'imposent de motiver les actes par lesquels l'autorité administrative compétente, d'une part, reconnaît une organisation interprofessionnelle sur le fondement de l'article L. 632-1 du code rural et de la pêche maritime, et, d'autre part, étend les accords interprofessionnels sur le fondement de l'article L. 632-3 du même code, lesquels présentent un caractère réglementaire et ne constituent pas des décisions individuelles défavorables. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 13 décembre 2007 ayant reconnu l'interprofession des vins de Loire et les arrêtés d'extension des 20 avril 2009, 6 avril 2010, 30 mars 2011 et 27 janvier 2012 seraient insuffisamment motivés doit, en tout état de cause, être écarté.

12. En troisième lieu, M. B...a soutenu que l'instruction des demandes d'extension a été précipitée en se bornant à se référer à " la doctrine administrative " selon laquelle la demande d'extension de l'accord devrait être déposée au moins quatre mois avant la date à partir de laquelle l'accord doit s'appliquer, sans en fournir les références. Au surplus, l'article L. 632-4 du code rural et de la pêche maritime se borne à fixer le délai d'instruction des demandes d'extension des accords et la prolongation de ces délais lorsque des consultations sont nécessaires. Par suite, le moyen tiré de ce que les délais d'instruction n'auraient pas été respectés doit, en tout état de cause, être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que les arrêtés des 13 décembre 2007, 20 avril 2009, 6 avril 2010, 30 mars 2011 et 27 janvier 2012 sont entachés d'illégalité.

Sur les autres conclusions :

14. Les conclusions de M. B...tendant à la condamnation de l'Etat aux dépens ne peuvent qu'être rejetées.

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente espèce, la partie perdante. M. B...versera au titre des mêmes dispositions une somme de 1 500 euros à InterLoire.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il est déclaré que l'exception d'illégalité des arrêtés des 13 décembre 2007, 20 avril 2009, 6 avril 2010, 30 mars 2011 et 27 janvier 2012, soulevée par M. B...devant le tribunal d'instance de Saumur, n'est pas fondée.

Article 2 : Les conclusions de M. B...tendant à la condamnation de l'Etat aux dépens et à ce que l'Etat lui verse une somme au titre de l'article L. 76l-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : M. B...versera une somme de 1 500 euros à InterLoire au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A...B..., à l'interprofession des vins de Loire, au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, au ministre de l'économie et des finances et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au tribunal d'instance de Saumur.


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 425892
Date de la décision : 10/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Appréciation de la légalité

Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 2019, n° 425892
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent-Xavier Simonel
Rapporteur public ?: Mme Emmanuelle Cortot-Boucher

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:425892.20190710
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