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10/07/2019 | FRANCE | N°425148

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 10 juillet 2019, 425148


Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2013. Par un jugement n° 1504366 du 31 janvier 2017, ce tribunal a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 17VE00960 du 2 octobre 2018, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel de MmeA..., annulé ce jugement et prononcé la décharge demandée.

Par un pourvoi et un nouveau mémoire, enregistrés le 30 octobre 2018 et le 6 juin

2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et d...

Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2013. Par un jugement n° 1504366 du 31 janvier 2017, ce tribunal a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 17VE00960 du 2 octobre 2018, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel de MmeA..., annulé ce jugement et prononcé la décharge demandée.

Par un pourvoi et un nouveau mémoire, enregistrés le 30 octobre 2018 et le 6 juin 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de MmeA....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus du 10 mars 1964 modifiée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Uher, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme A...;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A...a été assujettie au titre de l'année 2013 à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus prévue par l'article 223 sexies du code général des impôts à raison notamment de produits, pris en compte dans son revenu fiscal de référence, résultant des rachats qu'elle avait opérés, après avoir transféré sa résidence fiscale en Belgique, sur des contrats d'assurance sur la vie et des contrats de capitalisation, ces produits ayant été préalablement soumis au prélèvement libératoire prévu au II de l'article 125-0 A du même code. Par un jugement du 31 janvier 2017, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de cette contribution. Par un arrêt du 2 octobre 2018, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé ce jugement et prononcé la décharge demandée. Le ministre de l'action et des comptes publics se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

2. Aux termes du I de l'article 223 sexies du code général des impôts : " Il est institué à la charge des contribuables passibles de l'impôt sur le revenu une contribution sur le revenu fiscal de référence du foyer fiscal, tel que défini au 1° du IV de l'article 1417 (...) ". Le 1° du IV de l'article 1417 du même code dans sa rédaction applicable dispose que : " Pour l'application du présent article, le montant des revenus s'entend du montant net (...) des revenus et plus-values retenus pour l'établissement de l'impôt sur le revenu au titre de l'année précédente. / Ce montant est majoré : (...) c) du montant des revenus soumis aux prélèvements libératoires prévus au II de l'article 125-0 A (...) ".

3. En vertu de l'article 2 de la convention fiscale entre la France et la Belgique du 10 mars 1964 susvisée, celle-ci s'applique, en ce qui concerne la France, à l'impôt sur le revenu et " aux impôts futurs de nature identique ou analogue y compris les centimes additionnels et taxes annexes établis sur la base ou sur le montant de ces impôts, qui s'ajouteraient aux impôts actuels ou qui les remplaceraient ". Aux termes de l'article 16 de cette convention : " 1. Les intérêts et produits d'obligations ou autres titres d'emprunts négociables, de bons de caisse, de prêts, de dépôts et de toutes autres créances sont imposables dans l'Etat contractant dont le bénéficiaire est un résident. / (...) / 3. L'Etat contractant où les intérêts et produits ont leur source conserve le droit de soumettre ces intérêts et produits à un impôt prélevé à la source, dont le taux ne peut excéder 15 p. cent. (...) ". Aux termes de l'article 18 de la même convention : " Dans la mesure où les articles précédents de la présente Convention n'en disposent pas autrement, les revenus des résidents de l'un des Etats contractants ne sont imposables que dans cet Etat ". Enfin, aux termes de l'article 22 de cette convention : " Tout terme non spécialement défini dans la présente convention aura, à moins que le contexte n'exige une autre interprétation, la signification que lui attribue la législation régissant, dans chaque Etat contractant, les impôts faisant l'objet de la convention ".

4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, après avoir jugé que la convention fiscale conclue entre la France et la Belgique s'appliquait à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus prévue par l'article 223 sexies précité, la cour administrative d'appel de Versailles a jugé que l'assiette de cette contribution n'était pas constituée de revenus soumis à des règles d'imposition différenciées en fonction de leur nature mais du revenu fiscal de référence défini à l'article 1417 précité et en a déduit que les revenus litigieux, nonobstant leur nature de gains retirés de rachats de contrats d'assurance sur la vie et de contrats de capitalisation, ne relevaient pas de l'article 16 de la convention applicable aux intérêts et produits assimilés mais de l'article 18 applicable aux revenus qui ne peuvent être rattachés à aucun autre revenu énoncé par les autres stipulations de la convention. En statuant ainsi, alors que la circonstance que la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus soit assise sur le " revenu fiscal de référence ", qui est lui-même une somme de revenus, ne fait pas obstacle à ce que la nature de chacun des revenus ainsi soumis à cette contribution soit prise en compte pour l'application des stipulations de la convention bilatérale litigieuse répartissant entre les Etats contractants le droit d'imposer les revenus, la cour a commis une erreur de droit.

5. Par suite, le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

Sur le bien-fondé de l'imposition au regard du droit interne :

7. Il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que les produits litigieux sont des revenus de source française en vertu du b du I de l'article 164 B du code général des impôts et sont imposables à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus en application des dispositions combinées du I de l'article 223 sexies et du 1° du IV de l'article 1417 précités.

8. Si Mme A...soutient que l'annexe III de l'instruction n° 5 L-2-12 du 3 août 2012 exclut les produits résultant de rachats de contrats d'assurance sur la vie du revenu fiscal de référence et par suite de l'assiette de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, ces énonciations, qui commentent au demeurant les dispositions applicables à cette contribution au titre de l'année 2011, lesquelles ont notamment été modifiées par l'article 9 de la loi du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 pour intégrer au revenu fiscal de référence, à compter du 1er janvier 2013, les produits soumis au prélèvement libératoire prévu au II de l'article 125-0 A, ont été rapportées à la date du 12 septembre 2012, soit antérieurement aux opérations en cause, par l'instruction n° 13 A-2-12 du 7 septembre 2012 relative à la création de la base documentaire " Bulletin officiel des finances publiques - Impôts ", de sorte qu'elle n'est pas fondée à s'en prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, pour faire obstacle à la soumission des profits en litige à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus. La requérante n'est pas davantage fondée à se prévaloir des énonciations du paragraphe 50 des commentaires publiés au BOFiP - impôts le 11 février 2014 sous la référence BOI-IR-CHR, qui n'ajoutent pas à la loi qu'elles ont pour objet d'éclairer.

Sur l'application de la convention fiscale conclue entre la France et la Belgique :

9. Toutefois, il n'est pas davantage contesté que Mme A...a transféré sa résidence fiscale en Belgique à compter du 18 novembre 2013, antérieurement aux rachats opérés sur des contrats d'assurance sur la vie et des contrats de capitalisation, de sorte qu'elle est fondée à invoquer les stipulations de la convention fiscale conclue entre la France et la Belgique.

10. La contribution exceptionnelle sur les hauts revenus constitue, pour l'application de l'article 2 de cette convention, un impôt futur analogue à l'impôt sur le revenu. Les termes de " produits (...) de toutes autres créances " de l'article 16 de la convention ne sont pas spécialement définis dans celle-ci et doivent ainsi recevoir, en vertu de l'article 22 de la convention, la signification que leur attribue la loi fiscale française. Les produits attachés aux contrats de capitalisation et aux placements de même nature tels que les contrats d'assurance sur la vie, dont les modalités d'imposition sont définies à l'article 125-0 A du code général des impôts, s'assimilent en principe à des revenus de créances au sens et pour l'application de l'article 16 précité de la convention. Par suite, les produits litigieux entrent dans les prévisions de cet article, en vertu duquel les produits de cette nature sont imposables dans l'Etat de résidence du contribuable, l'Etat de source conservant seulement le droit de soumettre ces produits à un impôt prélevé à la source. Or il résulte de l'instruction que la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus litigieuse n'a fait l'objet d'aucun prélèvement à la source mais a été recouvrée par voie de rôle l'année suivant la perception des revenus. Par suite, c'est en méconnaissance de l'article 16 de la convention que l'administration a assujetti Mme A...à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus sur les produits en cause.

11. Enfin, il est constant que le revenu fiscal de référence imposable de Mme A..., résultant de ses revenus autres que les produits attachés aux contrats d'assurance sur la vie litigieux, est inférieur au seuil défini au 1 du I de l'article 223 sexies précité au-delà duquel la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus est due.

12. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses conclusions en décharge de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2013.

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros à verser à MmeA..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 2 octobre 2018 et le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 31 janvier 2017 sont annulés.

Article 2 : Mme A...est déchargée de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2013.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A...une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et à Mme B...A....


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 425148
Date de la décision : 10/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 2019, n° 425148
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Vincent Uher
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:425148.20190710
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