Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 juin et 12 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Sudelvet Conseil demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2017-514 du 10 avril 2017 relatif à la réforme de l'ordre des vétérinaires ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- la décision n° 411438 du 4 décembre 2017 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Sudelvet Conseil ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Françoise Tomé, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la Société Selas Sudelvet Conseil et à la SCP Rousseau, Tapie, avocat du Conseil national de l'ordre des vétérinaires.
Considérant ce qui suit :
1. Le décret du 10 avril 2017 relatif à la réforme de l'ordre des vétérinaires dont la société Sudelvet Conseil demande l'annulation a notamment pour objet de modifier les conditions d'inscription au tableau de l'ordre des vétérinaires et de réformer l'organisation du système disciplinaire ainsi que la procédure applicable devant les chambres régionales de discipline. Eu égard aux moyens qu'elle invoque, la requête doit être regardée comme tendant seulement à l'annulation des articles 5 et 7 de ce décret.
Sur l'article 5 du décret attaqué :
2. Le moyen par lequel la société demande l'annulation de l'article R. 242-3-1 du code rural et de la pêche maritime, introduit dans ce code par l'article 5 du décret attaqué, est tiré de l'inconstitutionnalité de l'article L. 242-2 du code rural et de la pêche maritime. Toutefois, par sa décision n° 411438 du 4 décembre 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, à ce titre, par la société Sudelvet Conseil.
Sur l'article 7 du décret attaqué :
En ce qui concerne l'article R. 242-98 du code rural et de la pêche maritime :
3. L'article L. 242-5 du code rural et la pêche maritime dispose que, dans le cas où la personne poursuivie est un vétérinaire, les assesseurs de la chambre régionale de discipline sont tirés au sort parmi les conseillers ordinaux des régions composant la circonscription disciplinaire, à l'exception de la région où exerce le vétérinaire poursuivi. Selon les dispositions de l'article R. 242-98 du code rural et de la pêche maritime, introduites par l'article 7 du décret attaqué : " A l'issue de chaque audience de la chambre régionale de discipline, le président de la chambre ou son suppléant procède, en vue de la tenue de l'audience suivante, au tirage au sort de quatre membres titulaires et quatre membres suppléants parmi les élus ordinaux de la circonscription disciplinaire. / Ne peuvent pas être tirés au sort : - les conseillers de la région ordinale du domicile professionnel administratif du vétérinaire poursuivi ; / - les présidents des conseils régionaux de l'ordre de la circonscription disciplinaire / - le secrétaire général en charge du greffe de la chambre régionale de discipline. (...) ".
4. Ces dispositions, qui excluent du tirage au sort certains élus ordinaux dont la participation à la formation de jugement serait susceptible d'entacher sa composition d'irrégularité, ne font pas obstacle, en tout état de cause, à ce que s'applique à ces instances juridictionnelles le principe général selon lequel il incombe à tout membre en la personne duquel il existe une cause de récusation de se désister. Les dispositions de l'article litigieux prévoient d'ailleurs, à ce titre, un tirage au sort de membres suppléants appelés à siéger, notamment, en cas de récusation ou de déport d'un membre titulaire.
6. Les requérants ne sont, par suite, pas fondés à soutenir que ces dispositions méconnaissent le droit à un procès équitable, faute d'avoir prévu les garanties de nature à exclure la présence, au sein des formations disciplinaires, de toute personne dont la participation entacherait la composition d'irrégularité.
7. Par ailleurs, à raison de la nature même d'un tirage au sort, la circonstance que celui-ci ne serait pas opéré par les parties au litige est insusceptible d'avoir une incidence sur sa légalité.
En ce qui concerne l'article R. 242-99 du code rural et de la pêche maritime :
8. L'article R. 242-99 du code rural et de la pêche maritime dispose, dans sa rédaction issue de l'article 7 du décret attaqué : " La convocation à l'audience est adressée par le secrétaire général en charge du greffe de la chambre régionale de discipline à l'auteur de la plainte, à la personne poursuivie, au président du conseil régional du domicile professionnel administratif de la personne poursuivie et, le cas échéant, aux témoins, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou par tout moyen présentant des garanties équivalentes, quinze jours au moins avant l'audience. Ce délai est porté à deux mois lorsque le domicile professionnel administratif de la personne poursuivie se situe outre-mer ou que son lieu d'exercice se situe à l'étranger au moment de la procédure disciplinaire. / Elle indique le délai pendant lequel la personne poursuivie, le plaignant ou leur défenseur pourront consulter le dossier au greffe de la chambre. Cette consultation peut être remplacée, à la demande des parties, par la délivrance d'une copie écrite ou électronique aux frais du demandeur selon des modalités établies par la commission des budgets mentionnée au troisième alinéa du II de l'article L. 242-3-1. / La convocation adressée à la personne poursuivie énonce les faits qui lui sont reprochés ".
9. Il résulte de ces dispositions que le vétérinaire poursuivi n'a la possibilité de consulter le dossier d'instruction déposé au greffe de la chambre régionale de discipline qu'après avoir reçu la convocation prévue au même article, laquelle est susceptible de ne lui être communiquée, si le plus court délai est retenu, que quinze jours avant l'audience.
10. Toutefois, le respect des droits de la défense et du principe du caractère contradictoire de la procédure imposent, en toute circonstance, au secrétaire général en charge du greffe de la chambre régionale de discipline, en tenant compte de l'ensemble des échanges qui ont été nécessaires pendant la phase d'instruction, de mettre à même, le vétérinaire poursuivi et les autres parties de disposer d'un délai de consultation suffisant.
11. Par suite, dès lors que, d'une part, ce délai de quinze jours minimum, qui court à compter de la réception de la convocation à l'audience, n'est pas nécessairement insuffisant pour permettre à un vétérinaire poursuivi d'assurer utilement sa défense ou pour garantir un échange contradictoire entre les parties et que, d'autre part, il appartient au secrétaire général de fixer, le cas échéant, un délai plus long pour tenir compte des exigences propres à l'instance, ce délai minimal prévu par les dispositions litigieuses doit être regardé comme ne méconnaissant ni les principes rappelés au point 10 ni le principe de l'égalité des armes garanti par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
12. Par ailleurs, si les dispositions attaquées prévoient que la délivrance de copies écrites ou électroniques de pièces du dossier s'effectue aux frais du demandeur, d'une part, cet établissement de copies à titre onéreux n'est pratiqué qu'à la demande des parties et, d'autre part, le montant pratiqué ne saurait excéder le coût des frais effectivement exposés par les greffes des chambres disciplinaires. Dans ces conditions, la société Sudelvet Conseil, qui ne peut utilement se prévaloir d'une différence avec des procédures disciplinaires concernant d'autres ordres professionnels, n'est pas fondée à soutenir que ces modalités procédurales méconnaissent le droit à un procès équitable rappelé par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
13. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir soulevée par le ministre de l'agriculture, la société Sudelvet Conseil n'est pas fondée à demander l'annulation des dispositions du décret qu'elle attaque. Par suite, ses conclusions doivent être rejetées y compris celles qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
14. Il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par le Conseil national de l'ordre des vétérinaires qui n'a pas la qualité de partie à l'instance.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la société Sudelvet Conseil est rejetée.
Article 2 : les conclusions présentées par le Conseil national de l'ordre des vétérinaires au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Sudelvet Conseil, au Premier ministre et au ministre de l'agriculture.
Copie en sera adressée au Conseil national de l'ordre des vétérinaires.