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28/06/2019 | FRANCE | N°417762

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 28 juin 2019, 417762


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 janvier et 30 avril 2018 et le 17 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 21 août 2017 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande d'intégration directe dans la magistrature au titre de l'article 23 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

2°)

de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au profit de la SCP Boré,...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 janvier et 30 avril 2018 et le 17 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 21 août 2017 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande d'intégration directe dans la magistrature au titre de l'article 23 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au profit de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laure Durand-Viel, auditeur,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de M.A....

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 23 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, dans sa rédaction applicable au litige, peuvent être nommées directement aux fonctions du premier grade de la hiérarchie judiciaire les personnes remplissant les conditions prévues à l'article 16 et justifiant de dix-sept années au moins d'exercice professionnel les qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires. L'article 16 de la même ordonnance subordonne l'accès à l'auditorat notamment à la condition d'être de bonne moralité. Les intéressés sont soumis à une formation probatoire organisée par l'Ecole nationale de la magistrature (ENM) comportant un stage en juridiction, selon l'article 25-3 de cette ordonnance. En vertu de l'article 25-2 de la même ordonnance, les nominations prononcées à ce titre interviennent après avis conforme de la commission d'avancement prévue à l'article 34. Il résulte des dispositions de ce dernier article que la commission d'avancement dresse les listes d'aptitude aux fonctions de magistrat. Selon l'article 28 du même texte, les décrets portant nomination aux fonctions de magistrat autres que celles mentionnées à son alinéa 1er sont pris par le Président de la République sur proposition du garde des sceaux, ministre de la justice, après avis conforme de la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature pour ce qui concerne les magistrats du siège et après avis de la formation compétente de ce même Conseil pour les magistrats du parquet.

2. Il ressort des pièces du dossier que M.A..., qui exerçait alors la profession d'avocat, a sollicité en 2014 son intégration directe au premier grade de la hiérarchie judiciaire en application des dispositions citées ci-dessus. A l'issue de la formation probatoire, qui a donné lieu à un avis favorable du jury d'aptitude de l'ENM, la commission d'avancement instituée par l'article 34 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 a également émis un avis favorable à sa candidature, qui lui a été notifié le 28 juin 2016. Par une décision du 21 août 2017, la garde des sceaux, ministre de la justice a toutefois refusé de proposer sa nomination au Président de la République, au motif qu'au regard des divers contentieux civils le concernant et dont le règlement n'était pas abouti, il n'apparaissait pas que l'exigence de bonne moralité était satisfaite.

3. Il résulte des dispositions rappelées au point 1 que le garde des sceaux, ministre de la justice n'est pas tenu de proposer la nomination d'une personne au titre de l'intégration directe dans la magistrature alors même que, comme en l'espèce, l'avis de la commission d'avancement prévu à l'article 25-2 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 est favorable. Il appartient, en effet, au garde des sceaux, ministre de la justice, que le législateur organique a entendu investir d'un large pouvoir d'appréciation, de s'opposer à une nomination en présence de faits de nature à établir que l'intéressé ne satisfait pas aux conditions auxquelles doivent répondre les candidats à la magistrature, notamment celle de bonne moralité. Le ministre peut tenir compte, pour décider que le candidat ne présente pas les garanties requises, de l'existence de contentieux civils mettant en cause son comportement, même en l'absence de décision de justice définitive.

4. Il ressort des pièces du dossier que M.A..., qui était depuis le début des années 2000 avocat au sein d'un cabinet dont il était l'un des trois associés, s'est opposé à ses deux confrères dans un litige portant notamment sur la répartition des charges du cabinet et des excédents de prélèvements, à l'issue duquel il a fait l'objet en septembre 2016 d'une condamnation définitive par le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Saint-Brieuc au paiement de sommes au bénéfice de ses anciens associés, pour un montant de quelque 170 000 euros. Le bâtonnier a, en outre, rendu plusieurs ordonnances de taxe au profit d'anciens clients de M.A..., en vue de procéder à la restitution de diverses sommes. Certaines décisions du bâtonnier, en particulier celles relatives à des remboursements d'honoraires au profit d'anciens clients, ont dû fait l'objet de mesures d'exécution forcée. Il ressort des pièces du dossier qu'en mars 2017, seule la moitié environ des sommes dues à ses anciens associés avait été réglée. Enfin, il ressort des pièces du dossier qu'il n'a restitué à un ancien client l'original d'un protocole d'accord qui lui avait été confié que très tardivement et après plusieurs interventions du bâtonnier, rendant impossible l'exécution de cet accord.

5. En estimant, compte tenu des faits mentionnés ci-dessus, que l'intéressé ne satisfaisait pas la condition de bonne moralité requise des candidats à la magistrature, la garde des sceaux, ministre de la justice n'a ni commis d'erreur de droit dans l'application des règles rappelées aux points précédents ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. A...doit être rejetée. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 417762
Date de la décision : 28/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 2019, n° 417762
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Laure Durand-Viel
Rapporteur public ?: M. Stéphane Hoynck
Avocat(s) : SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET

Origine de la décision
Date de l'import : 03/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:417762.20190628
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