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28/06/2019 | FRANCE | N°412577

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 28 juin 2019, 412577


Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C...D...a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, d'une part, d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2016 par lequel le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie l'a admise à faire valoir ses droits à la retraite pour inaptitude définitive à servir et l'arrêté du 3 février 2016 par lequel le directeur de la caisse locale de retraites de la Nouvelle-Calédonie (CLRNC) lui a concédé sa pension de retraite et, d'autre part, d'enjoindre au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie

de saisir la commission d'aptitude sur sa situation et son taux d'invalidité et...

Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C...D...a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, d'une part, d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2016 par lequel le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie l'a admise à faire valoir ses droits à la retraite pour inaptitude définitive à servir et l'arrêté du 3 février 2016 par lequel le directeur de la caisse locale de retraites de la Nouvelle-Calédonie (CLRNC) lui a concédé sa pension de retraite et, d'autre part, d'enjoindre au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie de saisir la commission d'aptitude sur sa situation et son taux d'invalidité et de fixer son taux d'invalidité.

Par un jugement n° 1600099 du 15 septembre 2016, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 16PA03514 du 7 juillet 2017, la cour administrative d'appel de Paris a, d'une part, transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administratif le pourvoi, enregistré au greffe de cette cour le 21 novembre 2016, présenté par Mme D...contre ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 3 février 2016 et, d'autre part, rejeté l'appel présenté par Mme D...contre ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 25 janvier 2016 et ses conclusions à fin d'injonction.

Procédure devant le Conseil d'Etat

1° Sous le n° 412577, par le pourvoi, transmis par cet arrêt, et un nouveau mémoire, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 31 janvier 2018, Mme D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 15 septembre 2016 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 février 2016 du directeur de la caisse locale de retraites de la Nouvelle-Calédonie ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit aux conclusions qu'elle a présentées à ce titre devant le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

3°) de mettre à la charge de la caisse locale de retraites de la Nouvelle-Calédonie et, à défaut, du gouvernement de Nouvelle-Calédonie, la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 417797, par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 31 janvier et 12 octobre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 7 juillet 2017 de la cour administrative d'appel de Paris en tant qu'il a rejeté son appel contre le jugement du 15 septembre 2016 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie en tant que celui-ci a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 janvier 2016 du président du gouvernement de Nouvelle-Calédonie ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge du gouvernement de Nouvelle-Calédonie la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 ;

- la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 ;

- le code des pensions de retraite des fonctionnaires relevant des fonctions publiques de Nouvelle-Calédonie ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Yves Ollier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de Mme D...et à la SCP Meier-Bourdeau, Lecuyer, avocat du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ;

Considérant ce qui suit :

1. Les pourvois de Mme D...présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un courrier du 26 novembre 2014, MmeD..., agent d'exploitation du cadre territorial des postes et télécommunications, qui estimait être dans l'impossibilité de continuer à exercer ses fonctions en raison de son état de santé, a demandé au directeur général des ressources humaines de l'Office des postes et des télécommunications sa mise à la retraite. Par une délibération du 18 décembre 2015, la commission d'aptitude a émis un avis favorable à sa mise à la retraite pour inaptitude totale et définitive. Par un arrêté du 25 janvier 2016, le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a admis Mme D...à faire valoir ses droits à la retraite pour inaptitude définitive. Par un arrêté en date du 3 février 2016, le directeur de la caisse locale de retraite de la Nouvelle-Calédonie lui a concédé une pension de retraite. Par un jugement du 15 septembre 2016, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté la demande de Mme D... tendant à l'annulation de ces deux arrêtés et à ce qu'il soit enjoint au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie de saisir la commission d'aptitude pour que soit fixé son taux d'invalidité. Par un arrêt du 7 juillet 2017, la cour administrative d'appel de Paris a, d'une part, rejeté l'appel présenté par Mme D...contre ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 25 janvier 2016 et ses conclusions à fin d'injonction, d'autre part transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi présenté par l'intéressée contre le même jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 3 février 2016.

Sur les interventions :

3. MmeB..., en sa qualité de curatrice de MmeD..., justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation de l'arrêt et du jugement attaqués. Ainsi, ses interventions au soutien des pourvois de Mme D...sont recevables.

Sur les conclusions relatives à l'arrêté du 25 janvier 2016 du président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie admettant Mme D...à faire valoir ses droits à la retraite :

4. Pour rejeter l'appel de Mme D...qui contestait le rejet, par le jugement du 15 septembre 2016, de ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 25 janvier 2016 l'admettant à faire valoir ses droits à la retraite pour inaptitude définitive à servir, la cour administrative d'appel de Paris, après avoir relevé que l'intéressée avait présenté une demande tendant à être admise à la retraite compte tenu de l'impossibilité dans laquelle elle se trouvait en raison de son état de santé de continuer à exercer ses fonctions, a jugé qu'elle était dépourvue d'intérêt pour agir contre cet arrêté, dès lors que celui-ci lui était favorable. En statuant ainsi, alors qu'eu égard à la portée et aux effets de la décision attaquée qui, mettant fin au lien entre le service et l'agent, affecte nécessairement les intérêts de ce dernier alors même qu'il l'avait demandée, la cour a commis une erreur de droit. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, son arrêt doit être annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme D... relatives à l'arrêté du 25 janvier 2016.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler dans cette mesure l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. Aux termes, d'une part, de l'article Lp. 251-1 du code des pensions de retraite des fonctionnaires relevant des fonctions publiques de Nouvelle-Calédonie : " L'agent qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dument établie peut être admis à la retraite, soit d'office, soit sur sa demande ". L'article Lp. 251-2 du même code dispose que : " La réalité des infirmités invoquées, leur imputabilité au service, les conséquences, ainsi que le taux d'invalidité qu'elles entraînent sont appréciées par la commission d'aptitude. / Le pouvoir de décision appartient, en tout état de cause, à l'autorité détentrice du pouvoir de nomination ".

7. Aux termes, d'autre part, de l'article Lp. 254-1 du code des pensions de retraite des fonctionnaires relevant des fonctions publiques de Nouvelle-Calédonie : " Lorsque le fonctionnaire est atteint d'une invalidité d'un taux au moins égal à 60 %, le montant de la pension prévue aux articles Lp. 252-1 et Lp. 253-1 ne peut être inférieur à 50 % des émoluments de base (...) ". L'article Lp. 253-1 du même code dispose que : " Lorsque l'invalidité ne résulte pas de blessures ou de maladie contractées ou aggravées en service, l'agent a droit à la pension proportionnelle prévue au 1° de l'article Lp. 221-2. / Toutefois, les blessures ou les maladies doivent avoir été contractées au cours d'une période pendant laquelle l'intéressé acquérait des droits à pension ".

8. Il ressort des dispositions citées au point 6 que, lorsqu'un fonctionnaire est admis à la retraite en raison de l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie, la commission d'aptitude doit apprécier le taux d'invalidité entraîné par les infirmités invoquées. Il appartient ensuite à l'autorité investie du pouvoir de nomination de fixer ce taux qui, ainsi qu'il résulte des dispositions citées au point 7, est susceptible d'avoir une incidence sur le montant de la pension allouée, y compris lorsque l'invalidité ne résulte pas de l'exercice des fonctions.

9. Il ressort des pièces du dossier que la commission d'aptitude et à sa suite le président du gouvernement de Nouvelle-Calédonie ne se sont pas prononcés sur le taux d'invalidité de MmeD.... Il en résulte que Mme D...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 15 septembre 2016, le tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 janvier 2016 en tant que celui-ci ne se prononce pas sur son taux d'invalidité et à demander, dans cette mesure, l'annulation de cet arrêté. Il y a lieu, en conséquence, d'enjoindre au président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie de saisir, dans un délai d'un mois à compter de la présente décision, la commission d'aptitude afin qu'elle apprécie le taux d'invalidité de Mme D....

Sur les conclusions relatives à l'arrêté en date du 3 février 2016 du directeur de la caisse locale de retraite de la Nouvelle-Calédonie concédant une pension de retraite à Mme D... :

10. Il résulte des dispositions citées au point 7 que le bénéfice du minimum garanti de pension n'est pas réservé aux seuls agents atteints d'une invalidité résultant de l'exercice de leurs fonctions. Il s'ensuit qu'en jugeant que Mme D...ne pouvait se prévaloir des dispositions de l'art. Lp. 254-1 parce que son invalidité ne résultait pas de blessures ou de maladies contractées en service, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a commis une erreur de droit. Il résulte, en outre, des dispositions citées ci-dessus et de ce qui a été dit aux points 8 et 9 qu'en retenant que la commission d'aptitude n'avait pas à se prononcer sur le taux d'invalidité et en rejetant pour ce motif les conclusions de l'intéressée tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 janvier 2016 et par voie de conséquence ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 février 2016, le tribunal administratif a commis une erreur de droit. Mme D...est, par suite, fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 février 2016.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler dans cette mesure l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

12. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que, eu égard à l'incidence que le taux d'invalidité est susceptible d'avoir sur le montant de la pension en vertu de l'article Lp. 254-1 du code des pensions de retraite des fonctionnaires relevant des fonctions publiques de Nouvelle-Calédonie, l'arrêté du 3 février 2016 doit être annulé par voie de conséquence de l'annulation de l'arrêté du 25 janvier 2016 en tant qu'il ne se prononce pas sur le taux d'invalidité de MmeD....

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la caisse locale de retraites de la Nouvelle-Calédonie (CLRNC) la somme de 3 000 euros à verser à MmeD..., et de mettre à la charge du gouvernement de Nouvelle-Calédonie la même somme à verser à l'intéressée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les interventions de Mme B...sont admises.

Article 2 : L'article 2 de l'arrêt du 7 juillet 2017 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 3 : Le jugement du 15 septembre 2016 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est annulé.

Article 4 : L'arrêté du 25 janvier 2016 du président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie est annulé en tant qu'il ne se prononce pas sur le taux d'invalidité de MmeD....

Article 5 : Il est enjoint au président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie de saisir, dans un délai d'un mois à compter de la présente décision, la commission d'aptitude afin qu'elle apprécie le taux d'invalidité de MmeD....

Article 6 : L'arrêté du 3 février 2016 du directeur de la caisse locale de retraites de la Nouvelle-Calédonie est annulé.

Article 7 : La caisse locale de retraites de la Nouvelle-Calédonie et le gouvernement de Nouvelle-Calédonie verseront chacun à Mme D...une somme de 3 000 euros à Mme D... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : La présente décision sera notifiée à Mme C...D..., à la caisse locale de retraites de la Nouvelle-Calédonie, au gouvernement de Nouvelle-Calédonie et à Mme A...B....


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 412577
Date de la décision : 28/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 2019, n° 412577
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Yves Ollier
Rapporteur public ?: M. Gilles Pellissier
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN ; SCP MEIER-BOURDEAU, LECUYER

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:412577.20190628
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