Vu la procédure suivante :
M. A...F..., M. C...F..., M. G...E...et Mme B...H...ont demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 13 juin 2012 par lequel le préfet du Val-de-Marne a déclaré cessibles les terrains nécessaires à la réalisation de la zone d'aménagement concerté (ZAC) " Anatole France " à Chevilly-Larue, ainsi que les décisions du 26 septembre 2012 portant rejet de leurs recours gracieux.
Par un jugement n° 1210616 du 21 mai 2014, le tribunal administratif de Melun a, d'une part, donné acte du désistement de MmeH..., d'autre part, annulé l'arrêté du préfet du Val-de- Marne du 13 juin 2012.
Par un arrêt n° 14PA03224, 14PA04005 du 15 décembre 2016, la cour administrative d'appel de Paris, sur un appel de l'établissement public d'aménagement (EPA) Orly-Rungis-Seine-Amont (ORSA) et du ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité, a annulé ce jugement en toutes ses dispositions autres que le donné acte du désistement de MmeH..., puis rejeté les conclusions des requérants.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 février et 17 mai 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. D...F..., venant aux droits de M. A...F..., et M. C...F...demandent au Conseil d'État :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les appels formés par les défendeurs ;
3°) de mettre à la charge de l'EPA Orly Rungis Seine Amont et de l'Etat la somme globale de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Laure Durand-Viel, auditeur,
- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, Robillot, avocat de M. D...F...et autre.
Vu la note en délibéré, enregistrée le 23 mai 2019, présentée par les consortsF....
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 20 mars 2009, le préfet du Val-de-Marne a créé la zone d'aménagement concerté (ZAC) " Anatole France " sur le territoire de la commune de Chevilly Larue. La réalisation de cet aménagement a été confiée à l'établissement public d'aménagement (EPA) Orly-Rungis-Seine Amont (ORSA). Par un arrêté du 15 avril 2011, le préfet du Val-de-Marne a déclaré d'utilité publique les travaux nécessaires à l'aménagement de la ZAC puis, par arrêté du 13 juin 2012, a déclaré cessibles au profit de l'EPA ORSA les terrains nécessaires à ce projet d'aménagement. Par un jugement du 21 mai 2014, le tribunal administratif de Melun a, à la demande de M. F... et autres, annulé pour excès de pouvoir cet arrêté préfectoral. L'EPA ORSA et le ministre chargé du logement ont formé appel contre ce jugement. MM. F...se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 15 décembre 2016 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, sur ces appels, annulé le jugement du tribunal administratif de Melun et rejeté leurs demandes de première instance.
Sur les moyens relatifs au dossier soumis à enquête publique :
2. En premier lieu, contrairement à ce qui est soutenu par les requérants, il ressort des motifs de l'arrêt attaqué que la cour n'a pas omis de statuer sur le moyen tiré de ce que le dossier soumis à l'enquête publique portait sur un projet différent de celui déclaré d'utilité publique par l'arrêté du 15 avril 2011.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 311-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable : " Les zones d'aménagement concerté sont les zones à l'intérieur desquelles une collectivité publique ou un établissement public y ayant vocation décide d'intervenir pour réaliser ou faire réaliser l'aménagement et l'équipement des terrains, notamment de ceux que cette collectivité ou cet établissement a acquis ou acquerra en vue de les céder ou de les concéder ultérieurement à des utilisateurs publics ou privés. / (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique alors applicable : " L'expropriant adresse au préfet pour être soumis à l'enquête un dossier qui comprend obligatoirement : / I. - Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages : / 1° Une notice explicative ; / 2° Le plan de situation ; / 3° Le plan général des travaux ; / 4° Les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants ; / 5° L'appréciation sommaire des dépenses ; / 6° L'étude d'impact définie à l'article R. 122-3 du code de l'environnement, lorsque les ouvrages ou travaux n'en sont pas dispensés ou, s'il y a lieu, la notice exigée en vertu de l'article R. 122-9 du même code ; / (...) ". Il résulte de ces dispositions que, dans le cas de la création d'une zone d'aménagement concerté, l'appréciation sommaire des dépenses doit inclure les dépenses nécessaires à l'aménagement et à l'équipement des terrains et, le cas échéant, le coût de leur acquisition. A cet égard, elle doit comprendre non seulement le coût des acquisitions foncières futures nécessaires à la réalisation de l'opération envisagée, mais aussi celui des acquisitions foncières auxquelles il a été procédé avant l'ouverture de l'enquête publique en vue de la réalisation de cette opération.
4. D'une part, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'appréciation sommaire des dépenses figurant dans le dossier soumis à enquête publique établit le coût total de l'opération d'aménagement de la ZAC " Anatole France " à environ 39 900 000 euros dont 21 583 000 euros d'acquisitions foncières. Par ailleurs, dans un avis établi le 4 avril 2011, la direction nationale d'interventions domaniales (DNID) a globalement estimé le coût d'acquisition des parcelles incluses dans le périmètre de la ZAC à 25 700 000 euros notamment répartis entre 21 596 000 euros d'indemnité de dépossession " dont 8 300 000 euros pour l'acquisition des biens appartenant à la société Valophis " et 2 830 423 euros d'indemnités de remploi et provision pour marge et aléas.
5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour juger que le coût estimé des acquisitions foncières figurant au dossier soumis à enquête publique n'était pas sous-évalué et écarter les différents arguments et moyens soulevés par les requérants tirés d'une telle sous-évaluation, la cour administrative d'appel s'est notamment fondée sur le fait que l'EPA ORSA avait acquis la maîtrise foncière des trois quarts du périmètre de la ZAC par voie de promesses de vente avec Valophis Habitat, le syndicat d'action foncière du Val-de-Marne et la ville de Chevilly-Larue, pour un montant global de 12 000 000 euros et que l'absence d'intégration du montant des indemnités de remploi et d'une provision pour marge ne saurait attester d'une telle sous-évaluation. Ce faisant, la cour, qui n'avait pas à répondre à l'ensemble des arguments soulevés, a suffisamment motivé son arrêt, a souverainement apprécié, sans les dénaturer, les pièces du dossier qui lui étaient soumises, et n'a pas commis d'erreur de droit.
6. D'autre part, si pour écarter le moyen tiré de l'omission dans l'appréciation sommaire des dépenses du coût d'acquisition par le groupe Valophis d'une résidence sociale située dans le périmètre de la ZAC quelques mois avant l'intervention de l'enquête publique, la cour s'est fondée sur le fait que cette acquisition n'avait, en tout état de cause, pas été réalisée par l'EPA ORSA, elle s'est, ce faisant, bornée à répondre à l'argumentation développée par les requérants après avoir constaté, comme il a été dit au point précédent, que l'établissement public avait acquis de façon amiable une partie du foncier de la ZAC précisément auprès du groupe Valophis sans que le coût global de ces acquisitions puisse être regardé comme sous-évalué. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêt serait entaché d'une erreur de droit à cet égard peut être écarté.
Sur les moyens relatifs à l'étude d'impact :
7. Aux termes de l'article L. 122- 1 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable en l'espèce : " I. - Les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements publics et privés qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine sont précédés d'une étude d'impact. / II. - Lorsque ces projets concourent à la réalisation d'un même programme de travaux, d'aménagements ou d'ouvrages et lorsque ces projets sont réalisés de manière simultanée, l'étude d'impact doit porter sur l'ensemble du programme. Lorsque la réalisation est échelonnée dans le temps, l'étude d'impact de chacun des projets doit comporter une appréciation des impacts de l'ensemble du programme. Lorsque les travaux sont réalisés par des maîtres d'ouvrage différents, ceux-ci peuvent demander à l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement de préciser les autres projets du programme, dans le cadre des dispositions de l'article L. 122-1-2. / Un programme de travaux, d'aménagements ou d'ouvrages est constitué par des projets de travaux, d'ouvrages et d'aménagements réalisés par un ou plusieurs maîtres d'ouvrage et constituant une unité fonctionnelle. / (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si les ZAC " Anatole France " et " Triangle des Meuniers ", situées à proximité immédiate l'une de l'autre, ont toutes deux été créées dans le périmètre de l'opération d'intérêt national portant sur l'aménagement du secteur Orly-Rungis-Seine amont et qu'elles participent à un projet d'ensemble visant à réhabiliter certains quartiers situés au sud de la commune de Chevilly-Larue en un " éco-quartier " labellisé, elles constituent deux opérations pouvant être mises en oeuvre de façon indépendante, disposant de leur finalité propre et matériellement séparées par l'axe de circulation d'une ligne de tramway et d'une route départementale. Par suite, la cour, qui a souverainement relevé par une appréciation exempte de dénaturation que les deux ZAC étaient " séparées physiquement " et qui a seulement entendu retenir qu'elles ne constituaient pas une unité fonctionnelle en relevant qu'elles n'étaient pas " indissociables fonctionnellement ", n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en jugeant qu'elles ne concouraient pas à la réalisation d'un même programme de travaux, d'aménagements ou d'ouvrages au sens de l'article L. 122-1 du code de l'environnement.
Sur les moyens relatifs au caractère d'utilité publique du projet :
9. Il appartient au juge, lorsqu'il se prononce sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs au regard de l'intérêt qu'elle présente.
10. D'une part, en relevant que le projet avait pour objectif la restructuration d'un quartier dégradé et son développement économique, la cour a implicitement mais nécessairement jugé que le projet ne pouvait être réalisé dans des conditions équivalentes sur un terrain dont la collectivité était propriétaire, et a ainsi suffisamment motivé son arrêt au regard de la teneur de l'argumentation qui lui était soumise, sans commettre d'erreur de droit. D'autre part, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le projet d'aménagement en litige a pour objet la réalisation de 45 000 m² de logements dont une résidence pour personnes âgées et une résidence sociale, 28 000 m² de bureaux, 3 000 m² de commerces, une crèche, un foyer pour jeunes handicapés ainsi que des espaces publics et des jardins, par la restructuration d'un quartier particulièrement dégradé de la commune de Chevilly-Larue, et que si l'opération est susceptible de nécessiter le relogement d'environ 210 ménages ainsi que de 448 résidents d'un foyer associatif, ces personnes pourront être relogées sur le site. Par suite, en jugeant que le projet revêtait un caractère d'utilité publique en se fondant, non sur la seule création de bureaux, mais sur l'ensemble des avantages attendus de l'opération, rapportés aux atteintes induites par le projet, qui sont circonscrites à la propriété et à la nécessité de reloger des riverains, la cour administrative d'appel, qui a suffisamment motivé son arrêt, n'a ni dénaturé les pièces du dossier, ni inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.
11. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts F...ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent. Par suite, leur pourvoi doit être rejeté, y compris leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande présentée par l'établissement public d'aménagement Orly-Rungis-Seine-Amont sur le même fondement.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi des consorts F...est rejeté.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'établissement public d'aménagement Orly-Rungis-Seine-Amont sur le fondement de l'article L. 761-1 du code justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. D...F..., représentant unique des requérants et à l'établissement public d'aménagement Orly-Rungis-Seine-Amont et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Copie en sera adressée à M. G...E...et à la commune de Chevilly-Larue.