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27/06/2019 | FRANCE | N°420382

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 27 juin 2019, 420382


Vu la procédure suivante :

M. et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 et des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1412157 du 31 mars 2016, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 16VE02368 du 6 mars 2018, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel de M. et MmeB..., annulé le jugement du tribunal administratif de Mo

ntreuil et prononcé la décharge des impositions en litige.

Par un pourvoi...

Vu la procédure suivante :

M. et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 et des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1412157 du 31 mars 2016, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 16VE02368 du 6 mars 2018, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel de M. et MmeB..., annulé le jugement du tribunal administratif de Montreuil et prononcé la décharge des impositions en litige.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés le 4 mai 2018 et le 11 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1er, 2 et 3 de cet arrêt.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Christelle Thomas, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Anne Iljic, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de M. et Mme A...B...;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la faveur du rachat du groupe Editis en 2004, suivi de sa cession au groupe Planeta en 2008, le groupe Wendel a mis en place des instruments juridiques et financiers visant à associer à cette opération certains de ses cadres dirigeants réunis au capital de la société Compagnie de l'Odyssée (CDO). MmeB..., directrice de la communication et membre du comité opérationnel du groupe Wendel a, dans ce cadre, acquis des actions de préférence de la société CDO qu'elle a cédées à leur prix d'achat le 18 décembre 2007, à la société civile Harcelor, société soumise au régime fiscal des sociétés de personnes, qu'elle avait constituée avec son époux le 26 mars précédent. Cette société a, le 20 mai 2008, cédé ses actions de la société CDO à la société Ofilux Finance. M. et Mme B...ont reporté la plus-value afférente sur leur déclaration de revenus de l'année 2008. Par une proposition de rectification en date du 6 décembre 2011, l'administration fiscale a estimé qu'une fraction du gain résultant de la cession de ces titres, à hauteur de 63,54 %, ne relevait pas du régime des plus-values de cession de valeurs mobilières des particuliers, mais était constitutive d'un complément de rémunération, dès lors qu'elle résultait, dans cette proportion, de l'avantage consenti à Mme B...au titre du mécanisme d'intéressement mis en place au profit des cadres du groupe Wendel. Le ministre de l'action et des comptes publics se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 6 mars 2018 qui a prononcé la décharge des impositions supplémentaires et pénalités résultant de cette requalification, auxquelles M. et Mme B...ont été assujettis au titre de l'année 2008.

2. L'article 8 du code général des impôts dispose que : " Sous réserve des dispositions de l'article 6, les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. (...) / Il en est de même, sous les mêmes conditions : / 1° Des membres des sociétés civiles qui ne revêtent pas, en droit ou en fait, l'une des formes de sociétés visées à l'article 206 1 et qui, sous réserve des exceptions prévues à l'article 239 ter, ne se livrent pas à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 (...) ". En vertu de l'article 238 bis K du même code : " I. Lorsque des droits dans une société ou un groupement mentionnés aux articles 8, 8 quinquies, 239 quater, 239 quater B, 239 quater C ou 239 quater D sont inscrits à l'actif d'une personne morale passible de l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ou d'une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou agricole imposable à l'impôt sur le revenu de plein droit selon un régime de bénéfice réel, la part de bénéfice correspondant à ces droits est déterminée selon les règles applicables au bénéfice réalisé par la personne ou l'entreprise qui détient ces droits. / (...) II. Dans tous les autres cas, la part de bénéfice ainsi que les profits résultant de la cession des droits sociaux sont déterminés et imposés en tenant compte de la nature de l'activité et du montant des recettes de la société ou du groupement ". Aux termes de l'article 150-0 A du même code dans sa rédaction applicable au litige : " I.-1. Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que des articles 150 UB et 150 UC, les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement ou par personne interposée, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu lorsque le montant de ces cessions excède, par foyer fiscal, 20 000 euros pour l'imposition des revenus de l'année 2007 et 25 000 euros pour l'imposition des revenus de l'année 2008. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que les plus-values réalisées par une société de personnes exerçant une activité d'acquisition et de gestion d'un portefeuille de valeurs mobilières et de droits sociaux dans laquelle une personne physique soumise à l'impôt sur le revenu détient une participation sont soumises au régime des plus-values des particuliers à concurrence des droits que celle-ci détient avec les membres de son foyer fiscal dans cette société.

4. En premier lieu, en relevant que, dès lors que l'administration fiscale n'avait pas entendu écarter, sur le fondement de l'abus de droit, la société civile Harcelor comme étant fictive ou comme ayant été créée dans le seul but d'éluder l'impôt, le ministre de l'action et des comptes publics ne pouvait soutenir qu'une fraction de la plus-value réalisée par cette société devait s'analyser comme la rémunération de l'activité salariée de Mme B...au sein du groupe Wendel, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.

5. En second lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la plus-value litigieuse a été réalisée à l'occasion de la cession le 20 mai 2008 des titres de la société CDO par la société civile Harcelor. S'il n'est pas contesté que M. et Mme B...ont disposé de cette plus-value en tant qu'uniques associés de la société Harcelor, la cour administrative d'appel de Versailles n'a pas entaché son arrêt d'inexacte qualification juridique des faits en jugeant que la plus-value réalisée par la société Harcelor l'a été à raison du droit de propriété qu'elle détenait sur les actions cédées et que l'administration fiscale ne pouvait légalement requalifier une fraction de cette plus-value en traitements et salaires au motif que la société Harcelor n'aurait été qu'un " véhicule d'encaissement " de la rémunération de Mme B....

6. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à demander l'annulation des articles 1er, 2 et 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles qu'il attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. et Mme B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'action et des comptes publics est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à M. et Mme B...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et à M. et Mme A...B....


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 420382
Date de la décision : 27/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 27 jui. 2019, n° 420382
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Christelle Thomas
Rapporteur public ?: Mme Anne Iljic
Avocat(s) : SCP CELICE, SOLTNER, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:420382.20190627
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