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24/06/2019 | FRANCE | N°415205

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 24 juin 2019, 415205


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, deux nouveaux mémoires et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 octobre 2017, 23 janvier, 27 juin et 15 novembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) du Château, la société civile d'exploitation agricole (SCEA) Cap de Lucante, M. A...B..., l'EARL du Millénaire et la SCEA de Morfontaine demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2017-1286 du 21 août 2017 relatif aux pai

ements agroenvironnementaux et climatiques, aux aides en faveur de l'agriculture...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, deux nouveaux mémoires et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 octobre 2017, 23 janvier, 27 juin et 15 novembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) du Château, la société civile d'exploitation agricole (SCEA) Cap de Lucante, M. A...B..., l'EARL du Millénaire et la SCEA de Morfontaine demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2017-1286 du 21 août 2017 relatif aux paiements agroenvironnementaux et climatiques, aux aides en faveur de l'agriculture biologique, aux paiements au titre de Natura 2000 et de la directive-cadre sur l'eau et modifiant le code rural et de la pêche maritime ainsi que l'arrêté du Premier ministre du 21 août 2017 relatif aux mesures agroenvironnementales et climatiques, aux aides en faveur de l'agriculture biologique et aux paiements au titre de Natura 2000 et de la directive-cadre sur l'eau ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son protocole additionnel ;

- le règlement (UE) n° 1303/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;

- le règlement (UE) n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;

- le règlement (UE) n° 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;

- le règlement (UE) n° 808/2014 de la Commission du 17 juillet 2014 ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014, notamment son article 78 ;

- le décret n° 2015-445 du 16 avril 2015 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent-Xavier Simonel, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de l'EARL du Château, de la SCEA Cap de Lucante, de M. A...B..., de l'EARL du Millenaire et de la SCEA Morfontaine ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que chacun des requérants a souscrit, après le 1er janvier 2015, des engagements de réalisation de mesures agroenvironnementales et climatiques ou en faveur de l'agriculture biologique, à l'appui d'une demande de versement d'aides prévues aux articles 28, 29 et 30 du règlement (UE) n° 1305/2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader). Eu égard aux moyens qu'ils invoquent, leurs conclusions doivent être regardées comme étant dirigées, d'une part, contre l'article 1er du décret du 21 août 2017 relatif aux paiements agroenvironnementaux et climatiques, aux aides en faveur de l'agriculture biologique, aux paiements au titre de Natura 2000 et de la directive-cadre sur l'eau et modifiant le code rural et de la pêche maritime en tant qu'il modifie l'article D. 341-9 du code rural et de la pêche maritime pour prévoir que : " Chaque financeur national des paiements et aides prévus à la présente section peut fixer le montant maximum de la part qu'il finance. Pour l'Etat, ce montant est fixé par le préfet de région. / Un arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture, du budget et de l'écologie fixe le montant minimal, tous financeurs confondus, en deçà duquel les demandes d'aides annuelles ne sont pas acceptées./ Pour les groupements agricoles d'exploitation en commun totaux, le principe de transparence prévu à l'article L. 323-13 s'applique " et contre le II de son article 2 rendant applicable cet article D. 341-9 aux engagements agroenvironnementaux souscrits depuis le 1er janvier 2015 et, d'autre part, contre l'article 2 de l'arrêté du 21 août 2017 aux termes duquel : " En application de l'article D. 341-9 du code rural et de la pêche maritime, le montant minimal des paiements annuels par bénéficiaire, tous financeurs confondus, est fixé à 200 euros pour la mesure " protection des races menacées de disparition ", à 1 512 euros pour la mesure " amélioration du potentiel pollinisateur des abeilles domestiques " et à 300 euros pour les autres mesures agroenvironnementales et climatiques, les aides en faveur de l'agriculture biologique et les paiements au titre de Natura 2000 et de la directive-cadre sur l'eau " et contre celles de la seconde phrase de son article 5 rendant cet arrêté applicable aux engagements agroenvironnementaux souscrits depuis le 1er janvier 2015.

Sur le cadre juridique du litige :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 du règlement (UE) n° 1305/2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) : " 1. Le Feader agit dans les États membres à travers les programmes de développement rural. Ces programmes mettent en oeuvre une stratégie visant à répondre aux priorités de l'Union pour le développement rural grâce à un ensemble de mesures, définies au titre III. Un soutien auprès du Feader est demandé pour la réalisation des objectifs de développement rural poursuivis dans le cadre des priorités de l'Union. / 2. Un État membre peut présenter un programme unique couvrant tout son territoire ou une série de programmes régionaux. (...) / 3. Les États membres ayant opté pour des programmes régionaux peuvent aussi présenter pour approbation, conformément à l'article 10, paragraphe 2, un cadre national contenant les éléments communs de ces programmes sans procéder à une dotation budgétaire distincte. Les cadres nationaux des États membres ayant opté pour des programmes régionaux peuvent aussi contenir un tableau résumant, par région et par année, la contribution totale du Feader en faveur de l'État membre concerné pour l'ensemble de la période de programmation ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 8 du même règlement, le programme de développement rural comprend notamment : " (...) c) une description de la stratégie, qui démontre ce qui suit : (...) / iii) l'affectation de ressources financières aux mesures du programme est justifiée et appropriée aux fins de la réalisation de l'ensemble des objectifs ; (...) / f) une description de chacune des mesures retenues (...) ; / h) un plan de financement comprenant : i) un tableau qui établit (...) la participation totale du Feader pour chaque année. (...) ; / ii) un tableau qui établit, pour chaque mesure, pour chaque type d'opération bénéficiant d'un taux de participation spécifique du Feader et pour l'assistance technique, la participation totale prévue de l'Union et le taux de participation du Feader applicable. (...) ; i) les résultats et dépenses prévus de chaque mesure (...) ". Aux termes de l'article 59 du même règlement : " 1. La décision visant à approuver un programme de développement rural fixe la participation maximale du Feader pour chaque programme. (...) / 2. La participation du Feader est calculée par rapport au montant des dépenses publiques admissibles. / 3. Les programmes de développement rural fixent un seul taux de participation du Feader applicable à toutes les mesures. (...) Le taux maximal de participation du Feader est égal à : (...) / Le taux de participation minimal du Feader est de 20 %. / Par dérogation au § 3, le taux maximal de participation du Feader est égal : (...) / b) à 75 % pour les opérations (...) au titre (...) des articles 28, 29, 30 (...) ".

3. En deuxième lieu, il ressort de l'article 28 du même règlement, relatif aux mesures agroenvironnementales et climatiques et de son article 29, relatif aux mesures en faveur de l'agriculture biologique, que les aides allouées au titre de ces mesures sont accordées en contrepartie d'engagements pris sur une durée de cinq à sept ans d'adopter des pratiques allant au-delà des normes obligatoires et qu'elles " indemnisent les bénéficiaires pour une partie ou la totalité des coûts supplémentaires et des pertes de revenus résultant des engagements pris ". Il ressort de l'article 30 de ce règlement, relatif aux mesures relatives à Natura 2000 et à la directive-cadre sur l'eau, que les aides allouées au titre de ces dernières sont accordées annuellement et " afin d'indemniser les bénéficiaires, dans les zones concernées, pour les coûts supplémentaires et la perte de revenus subie en raison des désavantages résultant de la mise en oeuvre de la directive 92/43/CEE, de la directive 2009/47/CE et de la directive cadre sur l'eau ". Il en ressort également que les aides allouées au titre de ces mesures sont plafonnées, l'annexe II du même règlement détaillant le plafond prévu pour chaque mesure en euros, par an et par unité d'oeuvre, exprimée notamment, selon les cas, en hectare ou en unité de gros bétail. En vertu du paragraphe 2 de l'article 49 du même règlement, l'octroi des aides résultant de ces mesures n'est pas soumis à une sélection préalable.

4. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 2 de l'article 10 du même règlement : " Chaque programme de développement rural est approuvé par la Commission au moyen d'un acte d'exécution ". L'article 11 de ce même règlement prévoit, notamment, que : " Les demandes présentées par les États membres visant à modifier des programmes sont approuvées conformément aux procédures suivantes : / a) la Commission prend une décision, au moyen d'actes d'exécution, sur les demandes de modification des programmes qui concernent : / (...) ii) une modification du taux de participation du Feader pour une ou plusieurs mesures ; / iii) une modification de l'ensemble de la participation de l'Union ou de sa répartition annuelle au niveau du programme ; / (b) la Commission approuve, au moyen d'actes d'exécution, les demandes de modification du programme dans tous les autres cas. Il s'agit, en particulier, des cas suivants : / i) l'introduction ou la suppression de mesures ou de types d'opérations ; ii) des modifications dans la description des mesures, y compris des modifications des conditions d'admissibilité ; iii) un transfert de fonds entre des mesures mises en oeuvre au titre de différents taux de participation du Feader (...) ". Aux termes du paragraphe 5 de la partie 2 du règlement (UE) n° 808/2014 portant modalités d'application du règlement (UE) n° 1305/2013, la description des mesures comprend notamment : " a) la base juridique ; / b) la description générale de la mesure, y compris les principes généraux régissant sa logique d'intervention, et de sa contribution aux domaines prioritaires et aux objectifs transversaux ; / c) le champ d'application, le niveau de l'aide, les bénéficiaires éligibles et, le cas échéant, la méthode de calcul du taux d'aide (...). Pour chaque type d'opération, détermination des coûts admissibles, conditions d'éligibilité, montants applicables et taux de l'aide et principes applicables à l'établissement des critères de sélection ".

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 78 de la loi du 27 janvier 2014 relative à la modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles : " I. - (...) 1°) L'Etat confie aux régions ou, le cas échéant, pour des programmes opérationnels interrégionaux, à des groupements d'intérêt public mis en place par plusieurs régions, à leur demande, tout ou partie de la gestion des programmes européens soit en qualité d'autorité de gestion, soit par délégation de gestion. (...) III. - Pour le Fonds européen agricole pour le développement rural, un décret en Conseil d'Etat précise en tant que de besoin les orientations stratégiques et méthodologiques pour la mise en oeuvre des programmes (...) ". Le décret du 16 avril 2015 relatif à la mise en oeuvre des programmes de développement rural pour la période 2014-2020 dispose, à son annexe I, que, pour les mesures relevant, notamment, des articles 28 à 30 du règlement (UE) n°1305/2013, " leur construction au niveau régional s'appuie sur le cadrage défini au niveau national ", comme l'autorise l'article 6 § 3 de ce règlement. Le cadre national de référence ainsi prévu, qui a été approuvé le 30 juin 2015 par la Commission européenne selon la procédure prévue à l'article 10 du même règlement, détaille pour chaque mesure, notamment, le montant de l'aide prévue en euros par an et, par unité d'oeuvre pertinente, les bénéficiaires admissibles et les coûts admissibles, précise les conditions d'admissibilité communes à toutes les mesures ou spécifiques à chacune et, le cas échéant, des critères de sélection. Ce cadre national de référence et les plans de développement rural propres à chaque région, également validés par la Commission européenne selon la procédure prévue à l'article 10 du règlement (UE) n°1305/2013, ne mentionnent pas l'existence d'un plafonnement ou d'un seuil tels que prévus par les dispositions attaquées du décret et de l'arrêté du 21 août 2017.

Sur la faculté de plafonner la part des paiements et aides :

6. D'une part, eu égard à la nature des aides prévues par les articles 28, 29 et 30 du règlement (UE) n° 1305/2013 du 17 décembre 2013, dont il ressort des dispositions analysées au point 3 qu'elles sont nécessairement corrélées au volume des engagements validés ou des contraintes imposées, un plafonnement de la contribution apportée par un financeur national ne saurait conduire à rompre cette corrélation.

7. D'autre part, sauf à modifier les termes du cadre national et des programmes de développement rural mentionnés au point 5, tels qu'approuvés par la Commission européenne en application de l'article 10 du règlement (UE) n° 1305/2013, un tel plafonnement ne saurait non plus affecter ni le montant de l'aide en euros par an et par unité d'oeuvre exprimée, notamment, en hectare ou unité de gros bétail ni le taux de co-financement entre financeurs nationaux et Feader ni l'enveloppe globale des crédits du Feader, tels que ces éléments ont été établis, pour chaque mesure, par ces documents, et ne saurait reposer sur des critères de sélection non prévus par ces mêmes documents.

8. Toutefois, les dispositions contestées du décret du 21 août 2017, qui ne précisent pas les modalités du plafonnement dont elles ouvrent la possibilité, ne peuvent être regardées, par elles-mêmes, ni comme contraires au principe énoncé au point 6 ni comme conduisant à modifier les éléments mentionnés au point 7. Les requérants ne sont donc fondés à soutenir, en tout état de cause, ni qu'elles méconnaîtraient les caractéristiques mêmes des mesures prévues par les articles 28 à 30 du règlement (UE) n° 1305/2013 ni qu'elles affecteraient la description des mesures, les conditions d'accessibilité ou tout autre élément du cadre national et des plans de développement rural organisant la mise en oeuvre de ces mesures en France et approuvés par la Commission européenne en application de l'article 10 de ce règlement et qu'elles auraient dû, en conséquence, être préalablement approuvées par cette dernière en vertu de l'article 11 du même règlement.

Sur la conformité au principe d'égalité de la fixation de seuils en-deçà desquels les demandes d'aides annuelles ne sont pas acceptées :

9. D'une part, la fixation de seuils correspondant à un montant minimal en deçà duquel les demandes d'aides ne sont pas acceptées répond, dans son principe, à un souci de bonne gestion des mesures concernées, en évitant, tant à l'administration qu'au pétitionnaire, l'engagement de coûts de constitution et de traitement des dossiers excessifs par rapport au montant de l'aide escomptée. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que les montants retenus par l'arrêté du 21 août 2017 correspondent aux montants minimaux prévus pour ces aides ou au montant correspondant à la plus petite unité de surface significative. Dans ces conditions, si les agriculteurs, qui se trouvent exclus du bénéfice des aides, par l'effet de l'application de ces dispositions, sont placés dans une situation différente de ceux qui sont susceptibles d'en bénéficier, la différence de traitement qui en résulte est en rapport avec l'objectif fixé par le règlement (UE) n° 1305/2013 du 17 décembre 2013, qui est de favoriser la compétitivité de l'agriculture et n'est pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. Les requérants ne sont, donc, pas fondés à soutenir que les dispositions attaquées méconnaîtraient le principe d'égalité.

Sur les principes de non-rétroactivité, de sécurité juridique, de confiance légitime et sur le droit au respect des biens :

10. Le décret et l'arrêté attaqués ont prévu que leurs dispositions ne s'appliqueraient pas aux engagements souscrits avant le 1er janvier 2015. Il s'en déduit qu'elles sont susceptibles de s'appliquer non seulement aux engagements souscrits après leur entrée en vigueur mais aussi à ceux souscrits avant celle-ci, à compter du 1er janvier 2015.

11. Toutefois, en premier lieu, les exploitants ayant présenté de tels engagements ne sauraient se prévaloir d'une situation juridiquement constituée qu'à compter de la décision d'engagement par laquelle l'autorité compétente valide les engagements qu'elle retient ou les contraintes invoquées et fixe le montant de l'aide qui en découle. En conséquence, si le régime établi par le décret et l'arrêté attaqués ne saurait, sans méconnaître le principe de non-rétroactivité des actes administratifs, s'appliquer à des décisions d'engagement prises avant leur entrée en vigueur, il peut en revanche légalement s'appliquer, sans porter atteinte à une situation juridiquement constituée, à des engagements présentés avant la date de cette entrée en vigueur dès lors qu'aucune décision n'a été prise sur ces engagements avant cette date. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que la procédure d'instruction des demandes d'engagement ayant été suspendue en France en 2015 et en 2016, à raison notamment des travaux engagés pour assurer la fiabilisation du registre parcellaire graphique, aucune décision d'engagement n'avait été prise, à la date du décret et de l'arrêté attaqués, concernant des engagements souscrits entre le 1er janvier 2015 et cette date. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions qu'ils attaquent porteraient atteinte à des droits acquis et méconnaîtraient les principes de non-rétroactivité des actes administratifs et de sécurité juridique.

12. En deuxième lieu, à défaut de décision d'engagement et dès lors qu'aucun principe ou disposition générale n'excluait le principe d'un plafonnement des aides allouées dans le cadre des mesures prévues aux articles 28 à 30 du règlement (UE) n° 1305/2013, dans le respect des conditions rappelées aux points 6 et 7, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions attaquées porteraient atteinte, par elles-mêmes, à une créance certaine ou, à défaut d'une telle créance, à une espérance légitime devant être regardée comme un bien au sens des stipulations de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. En troisième lieu, d'une part, les dispositions de l'article D. 341-7 du code rural et de la pêche maritime, dans leur rédaction antérieure au décret attaqué, prévoyaient que " les montants maximums de paiement sont précisés par arrêté conjoint du ministre chargé de l'agriculture, du ministre chargé du budget et du ministre chargé de l'écologie ". Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 12 septembre 2007 relatif aux engagements agroenvironnementaux, pris pour l'application de ces dispositions, " un montant maximal des paiements, dit " plafond ", et un montant minimal des paiements, dit " plancher ", peuvent être calculés par exploitation et par dispositif au moment de la souscription d'un engagement agroenvironnemental (...). Ces montants correspondent respectivement à une limitation fixée à l'engagement de nouveaux éléments et à l'établissement d'un montant minimal annuel en deçà duquel l'engagement de nouveaux éléments dans le dispositif n'est pas accepté (...) ". Les articles 5, 6 et 7 du même arrêté précisaient les modalités de ce plafonnement et de ce seuil pour, respectivement, les dispositifs dits " nationaux ", les dispositifs dits " déconcentrés à cahier des charges national " ou les dispositifs dits " territorialisés ", en fixant dans certains cas directement leur montant, établi pour le plafond à 7 600 euros par bénéficiaire et pour le plancher à 300 euros par bénéficiaire ou en renvoyant la fixation de ce montant, selon les cas, au préfet de région ou au préfet de département. D'autre part, le ministre de l'agriculture indique, sans être contredit, que le montant des avances de trésorerie remboursables versées aux requérants de 2015 à 2017, à raison des engagements qu'ils avaient présentés en 2015 et en l'absence d'adoption consécutive de décisions d'engagement, a été substantiellement inférieur à la fois à ces plafonds et aux montants correspondant aux engagements présentés. Dans ces conditions, l'institution par les dispositions attaquées d'une faculté pour les financeurs nationaux de plafonner leur contribution, d'une part et, d'autre part, de seuils en-deçà desquels les demandes d'aides annuelles ne seraient pas acceptées était prévisible par des opérateurs prudents et avisés. Les requérants, qui n'établissent pas, par ailleurs, à l'appui de leur demande d'annulation des dispositions attaquées, l'existence d'assurances précises qui leur auraient été données susceptibles de faire naître dans leur chef des espérances justifiées, ne sont donc pas fondés à soutenir que le principe de confiance légitime, dont le respect s'impose dans la mise en oeuvre du droit de l'Union, aurait été méconnu.

14. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont fondés à demander l'annulation ni des dispositions de l'article 1er du décret du 21 août 2017 en ce qu'elles remplacent l'article D. 341-9 du code rural et de la pêche maritime ni de celles du II de son article 2 ni de celles de l'article 2 et de la seconde phrase de l'article 5 de l'arrêté du 21 août 2017.

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de l'EARL du Château, de la SCEA Cap de Lucante, de M. B..., de l'EARL du Millénaire et de la SCEA de Morfontaine est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'EARL du Château, à la SCEA Cap de Lucante, à M. A...B..., à l'EARL du Millénaire, à la SCEA de Morfontaine, au Premier ministre et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Copie en sera adressée au ministre de la transition écologique et solidaire et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 415205
Date de la décision : 24/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 24 jui. 2019, n° 415205
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent-Xavier Simonel
Rapporteur public ?: Mme Emmanuelle Cortot-Boucher
Avocat(s) : SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:415205.20190624
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