Vu la procédure suivante :
L'Association de défense de l'environnement à Tiercelet (ADET 54), M. B...N..., M. R...A...G..., M. E...D..., M. C...O..., M. M...Q..., M. C...H..., M. I...J..., M. F...K..., M. P...L...et la société d'économie mixte immobilière (SEM) de la commune de Villerupt ont demandé au tribunal administratif de Nancy l'annulation de l'arrêté du 9 octobre 2014 du préfet de Meurthe-et-Moselle délivrant à la société de développement et de gestion des énergies renouvelables Haut Lorraine (SODEGER) l'autorisation d'exploiter sept éoliennes et un poste de livraison, sur le territoire de la commune de Bréhain-la-Ville (Meurthe-et-Moselle). Par un jugement n° 1501112 du 29 juillet 2016, le tribunal administratif a annulé cet arrêté.
Par un arrêt nos 16NC02173, 16NC02191 du 14 décembre 2017, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté les appels de la SODEGER et de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, formés contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux mémoires en réplique, enregistrés les 6 février et 7 mai 2018 et les 22 février et 9 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SODEGER demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Association de défense de l'environnement à Tiercelet et autres une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Airelle Niepce, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la société de développement et de gestion des énergies renouvelables Haut Lorraine et à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de l'association de défense de l'environnement à Tiercelet , de M.N..., de M. A...G..., de M. D..., de M. O..., de M.J..., de M.K..., de M. L...et de la société d'économie mixte immobilière de la ville de Villerupt ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 9 octobre 2014, pris au titre de la législation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, le préfet de Meurthe-et-Moselle a autorisé la société de développement et de gestion des énergies renouvelables Haut Lorraine (SODEGER) à exploiter un parc éolien composé de sept aérogénérateurs d'une hauteur de 149, 50 mètres en bout de pale et d'un poste de livraison, sur le territoire de la commune de Bréhain-la-Ville. A la demande de l'association de défense de l'environnement à Tiercelet (ADET 54), de la société d'économie mixte immobilière de Villerupt et de diverses personnes physiques, le tribunal administratif de Nancy a, par jugement du 29 juillet 2016, annulé cet arrêté. La SODEGER se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 14 décembre 2017 de la cour administrative d'appel de Nancy qui a rejeté son appel, ainsi que l'appel du ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, contre ce jugement.
2. Il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles relatives à la forme et la procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant le projet en cause au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation.
3. D'une part, aux termes de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, issu de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale : " I. Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / 1° Qu'un vice n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et demander à l'autorité administrative compétente de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d'irrégularité ; / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. (...) ".
4. En vertu des dispositions de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 précitée, ces dispositions, qui instituent des règles de procédure concernant exclusivement les pouvoirs du juge administratif en matière de contentieux portant sur une autorisation environnementale ou sur une autorisation devant être considérée comme telle, sont, en l'absence de dispositions expresses contraires, d'application immédiate aux instances en cours depuis le 1er mars 2017, date de leur entrée en vigueur.
5. Lorsqu'il estime qu'une autorisation d'exploiter a été délivrée en méconnaissance des règles de procédure applicables à la date de sa délivrance, le juge peut, eu égard à son office de juge du plein contentieux, prendre en compte la circonstance, appréciée à la date à laquelle il statue, que de telles irrégularités ont été régularisées, sous réserve qu'elles n'aient pas eu pour effet de nuire à l'information complète de la population. En outre, si une telle régularisation n'est pas intervenue à la date à laquelle il statue, le juge peut, en application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, soit surseoir à statuer pour permettre la régularisation devant lui de l'autorisation environnementale attaquée lorsque le ou les vices dont elle est entachée sont susceptibles d'être régularisés par une décision modificative, soit limiter la portée ou les effets de l'annulation qu'il prononce si le ou les vices qu'il retient n'affectent qu'une partie de la décision ou une phase seulement de sa procédure d'instruction. Saisi de conclusions en ce sens, il doit se prononcer sur la possibilité de mettre en oeuvre les pouvoirs qu'il tire de ces dispositions.
6. D'autre part, il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 512-1 et R. 123-6 du code de l'environnement alors applicables à la procédure d'autorisation en litige que le dossier de demande d'autorisation, dont le contenu est précisé à l'article R. 512-3 du même code et qui doit figurer dans le dossier soumis à enquête publique relative aux incidences du projet sur les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du même code, doit comporter, en vertu du 5° de ce dernier article, des éléments relatifs aux " capacités techniques et financières de l'exploitant ". Une insuffisance du dossier de demande au regard de ces dispositions entraîne un défaut d'information du public qui est susceptible d'entacher la légalité de la décision prise au terme de la procédure d'autorisation.
7. Il résulte de ce qui précède que si, saisi d'une demande d'annulation d'une autorisation d'exploiter, le juge retient que le caractère incomplet du dossier soumis à enquête publique concernant les capacités techniques et financières du demandeur a nui à l'information du public et affecté la légalité de la décision prise, il lui appartient de prendre en compte, le cas échéant, les éléments produits devant lui permettant de retenir, à la date à laquelle il statue, que ce vice a été régularisé. En outre, saisi de conclusions en ce sens, il lui appartient également, dès lors qu'il estime que le vice constaté n'est pas, ou que partiellement, régularisé, de se prononcer sur la possibilité de mettre en oeuvre les dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement afin de permettre une telle régularisation, cette mise en oeuvre pouvant notamment avoir pour objet de compléter l'information du public.
8. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour annuler l'arrêté du 9 octobre 2014, le tribunal administratif de Nancy s'est fondé, d'une part, sur un vice de procédure tiré de l'irrégularité de composition du dossier de demande d'autorisation présenté par la SODEGER concernant ses capacités financières et sur le fait que cette carence avait nui à la complète information de la population lors de l'enquête publique, d'autre part, sur le fait que l'implantation de l'éolienne E7 ne respectait pas la règle d'éloignement fixée par les dispositions de l'article L. 553-1 du code de l'environnement. Pour rejeter les requêtes en appel de la SODEGER et du ministre contre ce jugement, la cour administrative d'appel de Nancy a censuré ce second motif d'annulation mais jugé que le premier motif d'annulation retenu par le tribunal administratif était bien fondé. A cet égard, elle a retenu que les éléments complémentaires produits devant le tribunal administratif par la SODEGER concernant ses capacités financières n'étaient pas de nature à effacer le vice de procédure relevé qui avait irrémédiablement entaché la décision attaquée. En se bornant ainsi à juger que les éléments complémentaires produits ne permettaient pas de regarder le vice relevé comme régularisé à la date à laquelle elle s'est prononcée, sans examiner, alors qu'elle était régulièrement saisie de conclusions en ce sens et que le vice ainsi relevé était susceptible d'être régularisé, la possibilité de mettre en oeuvre les dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, la cour a entaché son arrêt d'erreurs de droit.
9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que la SODEGER est fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy qu'elle attaque.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 14 décembre 2017 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nancy.
Article 3 : L'ADET 54 et autres verseront à la SODEGER une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par l'ADET 54 et autres au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société de développement et de gestion des énergies renouvelables Haut Lorraine, à l'Association de défense de l'environnement à Tiercelet et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.