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05/06/2019 | FRANCE | N°427987

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 05 juin 2019, 427987


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 13 février 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D...A...demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 24 juillet 2018 rapportant le décret du 29 avril 2013 qui lui avait accordé la nationalité française.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Louise Bréhier, auditrice,

- les conclusions de M. Guillaume Od

inet, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 27-2 du code civil : " Les déc...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 13 février 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D...A...demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 24 juillet 2018 rapportant le décret du 29 avril 2013 qui lui avait accordé la nationalité française.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Louise Bréhier, auditrice,

- les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 27-2 du code civil : " Les décrets portant acquisition, naturalisation ou réintégration peuvent être rapportés sur avis conforme du Conseil d'Etat dans le délai de deux ans à compter de leur publication au Journal officiel si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales ; si la décision a été obtenue par mensonge ou fraude, ces décrets peuvent être rapportés dans le délai de deux ans à partir de la découverte de la fraude ".

2. Il ressort des pièces du dossier que M.A..., ressortissant algérien, a déposé une demande de naturalisation le 28 juin 2011 en indiquant être séparé de fait depuis septembre 2006 d'une ressortissante française et ne pas avoir d'enfant et s'est engagé sur l'honneur à signaler à l'administration chargée d'instruire sa demande tout changement qui viendrait à survenir dans sa situation personnelle et familiale. Au vu de cette déclaration, il a été naturalisé par décret du 29 avril 2013. Par bordereau reçu le 26 août 2016, le ministre des affaires étrangères et du développement international a toutefois informé le ministre chargé des naturalisations que M. A...avait épousé en Algérie, le 30 octobre 2008, Mme B...C..., ressortissante algérienne résidant habituellement à l'étranger et qu'une fille était née de leur union le 18 novembre 2009. Par le décret attaqué, le Premier ministre a rapporté le décret du 29 avril 2013 prononçant la naturalisation de M. A...au motif qu'il avait été pris au vu d'informations mensongères délivrées par l'intéressé quant à sa situation familiale.

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le ministre chargé des naturalisations a indiqué à M. A...par une lettre du 31 janvier 2017, présentée à l'intéressé le 1er février 2017, les raisons pour lesquelles il envisageait, en application de l'article 27-2 du code civil qui prévoit l'intervention d'un avis conforme du Conseil d'Etat, le retrait du décret attaqué et lui a demandé de lui faire part, le cas échéant, de ses observations dans le délai d'un mois. Au demeurant, le décret attaqué vise des observations en défense produites par l'intéressé les 18 janvier et 2 février 2017. Par suite le moyen tiré de ce que le décret attaqué aurait été pris au terme d'une procédure irrégulière ne peut qu'être écarté.

4. En second lieu, aux termes de l'article 21-6 du code civil : " Nul ne peut être naturalisé s'il n'a en France sa résidence au moment de la signature du décret de naturalisation ". Il résulte de ces dispositions que la demande de naturalisation n'est pas recevable lorsque l'intéressé n'a pas fixé en France de manière durable le centre de ses intérêts. Pour apprécier si cette condition se trouve remplie, l'autorité administrative peut notamment prendre en compte, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la situation familiale en France de l'intéressé. Par suite, ainsi que l'énonce le décret attaqué, la circonstance que l'intéressé ait dissimulé s'être marié en Algérie et y avoir un enfant né de cette union était de nature à modifier l'appréciation qui a été portée par l'autorité administrative sur la fixation du centre de ses intérêts.

5. Il ressort des pièces du dossier, notamment des mentions du jugement du 13 novembre 2012 du tribunal d'Annaba, à l'audience duquel M. A...a comparu le même jour, que ce dernier a contracté mariage le 30 octobre 2008 à Annaba avec une ressortissante algérienne résidant en Algérie et qu'une fille est née de cette union. M. A...n'a pas mentionné ces éléments dans la demande visant à l'obtention de la nationalité française qu'il a déposée le 28 juin 2011. Au cours de l'entretien d'assimilation du 27 mars 2012, il a déclaré que les seuls liens familiaux l'attachant à l'Algérie étaient sa mère et ses frères. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé maîtrise la langue française, comme en attestent le procès-verbal d'assimilation établi le 27 mars 2012 ainsi que l'obtention d'une licence professionnelle dans le domaine de la mécanique au titre de l'année universitaire 2009-2010, et ne pouvait se méprendre sur la portée de la déclaration sur l'honneur qu'il a signée le 28 juin 2011 en présentant sa demande de naturalisation. Il doit être ainsi regardé comme ayant sciemment dissimulé la réalité de sa situation familiale. Par suite, en rapportant le décret prononçant sa naturalisation, le Premier ministre n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article 27-2 du code civil.

6. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret qu'il attaque.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. D...A...et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 427987
Date de la décision : 05/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 05 jui. 2019, n° 427987
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Louise Bréhier
Rapporteur public ?: M. Guillaume Odinet

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:427987.20190605
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