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05/06/2019 | FRANCE | N°412473

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 05 juin 2019, 412473


Vu la procédure suivante :

La société à responsabilité limitée (SARL) ESBTP Granulats a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013 à raison d'une carrière à ciel ouvert d'extraction de sables et graviers qu'elle exploite sur le territoire de la commune de Saint-Sixte (Lot-et-Garonne). Par un jugement nos 1501895, 1602470 du 20 avril 2017, le tribunal a rejeté ses demandes.

Par une ordonnance no 17BX01893 du 1

2 juillet 2017, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le...

Vu la procédure suivante :

La société à responsabilité limitée (SARL) ESBTP Granulats a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013 à raison d'une carrière à ciel ouvert d'extraction de sables et graviers qu'elle exploite sur le territoire de la commune de Saint-Sixte (Lot-et-Garonne). Par un jugement nos 1501895, 1602470 du 20 avril 2017, le tribunal a rejeté ses demandes.

Par une ordonnance no 17BX01893 du 12 juillet 2017, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 25 septembre 2017, le président de la cour administrative d'appel de Bordeaux a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi formé par la société ESBTP Granulats contre ce jugement.

Par ce pourvoi, enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux le 15 juin 2017, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 4 décembre 2017 et 14 septembre 2018, la société ESBTP Granulats demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 20 avril 2017 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Nicolas Agnoux, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la société ESBTP Granulats.

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société ESBTP Granulats, qui exploite une carrière à ciel ouvert d'extraction de sables et graviers sur la commune de Saint-Sixte (Lot-et-Garonne), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos en 2010 et 2011, à l'issue de laquelle aucune proposition de rectification ne lui a été notifiée. Parallèlement, l'administration fiscale a procédé au contrôle des déclarations de taxe foncière sur les propriétés bâties déposées par la société au titre des années 2012 et 2013, et lui a notifié, par courrier du 30 septembre 2013, une rectification des bases imposables, aux motifs, d'une part, que les revenus cadastraux des terrains concernés devaient être évalués selon la méthode comptable applicable aux établissements industriels en application des dispositions de l'article 1499 du code général des impôts et, d'autre part, que les conditions de l'exonération dont se prévalait la société au titre de la construction d'un bâtiment d'exploitation nouveau n'étaient pas réunies. La société se pourvoit en cassation contre le jugement du 20 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande de réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013.

Sur les motifs du jugement relatifs à la régularité de la procédure d'imposition :

2. La garantie de procédure tenant à la faculté pour le contribuable de former un recours hiérarchique, instituée par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié mentionnée à l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, ne peut être invoquée que dans le cadre d'un litige consécutif aux procédures de vérification de comptabilité et d'examen d'ensemble de la situation fiscale personnelle prévues aux articles L. 12 et L. 13 de ce livre.

3. Ainsi qu'il a été dit au point 1 ci-dessus, les impositions contestées par la société ont été mises à sa charge à la suite d'un contrôle sur pièces de son dossier fiscal, dans le cadre duquel l'administration a tiré les conséquences, pour la taxe foncière sur les propriétés bâties de 2012 et 2013, de constatations opérées lors de la vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2010 et 2011. En jugeant que la société n'avait pas été privée de la faculté de présenter le recours hiérarchique prévu à l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit.

4. En outre, dès lors que la société se plaignait de n'avoir pas pu former un recours hiérarchique avant la mise en recouvrement des impositions contestées, c'est-à-dire avant qu'une décision ne soit prise, le tribunal n'a, en tout état de cause, pas méconnu le principe général selon lequel toute décision administrative doit pouvoir être contestée devant l'autorité hiérarchique.

Sur les motifs du jugement relatifs à l'assujettissement à la taxe foncière sur les propriétés bâties des terrains ayant ou ayant eu la nature de carrières :

5. Aux termes de l'article 1393 du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés non bâties de toute nature sises en France, à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code. / Elle est notamment due pour les terrains occupés par les chemins de fer, les carrières, mines et tourbières, les étangs, les salines et marais salants ainsi que pour ceux occupés par les serres affectées à une exploitation agricole. " Aux termes du 5° de l'article 1381 du même code, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige, sont soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties : " Les terrains non cultivés employés à un usage commercial ou industriel, tels que chantiers, lieux de dépôt de marchandises et autres emplacements de même nature, soit que le propriétaire les occupe, soit qu'il les fasse occuper par d'autres à titre gratuit ou onéreux ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que les terrains non cultivés affectés à un usage commercial ou industriel sont imposés à la taxe foncière sur les propriétés bâties, du moment qu'ils n'ont pas été rendus disponibles à d'autres usages. Ces dispositions sont notamment applicables aux carrières qui font l'objet d'une exploitation à caractère industriel.

6. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a jugé que devait être soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties l'ensemble des terrains compris dans le périmètre des arrêtés d'autorisation d'exploitation de la carrière à ciel ouvert d'extraction de sables et graviers dont la société était titulaire, au motif que celle-ci n'apportait pas la preuve que certains de ces terrains auraient été rendus disponibles à d'autres usages. En jugeant ainsi, alors qu'il résultait de l'instruction, et notamment des plans topographiques des années 2008 à 2013 et des déclarations adressées chaque année à la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement, dont la société se prévalait devant les premiers juges, que certains des terrains retenus dans les bases de la taxe litigieuse avaient été effectivement affectés à des fins agricoles ou réaménagés en plans d'eau avant le 1er janvier de chacune des années d'imposition, le tribunal a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

7. Il résulte de ce qui précède que la société est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque en tant qu'il porte sur l'inclusion de l'ensemble des terrains litigieux dans l'assiette de la taxe foncière sur les propriétés bâties.

Sur les motifs du jugement relatifs à l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties prévue à l'article 1383 du code général des impôts :

8. Aux termes du I de l'article 1383 du code général des impôts : " Les constructions nouvelles, reconstructions et additions de construction sont exonérées de la taxe foncière sur les propriétés bâties durant les deux années qui suivent celle de leur achèvement. " L'article 1406 du même code dans sa rédaction applicable au litige précise que : " I. - Les constructions nouvelles, ainsi que les changements de consistance ou d'affectation des propriétés bâties et non bâties, sont portés par les propriétaires à la connaissance de l'administration, dans les quatre-vingt-dix jours de leur réalisation définitive et selon les modalités fixées par décret. (...) / I bis. - Pour procéder à la mise à jour de la valeur locative des propriétés bâties, les propriétaires sont tenus de souscrire une déclaration sur demande de l'administration fiscale selon des modalités fixées par décret. / II. - Le bénéfice des exonérations temporaires de taxe foncière sur les propriétés bâties et non bâties est subordonné à la déclaration du changement qui les motive. Lorsque la déclaration est souscrite hors délais, l'exonération s'applique pour la période restant à courir après le 31 décembre de l'année suivante. " Aux termes de l'article 321 E de l'annexe III à ce code : " Les constructions nouvelles ainsi que les changements de consistance ou d'affectation des propriétés bâties et non bâties ou les changements d'utilisation des locaux commerciaux ou professionnels sont déclarés par les propriétaires sur des imprimés établis par l'administration conformément aux modèles fixés par le ministre de l'économie et des finances. / (...) ".

9. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux, après avoir relevé que les travaux de construction du bâtiment d'exploitation en litige avaient été achevés le 25 juillet 2010, a jugé que la société avait perdu le droit à l'exonération prévu à l'article 1383 du code général des impôts, au motif que si elle avait porté cette construction nouvelle à la connaissance de l'administration dans le délai légal de 90 jours prévu à l'article 1406 du même code, c'était au moyen d'une déclaration " modèle H " et non d'une déclaration " modèle U ". En jugeant ainsi, alors que la société remplissait les conditions de fond prévues à l'article 1383, s'était acquittée de l'obligation de déclaration prévue à l'article 1406 dans le délai prévu à cet article et s'était seulement trompée d'imprimé, le tribunal a commis une erreur de droit.

10. Il résulte de ce qui précède que la société est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque en tant qu'il porte sur le bénéfice de l'exonération prévue à l'article 1383 du code général des impôts en faveur des constructions nouvelles.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société ESBTP Granulats au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du 20 avril 2017 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé en tant qu'il porte sur l'inclusion de l'ensemble des terrains en litige dans l'assiette de la taxe foncière sur les propriétés bâties et sur le bénéfice de l'exonération prévue à l'article 1383 du code général des impôts.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la limite de la cassation ainsi prononcée, au tribunal administratif de Bordeaux.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à la SARL ESBTP Granulats au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SARL ESBTP Granulats et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 412473
Date de la décision : 05/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 05 jui. 2019, n° 412473
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Nicolas Agnoux
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:412473.20190605
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