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04/06/2019 | FRANCE | N°427903

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 04 juin 2019, 427903


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 12 février 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société par actions simplifiée Altho demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l'action et des comptes publics sur sa demande tendant à l'abrogation de la position tarifaire " Ex 20.05 " de l'arrêté du 25 avril 2012 fixant les conditions d'application de la taxe spéciale sur les huiles instituée par l'article 1609 vicies du code général des imp

ôts pour les produits alimentaires importés ;

2°) d'enjoindre au ministre de l...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 12 février 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société par actions simplifiée Altho demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l'action et des comptes publics sur sa demande tendant à l'abrogation de la position tarifaire " Ex 20.05 " de l'arrêté du 25 avril 2012 fixant les conditions d'application de la taxe spéciale sur les huiles instituée par l'article 1609 vicies du code général des impôts pour les produits alimentaires importés ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'action et des comptes publics de modifier l'arrêté attaqué afin de remédier à son illégalité ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

- l'arrêté du ministre de l'action et des comptes publics du 19 décembre 2018 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Vié, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 1609 vicies du code général des impôts : " I. - Il est institué en France métropolitaine, une taxe spéciale sur les huiles végétales, fluides ou concrètes, effectivement destinées, en l'état ou après incorporation dans tous produits alimentaires, à l'alimentation humaine. / Cette taxe est due : / a) Pour les huiles fabriquées en France métropolitaine, sur toutes les ventes ou livraisons à soi-même de ces huiles par les producteurs ; / b) Pour les huiles importées en France métropolitaine (y compris les huiles d'animaux marins qui, pour l'assujettissement à la taxe spéciale, sont assimilées aux huiles végétales alimentaires), lors de l'importation ; / c) Pour les huiles qui font l'objet d'une acquisition intracommunautaire lors de l'acquisition. / II. - Les taux de la taxe sont révisés chaque année au mois de décembre, par arrêté du ministre chargé du budget publié au Journal officiel, en fonction de l'évolution prévisionnelle en moyenne annuelle pour l'année suivante des prix à la consommation de tous les ménages hors les prix du tabac. Les évolutions prévisionnelles prises en compte sont celles qui figurent au rapport économique, social et financier annexé au dernier projet de loi de finances. / Pour les produits alimentaires importés ou qui font l'objet d'une acquisition intracommunautaire incorporant des huiles imposables, la taxation est effectuée selon les quantités et les natures d'huile entrant dans la composition. / Toutefois, pour les produits autres que la margarine, le redevable peut demander l'application d'un tarif forfaitaire, fixé par arrêté du ministre du budget sur des bases équivalentes à celles qui sont retenues pour les produits similaires d'origine nationale. / III. - Les huiles, y compris celles qui sont contenues dans les produits alimentaires visés ci-dessus, exportées de France métropolitaine, qui font l'objet d'une livraison exonérée en vertu du I de l'article 262 ter ou d'une livraison dans un lieu situé dans un autre Etat membre de la Communauté européenne en application de l'article 258 A, ne sont pas soumises à la taxe spéciale. / IV. - La taxe spéciale est établie et recouvrée selon les modalités, ainsi que sous les sûretés, garanties et sanctions applicables aux taxes sur le chiffre d'affaires. / Sont toutefois fixées par décret les mesures particulières et prescriptions d'ordre comptable notamment, nécessaires pour que la taxe spéciale ne frappe que les huiles effectivement destinées à l'alimentation humaine, pour qu'elle ne soit perçue qu'une seule fois, et pour qu'elle ne soit pas supportée en cas d'exportation, de livraison exonérée en vertu du I de l'article 262 ter ou de livraison dans un lieu situé dans un autre Etat membre de la Communauté européenne en application de l'article 258 A ".

2. Il résulte de ces dispositions que sont redevables de la taxe spéciale sur les huiles les producteurs et importateurs d'huiles destinées à être incorporées dans des produits élaborés pour l'alimentation humaine, à raison des quantités d'huiles produites ou importées, ainsi que les importateurs de produits destinés à l'alimentation humaine qui contiennent des huiles taxables, à raison des quantités d'huiles effectivement présentes dans le produit fini.

3. Le dernier alinéa du II de l'article 1609 vicies du code général des impôts prévoit la possibilité, pour les seuls importateurs de produits alimentaires, de choisir entre une imposition déterminée selon les quantités et les natures d'huile entrant dans la composition des produits importés ou une imposition par application d'un tarif forfaitaire fixé par arrêté du ministre chargé du budget. Ces dispositions imposent au ministre d'arrêter et, en tant que de besoin, d'actualiser les tarifs applicables à l'imposition forfaitaire " sur des bases équivalentes à celles retenues pour les produits similaires d'origine nationale ".

4. L'arrêté du 25 avril 2012 fixant, pour les produits alimentaires importés ou qui font l'objet d'une acquisition intracommunautaire, les conditions d'application de la taxe spéciale sur les huiles instituée par le même article 1609 vicies du code général des impôts prévoit, selon la position tarifaire " Ex 20.05 " qui lui est annexée, que le tarif forfaitaire dont les importateurs de produits alimentaires contenant des huiles taxables peuvent demander l'application est de 3,19 euros par centaine de kilogrammes pour les " autres légumes préparés ou conservés autrement qu'au vinaigre ou à l'acide acétique, non congelés, auxquels ont été incorporées des huiles végétales ou des huiles d'animaux marins dans une proportion " supérieure à 25 %. L'article 1er de l'arrêté du 19 décembre 2018 portant actualisation des taux de la taxe sur les huiles perçue au profit du régime de protection sociale des non-salariés agricoles dans le cadre du régime d'imposition selon les quantités réelles d'huiles incorporées, fixe le taux de cette taxe, selon la nature de l'huile en cause, à un montant compris entre 8,989 euros et 19,488 euros par centaine de kilogrammes. Ce taux est en particulier de 15,308 euros par centaine de kilogrammes ou 13,346 euros par centaine de litres pour les huiles végétales fluides autres que les huiles d'olive, d'arachide, de maïs, de colza, de pépins de raisins, de coprah, de palmiste, de palme ou d'animaux dont le commerce et l'utilisation sont soumis aux règles relatives aux espèces protégées.

5. Il ressort des pièces du dossier que l'application de la taxe spéciale sur les huiles à un produit alimentaire importé selon les modalités de taxation forfaitaire prévues au II de l'article 1609 vicies du code général des impôts conduit, pour les produits auxquels ont été incorporés des huiles, autres que les huiles de colza, de pépins de raisin, de coprah, de palmiste et de palme, dans une proportion supérieure à 25 % et quelle que soit l'hypothèse considérée, à mettre à la charge du redevable ayant la possibilité d'opter pour l'application du mode de taxation forfaitaire, une imposition sensiblement inférieure à celle résultant de l'application du régime de taxation réelle applicable aux produits similaires d'origine nationale, l'écart entre les deux modes d'imposition s'accroissant à mesure que la proportion d'huile dans les produits est plus forte. Dans le cas de produits tels que des chips préparés à partir d'huile de tournesol, qui en incorporent une proportion, selon les indications non contredites de la requérante, supérieure à 25 % et au plus égale à 37 %, le redevable soumis au régime de taxation réelle doit ainsi acquitter un montant de taxe spéciale sur les huiles supérieur de 20 % à 77 % à celui auquel est soumis le redevable soumis au régime forfaitaire. Il en résulte que la position tarifaire " Ex 20.05 " telle que définie en annexe de l'arrêté du 25 avril 2012 ne permet pas d'assurer le respect du principe d'équivalence entre les deux modalités de taxation imposé par le législateur au dernier alinéa du II de l'article 1609 vicies du code général des impôts. Par suite, la société requérante est fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de sa requête, à demander l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence de deux mois gardé par le ministre de l'action et des comptes publics sur sa demande du 26 novembre 2018 tendant à l'abrogation de l'arrêté du 25 avril 2012, en tant que celle-ci concerne la position tarifaire " Ex 20.05 ".

6. La présente décision, qui prononce l'annulation de la décision implicite du ministre de l'action et des comptes publics rejetant la demande de la société requérante tendant à l'abrogation de l'arrêté du 25 avril 2012, en tant que celui-ci concerne la position tarifaire " Ex 20.05 ", au motif que cet arrêté méconnaît le principe d'équivalence des bases de tarification prévu par le II de l'article 1609 vicies du code général des impôts selon que le produit est d'origine nationale ou importé, implique seulement, dans les circonstances de l'espèce, le réexamen de la demande d'abrogation par le ministre. Par suite, il y a lieu d'ordonner au ministre, sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de procéder à un nouvel examen de la demande de la SAS Altho dans le délai de trois mois à compter de la présente décision afin d'assurer le respect du principe d'équivalence des bases de tarification prévu par le II de l'article 1609 vicies du code général des impôts.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros à la société Altho au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : La décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l'action et des comptes publics sur la demande du 26 novembre 2018 de la société Altho tendant à l'abrogation de l'arrêté du 25 avril 2012 est annulée en tant qu'il fixe la position tarifaire " Ex 20.05 ".

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'action et des comptes publics de se prononcer à nouveau, conformément aux motifs de la présente décision, sur la demande de la SAS Altho tendant à l'abrogation de la position tarifaire " Ex 20.05 " de l'arrêté du 25 avril 2012 fixant les conditions d'application de la taxe spéciale sur les huiles instituée par l'article 1609 vicies du code général des impôts pour les produits alimentaires importés dans un délai de trois mois à compter de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à la SAS Altho la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiées Altho et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 427903
Date de la décision : 04/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 04 jui. 2019, n° 427903
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Vié
Rapporteur public ?: M. Romain Victor

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:427903.20190604
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