Vu la procédure suivante :
M. D...C...et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler la décision du 26 juillet 2016 par laquelle le président du conseil départemental de l'Isère a refusé de leur accorder une allocation mensuelle de subsistance familiale et, d'autre part, d'enjoindre au président du conseil départemental de leur verser l'aide sollicitée. Par un jugement n° 1604585 du 22 novembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision et rejeté le surplus de leurs conclusions.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 janvier et 17 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département de l'Isère demande au Conseil d'Etat d'annuler ce jugement.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Le Bret-Desaché, avocat du département de l'Isère et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. C... et de MmeB... ;
Considérant ce qui suit :
1. L'article L. 222 2 du code de l'action sociale et des familles prévoit que, parmi les prestations d'aide sociale à l'enfance accordées, en vertu de l'article L. 222-1 du même code, par décision du président du conseil départemental, figure l'aide à domicile qui, en particulier, " est attribuée sur sa demande, ou avec son accord, à la mère, au père ou, à défaut, à la personne qui assume la charge effective de l'enfant, lorsque la santé de celui-ci, sa sécurité, son entretien ou son éducation l'exigent et, pour les prestations financières, lorsque le demandeur ne dispose pas de ressources suffisantes ". L'article L. 222-3 de ce code précise que l'aide à domicile peut prendre la forme d'un " versement d'aides financières, effectué sous forme soit de secours exceptionnels, soit d'allocations mensuelles, à titre définitif ou sous condition de remboursement ".
2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que le président du conseil départemental de l'Isère a refusé, le 26 juillet 2016, d'accorder à M. C...et Mme B... l'allocation mensuelle de subsistance familiale, aide financière au sens de l'article L. 222-3 du code de l'action sociale et des familles ayant pour finalité, selon le règlement départemental d'aide sociale, " d'aider une famille ou une femme enceinte à pourvoir à ses besoins de première nécessité, à savoir, d'une part, les dépenses de logement et, d'autre part, les dépenses d'alimentation et d'hygiène ", et leur a indiqué qu'une telle aide ne pouvait leur être renouvelée au cours de l'année 2016 au motif que, dans sa rédaction telle que modifiée le 26 février 2016, le règlement départemental, prévoyant une aide financière de subsistance familiale d'un montant maximal de 524 euros par ménage pour un mois et de 1572 euros pour une année civile, limitait à trois le nombre de renouvellements du versement de cette aide financière au cours d'une même année. Le département de l'Isère se pourvoit en cassation contre le jugement du 22 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 26 juillet 2016.
3. L'article L. 111-1 du code de l'action sociale et des familles dispose que, sous réserve des dispositions particulières applicables à certaines personnes, notamment de nationalité étrangère, " toute personne résidant en France bénéficie, si elle remplit les conditions légales d'attribution, des formes de l'aide sociale telles qu'elles sont définies par le présent code ". Aux termes de l'article L. 111 4 de ce code : " L'admission à une prestation d'aide sociale est prononcée au vu des conditions d'attribution telles qu'elles résultent des dispositions législatives ou réglementaires et, pour les prestations légales relevant de la compétence du département ou pour les prestations que le département crée de sa propre initiative, au vu des conditions d'attribution telles qu'elles résultent des dispositions du règlement départemental d'aide sociale mentionné à l'article L. 121-3 ". L'article L. 121-3 du même code dispose que : " Dans les conditions définies par la législation et la réglementation sociales, le conseil départemental adopte un règlement départemental d'aide sociale définissant les règles selon lesquelles sont accordées les prestations d'aide sociale relevant du département " et l'article L. 121-4 de ce code précise que : " Le conseil départemental peut décider de conditions et de montants plus favorables que ceux prévus par les lois et règlements applicables aux prestations mentionnées à l'article L. 121-1 ", c'est-à-dire les prestations légales d'aide sociale à la charge du département. Enfin, l'article L. 223-1 du même code précise, s'agissant de l'aide sociale à l'enfance, que : " L'attribution d'une ou plusieurs prestations prévues au présent titre est précédée d'une évaluation de la situation prenant en compte l'état du mineur, la situation de la famille et les aides auxquelles elle peut faire appel dans son environnement ".
4. Il résulte de ces dispositions que le département a l'obligation de verser celles des prestations d'aide sociale que la loi met à sa charge à toute personne en remplissant les conditions légales. Lorsque les conditions d'attribution ou les montants des prestations sont déterminées par les lois et décrets qui les régissent, le règlement départemental d'aide sociale ne peut édicter que des dispositions plus favorables. En l'absence de conditions ou montants précisément fixés par les lois et décrets, si le règlement départemental d'aide sociale peut préciser les critères au vu desquels il doit être procédé à l'évaluation de la situation des demandeurs, il ne peut fixer de condition nouvelle conduisant à écarter par principe du bénéfice des prestations des personnes qui entrent dans le champ des dispositions législatives applicables. Enfin, pour les prestations d'aide sociale qu'il crée de sa propre initiative, le département définit, par le règlement départemental d'aide sociale, les règles selon lesquelles ces prestations sont accordées.
5. Il résulte de ce qui précède que le tribunal administratif de Grenoble n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que le président du conseil départemental ne pouvait légalement refuser à M. C...et Mme B...l'allocation mensuelle de subsistance familiale, qui relève des prestations légales d'aide sociale régies par les dispositions citées au point 1, au seul motif, et sans procéder à l'évaluation de leur situation et de celle de leurs enfants, qu'en vertu du règlement départemental d'aide sociale de l'Isère, un même ménage ne pouvait en bénéficier plus de quatre fois dans l'année. Le département de l'Isère n'est, dès lors, pas fondé à demander, pour ce motif, l'annulation du jugement attaqué.
6. M. C...et Mme B...ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Waquet, Farge, Hazan renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge du département de l'Isère une somme de 2 000 euros à verser à cette société.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi du département de l'Isère est rejeté.
Article 2 : Le département de l'Isère versera une somme de 2 000 euros à la SCP Waquet, Farges, Hazan, avocat de M. C...et MmeB..., au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au département de l'Isère et à M. D...C...et Mme A...B....
Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé.