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29/05/2019 | FRANCE | N°417339

France | France, Conseil d'État, 1ère et 4ème chambres réunies, 29 mai 2019, 417339


Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé à la commission départementale d'aide sociale du Nord d'annuler le titre exécutoire délivré à son encontre le 13 novembre 2012 par le président du conseil général du Nord pour la récupération d'un indu de revenu minimum d'insertion d'un montant de 13 228,82 euros au titre de la période du 1er juin 2004 au 30 septembre 2008. Par une décision du 6 octobre 2015, la commission départementale d'aide sociale du Nord a rejeté cette demande.

Par une décision n° 150739 du 4 mai 2017, la Commission centrale d'aide sociale

a rejeté l'appel formé par Mme A...contre la décision de la commission départ...

Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé à la commission départementale d'aide sociale du Nord d'annuler le titre exécutoire délivré à son encontre le 13 novembre 2012 par le président du conseil général du Nord pour la récupération d'un indu de revenu minimum d'insertion d'un montant de 13 228,82 euros au titre de la période du 1er juin 2004 au 30 septembre 2008. Par une décision du 6 octobre 2015, la commission départementale d'aide sociale du Nord a rejeté cette demande.

Par une décision n° 150739 du 4 mai 2017, la Commission centrale d'aide sociale a rejeté l'appel formé par Mme A...contre la décision de la commission départementale d'aide sociale du Nord.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 janvier et 16 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision de la Commission centrale d'aide sociale ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, son avocat, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code civil ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Thibaut Félix, auditeur,

- les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de Mme A...;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A... a bénéficié du revenu minimum d'insertion à compter du mois de mars 2004. A la suite d'un transfert de données fiscales portant sur les ressources de l'année 2006 puis d'un contrôle le 15 octobre 2008, la caisse d'allocations familiales du Nord lui a fait connaître, par un courrier du 29 décembre 2008, sa décision de récupérer la somme de 13 228,82 euros d'indus de revenu minimum d'insertion au titre de la période du 1er juin 2004 au 30 septembre 2008. Le 13 novembre 2012, le président du conseil général a émis un titre exécutoire aux fins de recouvrement de cette créance. Par une décision du 6 octobre 2015, la commission départementale d'aide sociale du Nord a rejeté le recours de Mme A...contre ce titre exécutoire. Par une décision du 4 mai 2017, contre laquelle Mme A...se pourvoit en cassation, la Commission centrale d'aide sociale a rejeté son appel contre cette décision.

2. En premier lieu, avant même l'entrée en vigueur, à leur égard, le 1er janvier 2013, de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, un état exécutoire émis par une personne morale de droit public autre que l'Etat, pour lequel cette obligation était expressément prévue par l'article 81 du décret du 29 décembre 1962, devait indiquer les bases de la liquidation de la dette. En application de ce principe, un département ne pouvait émettre un titre exécutoire pour la récupération d'un indu de revenu minimum d'insertion sans indiquer les bases et les éléments de calcul sur lesquels il se fondait pour mettre la somme en cause à la charge de l'allocataire, soit dans le titre lui-même, soit par référence à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur.

3. Toutefois, il ressort des écritures de Mme A...que celle-ci s'est bornée à soutenir, devant la Commission centrale d'aide sociale, que le titre exécutoire émis le 13 novembre 2012 ne comportait pas les considérations de droit et de fait qui en constituaient le fondement, sans critiquer, au titre de la régularité du titre exécutoire, l'absence d'indication des bases de sa liquidation. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la Commission centrale aurait insuffisamment motivé sa décision et commis une erreur de droit en écartant son argumentation sans rechercher si le titre contesté précisait les éléments de calcul justifiant le montant de la somme qui lui était réclamée.

4. En deuxième lieu, pour écarter le moyen par lequel Mme A...soutenait que la créance était prescrite, la Commission centrale d'aide sociale, d'une part, a nécessairement écarté, après l'avoir cité, l'article L. 262-40 du code de l'action sociale et des familles au motif que l'obtention du revenu minimum d'insertion avait été frauduleuse et, d'autre part, s'est fondée sur les dispositions de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics.

5. S'agissant de l'article L. 262-40 du code de l'action sociale et des familles, cet article prévoit, dans sa rédaction applicable au litige, que l'action du bénéficiaire pour le paiement de l'allocation de revenu minimum d'insertion " se prescrit par deux ans. Cette prescription est également applicable, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration, à l'action intentée par un organisme payeur en recouvrement des sommes indûment payées ". C'est, par suite, sans erreur de droit que la Commission centrale d'aide sociale, qui a relevé que le tribunal correctionnel de Lille avait jugé que l'indu mis à la charge de Mme A...résultait de fausses déclarations de sa part, en a déduit que les conditions mises par l'article L. 262-40 du code de l'action sociale et des familles à l'application de la prescription de deux ans qu'il prévoit n'étaient, en l'espèce, pas réunies.

6. S'agissant de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics, l'article 1er de cette loi prévoit que : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ". Il en résulte que les règles de prescription prévues par cette loi visent les créances dont sont débiteurs l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics dotés d'un comptable public mais ne sont pas applicables aux créances dont une personne privée est débitrice, quel qu'en soit le créancier. Dès lors, en retenant que la loi du 31 décembre 1968 était applicable au litige, la Commission centrale d'aide sociale a commis une erreur de droit.

7. Toutefois, aux termes de l'article 2262 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile : " Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans (...) ". En outre, le point de départ de la prescription de l'action en récupération de l'indu devait être reporté à la date où l'administration avait eu connaissance de la fraude commise par l'allocataire. La loi du 17 juin 2008 a réduit la durée de la prescription civile de droit commun pour prévoir, à l'article 2224 du code civil, que : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ". Aux termes du premier alinéa de l'article 2232 de ce code, dans sa rédaction issue de la même loi : " Le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit ". Enfin, aux termes du II de l'article 26 de la loi du 17 juin 2008 : " Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ".

8. Il résulte des dispositions citées au point 7 que la créance que le département du Nord détenait sur MmeA..., du fait de la perception indue de l'allocation de revenu minimum d'insertion à compter du 1er juin 2004, n'était pas prescrite le 19 juin 2008, lorsqu'est entrée en vigueur la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, par l'effet de sa publication au Journal officiel de la République française du 18 juin 2008. Le délai de prescription de cinq ans prévu par l'article 2224 du code civil a donc commencé de courir à compter de la date de cette entrée en vigueur. Ni ce délai, ni le délai prévu par l'article 2262 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008, ni celui prévu par l'article 2232 du même code dans sa rédaction résultant de cette loi, n'étaient expirés à la date du 13 novembre 2012. Par suite, la créance du département n'était pas prescrite à cette date, lorsque le titre exécutoire en litige a été émis. Ce motif, qui n'implique aucune appréciation des faits de l'espèce et justifie sur ce point le dispositif de la décision attaquée, doit être substitué au motif erroné retenu par la Commission centrale d'aide sociale pour écarter le moyen de Mme A...soutenant que la créance était prescrite.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision de la Commission centrale d'aide sociale qu'elle attaque.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du département du Nord, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de Mme A...est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme B...A...et au département du Nord.


Synthèse
Formation : 1ère et 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 417339
Date de la décision : 29/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 29 mai. 2019, n° 417339
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Thibaut Félix
Rapporteur public ?: M. Charles Touboul
Avocat(s) : SCP CELICE, SOLTNER, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:417339.20190529
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