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27/05/2019 | FRANCE | N°416164

France | France, Conseil d'État, 6ème et 5ème chambres réunies, 27 mai 2019, 416164


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 30 novembre 2017, 13 février 2018 et 20 février et 23 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté son recours gracieux tendant à la réformation, d'une part, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat en tant que, par son article 101, le p

ouvoir réglementaire n'a pas épuisé la compétence qu'il tenait du 1° de l'arti...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 30 novembre 2017, 13 février 2018 et 20 février et 23 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté son recours gracieux tendant à la réformation, d'une part, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat en tant que, par son article 101, le pouvoir réglementaire n'a pas épuisé la compétence qu'il tenait du 1° de l'article 53 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, d'autre part, du décret n° 2015-1841 du 30 décembre 2015 relatif à la délivrance des casiers judiciaires en tant que, par son article 3, codifié à l'article R. 79 du code de procédure pénale, le pouvoir réglementaire n'a pas épuisé la compétence qu'il tenait de l'article 779 du code de procédure pénale ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre de modifier ces dispositions dans un délai de trois mois, sous astreinte de mille euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à la SCP Coutard Munier-Apaire en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

- le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;

- le décret n° 2015-1841 du 30 décembre 2015 ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Coralie Albumazard, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de M.B....

Considérant ce qui suit :

1. La requête de M. B...tend à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision par laquelle le Premier ministre a implicitement rejeté sa demande tendant à ce que soient prises les mesures réglementaires d'application prévues aux articles 53 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques et 779 du code de procédure pénale, en ce qui concerne les conditions dans lesquelles peuvent être délivrés aux conseils de l'ordre des avocats des extraits du casier judiciaire du candidat à l'inscription à leur barreau.

Sur les conclusions relatives à l'article R. 79 du code de procédure pénale :

2. En vertu de l'article 768 du code de procédure pénale, le casier judiciaire national automatisé est tenu sous l'autorité du ministre de la justice et reçoit, en ce qui concerne les personnes nées en France et après contrôle de leur identité au moyen du répertoire national d'identification des personnes physiques, les condamnations, jugements et autres décisions énumérés par cet article. En vertu de l'article 774 du même code, " le relevé intégral des fiches du casier judiciaire applicables à la même personne est porté sur un bulletin appelé bulletin n° 1 ", qui " n'est délivré qu'aux autorités judiciaires ". En vertu de l'article 776 du même code, le bulletin n° 2 du casier judiciaire, qui ne comporte qu'une partie des fiches du casier judiciaire, " est délivré : / (...) 3° Aux administrations et personnes morales dont la liste sera déterminée par décret en Conseil d'Etat prévu à l'article 779, ainsi qu'aux administrations ou organismes chargés par la loi ou le règlement du contrôle de l'exercice d'une activité professionnelle ou sociale lorsque cet exercice fait l'objet de restrictions expressément fondées sur l'existence de condamnations pénales ou de sanctions disciplinaires ". Le bulletin n° 3 du casier judiciaire, qui comporte une sélection plus restreinte des fiches du casier judiciaire, peut, en vertu de l'article 777 du même code, " être réclamé par la personne qu'il concerne " sans " en aucun cas, être délivré à un tiers, sauf s'il s'agit de l'autorité centrale d'un Etat membre de l'Union européenne, saisie par la personne concernée ". Aux termes du premier alinéa de l'article 779 du code de procédure pénale : " Un décret en Conseil d'Etat détermine les mesures nécessaires à l'exécution des articles 768 à 778, et notamment les conditions dans lesquelles doivent être demandés, établis et délivrés les bulletins n° 1, 2 et 3 du casier judiciaire. (...) ".

3. L'article R. 79 du code de procédure pénale précise l'application de l'article 776 cité au point précédent. Dans sa version issue de l'article 3 du décret du 30 décembre 2015 relatif à la délivrance des casiers judiciaires, il dispose que : " (...) le bulletin n° 2 du casier judiciaire est délivré : (...) 10° Aux conseils de l'ordre des médecins, des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et des pharmaciens saisis de demandes d'inscription au tableau ou de poursuites disciplinaires ; / 11° Aux commissions d'inscription sur la liste de commissaires aux comptes ; / 12° Aux commissaires du Gouvernement près les conseils de l'ordre des experts-comptables et comptables agréés saisis de demandes d'inscription ou de poursuites disciplinaires ; (...) ".

4. Il résulte de l'article 776 du code de procédure pénale que le bulletin n° 2 est délivré sur demande, outre aux administrations et personnes morales figurant sur la liste établie à l'article R. 79 du même code, aux administrations ou organismes chargés par la loi ou le règlement du contrôle de l'exercice d'une activité professionnelle ou sociale lorsque cet exercice fait l'objet de restrictions expressément fondées sur l'existence de condamnations pénales ou de sanctions disciplinaires. Les conseils de l'ordre des avocats exerçant le contrôle de l'exercice de la profession d'avocat en vertu de l'article 17 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, ils reçoivent communication, sur leur demande, en application de l'article 776 du code de procédure pénale, du bulletin n° 2 du casier judicaire de la personne sollicitant l'inscription au tableau de l'ordre des avocats, sans qu'il soit nécessaire de compléter l'article R. 79 du code de procédure pénale sur ce point. Il résulte par ailleurs des dispositions de l'article 774 du même code que, contrairement à ce qui est soutenu, ces conseils ne peuvent se faire délivrer le bulletin n° 1 du casier judiciaire, réservé aux autorités judicaires. Il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré de ce que le pouvoir réglementaire n'aurait pas épuisé la compétence qu'il tient de l'article 776 du code de procédure pénale en s'abstenant de compléter l'article R. 79 de ce même code ne peut être qu'écarté.

Sur les conclusions relatives à l'article 101 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat :

5. L'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques dispose que : " Nul ne peut accéder à la profession d'avocat s'il ne remplit les conditions suivantes : / (...) 4° N'avoir pas été l'auteur de faits ayant donné lieu à condamnation pénale pour agissements contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs ; / 5° N'avoir pas été l'auteur de faits de même nature ayant donné lieu à une sanction disciplinaire ou administrative de destitution, radiation, révocation, de retrait d'agrément ou d'autorisation ; (...) ". L'article 53 du même texte dispose que " Dans le respect de l'indépendance de l'avocat, de l'autonomie des conseils de l'ordre et du caractère libéral de la profession, des décrets en Conseil d'Etat fixent les conditions d'application du présent titre. / Ils présentent notamment : / 1° Les conditions d'accès à la profession d'avocat ainsi que les incompatibilités, les conditions d'inscription au tableau et d'omission du tableau et les conditions d'exercice de la profession dans les cas prévus aux articles 6 à 8-1 (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 101 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat : " La demande d'inscription est adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou remise contre récépissé au bâtonnier. Elle est accompagnée de toutes justifications utiles en ce qui concerne tant les conditions mentionnées à l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 précitée que les obligations définies à l'article 27 de la même loi ".

6. Il résulte de ces dispositions qu'à l'appui de sa demande d'inscription au tableau de l'ordre des avocats, l'intéressé peut fournir toute justification relative à l'honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs, au rang desquelles figure le bulletin n° 3 du casier judiciaire qui ne peut être demandé et donc produit que par la personne qu'il concerne. Il est loisible aux conseils de l'ordre des avocats de préciser les exigences en la matière dans le règlement intérieur qu'ils peuvent édicter en application de l'article 17 de la loi du 31 décembre 1971. Comme il a été dit au point 4, ces conseils peuvent par ailleurs se faire délivrer le bulletin n° 2 du casier judiciaire de l'intéressé. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'article 101 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat aurait dû comporter des précisions sur les conditions dans lesquelles les conseils de l'ordre ont accès aux informations figurant éventuellement dans le casier judiciaire de la personne sollicitant l'inscription au tableau de l'ordre des avocats et qu'il en résulterait, du fait de la carence du pouvoir réglementaire sur ce point, une atteinte aux droits fondamentaux protégés par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale, doit être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite par laquelle le Premier ministre a refusé de compléter les articles 101 du décret du 27 novembre 1991 et R. 79 du code de procédure pénale. Ses conclusions à fin d'injonction doivent, par voie de conséquence, être rejetées, ainsi que ses conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B..., au Premier ministre et à la garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 6ème et 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 416164
Date de la décision : 27/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 mai. 2019, n° 416164
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Coralie Albumazard
Rapporteur public ?: M. Stéphane Hoynck
Avocat(s) : SCP COUTARD, MUNIER-APAIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:416164.20190527
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