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09/05/2019 | FRANCE | N°425586

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 09 mai 2019, 425586


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 novembre 2018 et 18 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat national CGT du ministère des affaires étrangères demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le courrier de la directrice générale de l'administration et de la modernisation du ministère des affaires étrangères du 16 mars 2018 par lequel elle a donné son interprétation des dispositions de l'article 34 du décret n° 86-416 du 12 mars 1986 fixant les conditions et m

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Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 novembre 2018 et 18 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat national CGT du ministère des affaires étrangères demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le courrier de la directrice générale de l'administration et de la modernisation du ministère des affaires étrangères du 16 mars 2018 par lequel elle a donné son interprétation des dispositions de l'article 34 du décret n° 86-416 du 12 mars 1986 fixant les conditions et modalités de prise en charge par l'Etat des frais de voyage et de changement de résidence à l'étranger ou entre la France et l'étranger des agents civils de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif ;

2°) d'enjoindre à l'autorité administrative d'abroger cette interprétation dans un délai de 15 jours ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le décret n° 86-416 du 12 mars 1986 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Domingo, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du Syndicat National CGT du ministère des affaires étrangères ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier en date du 21 février 2018, le syndicat national CGT du ministère des affaires étrangères a demandé à la directrice générale de l'administration et de la modernisation de ce ministère de ne plus appliquer aux agents qui sont mutés à l'issue de la durée de leur affectation à l'étranger les dispositions du deuxième alinéa de l'article 34 du décret du 12 mars 1986 fixant les conditions et modalités de prise en charge par l'Etat des frais de voyage et de résidence à l'étranger ou entre la France et l'étranger des agents civils de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif, selon lesquelles un agent muté à sa demande doit rembourser à l'Etat les frais de voyage pris en charge à l'occasion de ses congés annuels s'il n'a pas accompli au moins cinq mois de services après la date de retour de son dernier voyage de congés. En réponse à cette demande, la directrice générale de l'administration et de la modernisation du ministère des affaires étrangères a indiqué au syndicat, par un courrier du 16 mars 2018, que les agents qui ont formulé des voeux de nouvelle affectation à l'issue de leur temps de séjour sont considérés comme étant mutés à leur demande et relèvent ainsi des dispositions du deuxième alinéa de l'article 34 du décret du 12 mars 1986. Le syndicat national CGT du ministère des affaires étrangères demande l'annulation pour excès de pouvoir de cette lettre.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'Europe et des affaires étrangères :

2. Par le courrier attaqué du 16 mars 2018, la directrice générale de l'administration et de la modernisation du ministère des affaires étrangères a fait connaître la portée qu'il convient, selon l'administration, de donner aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 34 du décret du 12 mars 1986. Les énonciations de ce courrier revêtent un caractère impératif. Il en résulte que, contrairement à ce que soutient le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, le courrier du 16 mars 2018 présente le caractère d'un acte faisant grief. Le syndicat national CGT du ministère des affaires étrangères est, par suite, recevable à en demander l'annulation au juge de l'excès de pouvoir.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. L'article 34 du décret du 12 mars 1986 fixant les modalités de prise en charge par l'Etat des frais de voyage des agents civils expatriés dispose que : " L'agent en poste à l'étranger autorisé à prendre un congé annuel bénéficie, à l'issue d'un temps de séjour fixé par arrêté conjoint du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé du budget, de la prise en charge par l'administration de ses frais de voyage et de ceux de sa famille. Cette prise en charge s'effectue, dans les conditions prévues au titre VI du présent décret, entre sa résidence à l'étranger et sa résidence en France ou, à défaut, entre sa résidence à l'étranger et sa résidence habituelle ou familiale dans un autre Etat membre de la Communauté européenne ou de l'Espace économique européen. / L'agent muté à sa demande et n'ayant pas accompli, à l'issue d'un congé annuel ayant donné lieu à prise en charge des frais de voyage, cinq mois de services dans l'une des situations mentionnées à l'article 17 du décret du 28 mars 1967 susvisé et à l'article 9 du décret du 4 janvier 2002 précité rembourse à l'administration le montant de la dernière prise en charge dont il a bénéficié à l'occasion de ses congés annuels. Les périodes de congés annuels ne sont pas prises en compte pour le décompte des cinq mois de services ".

4. Il ressort des termes mêmes du deuxième alinéa de l'article 34 du décret du 12 mars 1986 que la règle qu'il prévoit, selon laquelle l'agent n'ayant pas accompli, à l'issue d'un congé annuel ayant donné lieu à prise en charge des frais de voyage, au moins cinq mois de services, rembourse à l'administration le montant de la dernière prise en charge dont il a bénéficié à l'occasion de ses congés annuels, n'est susceptible d'être appliquée qu'aux seuls agents mutés à leur demande.

5. Il ressort des pièces du dossier que les agents du ministère des affaires étrangères sont affectés à l'étranger pour un temps de séjour limité, qui n'est en principe pas renouvelé. Ne peuvent être regardés comme mutés à leur demande, au sens des dispositions de l'article 34 du décret du 12 mars 1986, les agents en poste à l'étranger qui, à l'issue de la durée de séjour prévue par leur " contrat d'affectation ", formulent, le cas échéant après avoir vainement sollicité la prolongation de leur affectation, une demande d'affectation dans un nouveau poste. Par suite, en énonçant, par le courrier attaqué, que les agents qui ont formulé des voeux de nouvelle affectation à l'issue de leur temps de séjour sont considérés comme étant mutés à leur demande, la directrice générale de l'administration et de la modernisation du ministère des affaires étrangères a méconnu la portée des dispositions du deuxième alinéa de l'article 34 du décret du 12 mars 1986.

6. Il résulte de ce qui précède que le syndicat requérant est fondé à demander l'annulation du courrier du 16 mars 2018 qu'il attaque.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. La présente décision, qui annule la décision attaquée, n'implique pas que l'administration prenne une décision de portée générale à titre de mesure d'exécution. Par suite, et en tout état de cause, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre d'abroger l'interprétation litigieuse, présentées par le syndicat national CGT du ministère des affaires étrangères, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge l'Etat la somme de 3 000 euros à verser au syndicat national CGT du ministère des affaires étrangères, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Le courrier de la directrice générale de l'administration et de la modernisation du ministère des affaires étrangères du 16 mars 2018 est annulé.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros syndicat national CGT du ministère des affaires étrangères au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au syndicat national CGT du ministère des affaires étrangères et au ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Copie en sera adressée au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 425586
Date de la décision : 09/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 09 mai. 2019, n° 425586
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent Domingo
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:425586.20190509
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