La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/05/2019 | FRANCE | N°422046

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 09 mai 2019, 422046


Vu la procédure suivante :

La société Chemkostav HSV a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de son exercice clos en 2010 ainsi que des pénalités correspondantes, des retenues à la source auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, des cotisations de taxe d'apprentissage, de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue et de participation des em

ployeurs à l'effort de construction mises à sa charge au titre des année...

Vu la procédure suivante :

La société Chemkostav HSV a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de son exercice clos en 2010 ainsi que des pénalités correspondantes, des retenues à la source auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, des cotisations de taxe d'apprentissage, de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue et de participation des employeurs à l'effort de construction mises à sa charge au titre des années 2010 à 2012, des impositions supplémentaires de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises mises à sa charge au titre des années 2010 et 2011, et des rappels de TVA auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011.

Par un jugement nos 1203915, 1402574 du 29 mars 2016, le tribunal administratif a fait droit à ses demandes en ce qu'elles concernaient les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de retenue à la source, et rejeté le surplus de ses conclusions.

Par un arrêt n° 16LY02023 du 6 mars 2018, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel du ministre de l'action et des comptes publics, annulé l'article 2 de ce jugement, en tant qu'il concernait les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de retenue à la source, remis les impositions et pénalités correspondantes à la charge de la société et rejeté l'appel incident de cette dernière.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 juillet et 4 octobre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Chemkostav HSV demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du ministre ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention entre la France et la Tchécoslovaquie tendant à éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur les revenus du 1er juin 1973 ;

- l'accord sous forme d'échange de lettres entre la France et la Slovaquie relatif à la succession en matière de traités conclus entre la France et la Tchécoslovaquie signées les 24 juin et 7 août 1996 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Charles-Emmanuel Airy, auditeur,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la société Chemkostav HSV ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Chemkostav HSV, société de droit slovaque exerçant une activité de " bâtiments, travaux publics ", a fait l'objet d'un contrôle sur pièces et d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 à l'issue desquels l'administration a estimé qu'elle disposait en France d'un établissement stable et l'a, en conséquence, assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2010 et aux pénalités correspondantes, à des retenues à la source au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, à des cotisations de taxe d'apprentissage, de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue et de participation des employeurs à l'effort de construction au titre des années 2010 à 2012, à des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des années 2010 et 2011 et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011. Par un jugement du 29 mars 2016, le tribunal administratif de Grenoble a accordé à cette société la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de retenue à la source, et a rejeté le surplus de ses conclusions. Elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 6 mars 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel du ministre de l'action et des comptes publics, annulé ce jugement en tant qu'il avait statué sur les cotisations d'impôt sur les sociétés et de retenues à la source et remis ces impositions à sa charge.

2. Aux termes de l'article 7 de la convention fiscale franco-tchécoslovaque du 1er juin 1973 tendant à éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur les revenus, applicable aux relations entre la France et la Slovaquie en vertu de l'accord conclu sous forme d'échange de lettres relatif à la succession en matière de traités entre la France et la Tchécoslovaquie signées les 24 juin et 7 août 1996 : " 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable ". L'article 5 de cette convention stipule : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression "établissement stable" désigne une installation fixe d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. (...) / 3. On ne considère pas qu'il y a établissement si : (...) f) L'activité de l'entreprise consiste en un chantier de construction ou de montage ".

3. Les stipulations de la convention fiscale franco-tchécoslovaque doivent être interprétées conformément au sens ordinaire à attribuer à leurs termes, dans leur contexte et à la lumière de leur objet et de leur but. Il résulte des termes mêmes des stipulations du f) du 3 de l'article 5 de cette convention, qui ont pour objet de définir la notion d'établissement stable afin de répartir le droit d'imposer les bénéfices des entreprises dans le but d'éviter les doubles impositions, que les parties signataires ont entendu exclure l'existence d'un établissement stable lorsqu'une entreprise résidente d'un Etat contractant n'exerce, dans l'autre Etat contractant, qu'une activité de chantier de construction ou de montage.

4. Il en résulte qu'en jugeant que ces stipulations devaient être interprétées comme subordonnant l'absence d'établissement stable à la condition que l'activité de l'entreprise se limite à un unique chantier de construction ou de montage, pour en déduire que la société Chemkostav HSV, au seul motif qu'elle exerçait son activité de construction dans le cadre de divers chantiers, disposait d'un établissement stable en France, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'erreur de droit.

5. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la société Chemkostav HSV est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il a statué sur ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôts sur les sociétés et de retenue à la source mises à sa charge.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Chemkostav HSV, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 6 mars 2018 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de la société Chemkostav HSV tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôts sur les sociétés et de retenue à la source mises à sa charge.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure de la cassation prononcée, à la cour administrative d'appel de Lyon.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à la société Chemkostav HSV au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Chemkostav HSV et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 422046
Date de la décision : 09/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 09 mai. 2019, n° 422046
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Charles-Emmanuel Airy
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:422046.20190509
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award