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24/04/2019 | FRANCE | N°419910

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 24 avril 2019, 419910


Vu la procédure suivante :

La commune de Six-Fours-les-Plages a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 12 décembre 2012 et du 29 avril 2013 par lesquelles le président du Centre national du cinéma et de l'image animée a refusé de lui accorder une subvention d'aide à la création et à la modernisation de salles en zone insuffisamment équipée, pour l'ouverture d'un complexe de trois salles de cinéma.

Par une ordonnance du 3 décembre 2013, le président de la 5ème section du tribunal administratif de Paris a renvoy

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Vu la procédure suivante :

La commune de Six-Fours-les-Plages a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 12 décembre 2012 et du 29 avril 2013 par lesquelles le président du Centre national du cinéma et de l'image animée a refusé de lui accorder une subvention d'aide à la création et à la modernisation de salles en zone insuffisamment équipée, pour l'ouverture d'un complexe de trois salles de cinéma.

Par une ordonnance du 3 décembre 2013, le président de la 5ème section du tribunal administratif de Paris a renvoyé au tribunal administratif de Toulon, par application des dispositions de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, la requête enregistrée à son greffe le 29 juin 2013. Par un jugement n° 1303471 du 25 mars 2016, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 16MA01773 du 19 février 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de la commune de Six-Fours-les-Plages, annulé ce jugement ainsi que les décisions litigieuses et enjoint au président du Centre national du cinéma et de l'image animée de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 avril 2018, 17 juillet 2018 et 1er février 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Centre national du cinéma et de l'image animée demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la commune de Six-Fours-les-Plages ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Six-Fours-les-Plages la somme de 4000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le décret n° 98-750 du 24 août 1998 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Richard Senghor, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Anne Iljic, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du Centre national du cinéma et de l'image animée et à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la commune de Six-Fours-les-Plages ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le président du Centre National du Cinéma et de l'Image Animée (CNC) a refusé de faire droit, par une décision du 12 décembre 2012 confirmée le 29 avril 2013, à la demande de la commune de Six-Fours-les-Plages tendant à l'octroi d'une subvention à la création et à la modernisation de salles en zone insuffisamment équipée, en vue de contribuer au financement de la création d'un complexe de trois salles de cinéma offrant quatre cent cinquante places. Par un jugement du 25 mars 2016, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de la commune tendant à l'annulation de ces décisions. Le CNC se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 19 février 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement ainsi que ces décisions et lui a enjoint de procéder au réexamen de la demande de subvention présentée par la commune de Six-Fours-les-Plages.

2. Le décret du 24 août 1998 relatif au soutien financier à la diffusion de certaines oeuvres cinématographiques en salles de spectacles cinématographiques et au soutien financier à la modernisation et à la création des établissements de spectacles cinématographiques prévoit, d'une part, un dispositif de soutien financier automatique susceptible de bénéficier à l'ensemble de ces établissements et, d'autre part, un dispositif de soutien sélectif, sous forme de subventions dont l'attribution est subordonnée à certaines conditions. Aux termes de l'article 19 de ce décret, dans sa version applicable au litige : " Des subventions peuvent être accordées pour la modernisation et la création d'établissements de spectacles cinématographiques implantés dans des zones géographiques dont les agglomérations sont insuffisamment équipées ou dans des agglomérations insuffisamment équipées en établissements de spectacles cinématographiques classés dans les catégories prévues à l'article 4 du décret n° 2002-568 du 22 avril 2002 portant définition et classement des établissements de spectacles cinématographiques d'art et d'essai. (...) /Les décisions relatives à l'octroi de ces subventions sont prises par le président du Centre national du cinéma et de l'image animée, après avis d'une commission dénommée " commission du soutien financier sélectif à l'exploitation cinématographique " dont la composition ainsi que les modalités d'organisation et de fonctionnement sont fixées par arrêté du ministre chargé de la culture ".

3. Il résulte de ces dispositions que l'attribution de subventions au titre du dispositif de soutien sélectif ne constitue pas un droit pour les personnes qui remplissent les conditions définies au premier alinéa de l'article 19 du décret du 24 août 1998. Pour prendre sa décision, il appartient d'abord au président du CNC d'apprécier si le projet de modernisation ou de création en cause se situe dans une zone dont les agglomérations sont insuffisamment équipées, au sens des dispositions précitées, puis, si tel est le cas, de prendre en compte l'intérêt du projet au regard des priorités de l'aménagement culturel du territoire.

4. Alors que le CNC faisait état d'éléments précis et circonstanciés tendant à démontrer que l'agglomération dont relève la commune de Six-Fours-les-Plages n'était pas insuffisamment équipée au sens des dispositions précitées, la cour s'est bornée, pour annuler les décisions litigieuses au motif qu'elles étaient fondées sur un motif erroné, à se référer à deux études de marché sur la rentabilité économique du projet produites par la commune, sans d'ailleurs en préciser le contenu. En statuant ainsi, elle a entaché son arrêt d'insuffisance de motivation.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que le CNC est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond et de statuer sur l'appel de la commune de Six-Fours-les-Plages.

7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que les décisions du 12 décembre 2012 et du 29 avril 2013 ont été prises par le président du CNC, qui était compétent en vertu de l'article 19 du décret du 24 août 1998, dans sa version issue du décret du 1er septembre 2010, applicable au litige, qui n'est pas celle qu'à la suite d'une erreur de plume, le tribunal administratif de Toulon a citée dans son jugement.

8. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le président du CNC se serait cru lié par les avis émis par la commission du soutien financier sélectif à l'exploitation cinématographique.

9. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'agglomération de Toulon, dont relève la commune de Six-Fours-les-Plages au sens et pour l'application des dispositions de l'article 19 du décret du 24 août 1998, disposait, à la date des décisions attaquées, d'une offre de plus de huit mille deux cent places de cinéma réparties sur quarante-cinq écrans, ce qui, au regard de sa population et compte tenu des ratios constatés dans d'autres agglomérations, ne permettait pas de la regarder comme insuffisamment équipée au sens des mêmes dispositions. Il s'ensuit que le président du CNC n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en refusant d'attribuer la subvention demandée par la commune de Six-Fours-les-Plages, le seul motif du caractère suffisant de l'équipement cinématographique de l'agglomération étant de nature à justifier le refus attaqué.

10. Il résulte de ce qui précède que la commune de Six-Fours-les-Plages n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

11. Il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Six-Fours-les-Plages la somme de 2 000 euros à verser au CNC au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 19 février 2018 est annulé.

Article 2 : La requête présentée par la commune de Six-Fours-les-Plages devant la cour administrative d'appel de Marseille est rejetée.

Article 3 : La commune de Six-Fours-les-Plages versera une somme de 2 000 euros au Centre national du cinéma et de l'image animée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au Centre national du cinéma et de l'image animée et à la commune de Six-Fours-les-Plages.


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 419910
Date de la décision : 24/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ARTS ET LETTRES - CINÉMA - AIDES SÉLECTIVES AUX ÉTABLISSEMENTS DE SPECTACLES CINÉMATOGRAPHIQUES (ART - 19 DU DÉCRET DU 24 AOÛT 1998) - 1) POUVOIR D'APPRÉCIATION DU PRÉSIDENT DU CNC SUR LES DÉCISIONS D'ATTRIBUTION - 2) CONTRÔLE RESTREINT DU JUGE DE L'EXCÈS DE POUVOIR SUR LES REFUS D'ATTRIBUTION.

09-05 1) Il résulte des dispositions de l'article 19 du décret n° 98-750 du 24 août 1998 que l'attribution de subventions au titre du dispositif de soutien sélectif ne constitue pas un droit pour les personnes qui remplissent les conditions définies au premier alinéa de cet article. Pour prendre sa décision, il appartient d'abord au président du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) d'apprécier si le projet de modernisation ou de création en cause se situe dans une zone dont les agglomérations sont insuffisamment équipées, au sens de ces dispositions, puis, si tel est le cas, de prendre en compte l'intérêt du projet au regard des priorités de l'aménagement culturel du territoire.,,,2) Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle restreint à l'erreur manifeste d'appréciation sur le refus du président du CNC d'attribuer la subvention prévue à l'article 19 du décret du 24 août 1998.

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - CONTRÔLE DU JUGE DE L'EXCÈS DE POUVOIR - APPRÉCIATIONS SOUMISES À UN CONTRÔLE RESTREINT - REFUS DU PRÉSIDENT DU CNC D'ATTRIBUER LA SUBVENTION PRÉVUE POUR LES ÉTABLISSEMENTS DE SPECTACLES CINÉMATOGRAPHIQUES (ART - 19 DU DÉCRET DU 24 AOÛT 1998).

54-07-02-04 Le juge administratif exerce un contrôle restreint à l'erreur manifeste d'appréciation sur le refus du président du Centre du cinéma et de l'image animée (CNC) d'attribuer la subvention prévue à l'article 19 du décret n° 98-750 du 24 août 1998, au titre du dispositif de soutien sélectif.


Publications
Proposition de citation : CE, 24 avr. 2019, n° 419910
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Richard Senghor
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:419910.20190424
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