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16/04/2019 | FRANCE | N°423643

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 16 avril 2019, 423643


Vu la procédure suivante :

La société Fauba France a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 18 838 000 euros, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à raison de fautes commises par la juridiction administrative. Par un jugement n° 1103591 du 16 avril 2015, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15VE01967 du 25 juin 2018, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Fauba France

contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enre...

Vu la procédure suivante :

La société Fauba France a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 18 838 000 euros, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à raison de fautes commises par la juridiction administrative. Par un jugement n° 1103591 du 16 avril 2015, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15VE01967 du 25 juin 2018, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Fauba France contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 août et 27 novembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Fauba France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Domingo, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de la société Fauba France ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 5 avril 2019, présentée pour la société Fauba France ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Fauba France a demandé au garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre du budget de l'indemniser du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison de la violation manifeste du droit de l'Union européenne dont serait entachée la décision nos 273619 et 273620 du 27 juillet 2005 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a rejeté son pourvoi dirigé contre un arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 8 octobre 2004 confirmant le refus de l'administration fiscale de lui accorder le bénéfice de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue par les dispositions du 1° du I de l'article 262 ter du code général des impôts à raison de livraisons de biens expédiés ou transportés sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne au titre de périodes allant du 1er janvier 1994 au 30 juin 1998. Après rejet implicite de sa demande, la société Fauba France a saisi le tribunal administratif de Versailles d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat, à hauteur d'une somme de 18 838 000 euros assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts. Ce tribunal a rejeté sa demande par un jugement du 16 avril 2015. La cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel de la société Fauba France par un arrêt du 25 juin 2018. La société Fauba France se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

2. En vertu des principes généraux régissant la responsabilité de la puissance publique, une faute lourde commise dans l'exercice de la fonction juridictionnelle par une juridiction administrative est susceptible d'ouvrir droit à indemnité. Si l'autorité qui s'attache à la chose jugée s'oppose à la mise en jeu de cette responsabilité dans les cas où la faute lourde alléguée résulterait du contenu même de la décision juridictionnelle et où cette décision serait devenue définitive, la responsabilité de l'Etat peut cependant être engagée dans le cas où le contenu de la décision juridictionnelle est entaché d'une violation manifeste du droit de l'Union européenne ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.

3. Par un arrêt du 8 octobre 1994, la cour administrative de Paris a jugé que la société Fauba France n'était pas fondée à se prévaloir du bénéfice de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue par les dispositions du 1° du I de l'article 262 ter du code général des impôts à raison d'une partie des livraisons intracommunautaires de biens qu'elle alléguait avoir effectuées, au motif que la réalité de la livraison des marchandises en cause dans un autre Etat membre de l'Union européenne n'était pas établie.

4. Saisi d'un pourvoi en cassation contre cet arrêt, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, par sa décision du 27 juillet 2005, en premier lieu, précisé que si, pour l'application de l'article 28 quater de la sixième directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 et de l'article 262 ter du code général des impôts, un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée disposant de justificatifs de l'expédition des biens à destination d'un autre Etat membre et du numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée de l'acquéreur devait être présumé avoir effectué une livraison intracommunautaire exonérée, cette présomption ne faisait pas obstacle à ce que l'administration fiscale puisse établir que les livraisons en cause n'avaient pas eu lieu, en faisant notamment valoir que des livraisons, répétées et portant sur des montants importants, avaient eu pour destinataires présumés des personnes dépourvues d'activité réelle.

5. En second lieu, après avoir relevé que la cour administrative d'appel s'était fondée, pour juger que la réalité des livraisons répétées et importantes à raison desquelles la société requérante prétendait au bénéfice de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée ne résultait pas de l'instruction, sur des indices révélant l'absence d'activité des sociétés clientes, qui n'étaient pas efficacement combattus par les documents produits par la société requérante, le Conseil d'Etat a jugé qu'en retenant, au nombre de ces indices, l'absence de comptabilité des sociétés clientes ou le défaut de respect de leurs obligations comptables et fiscales dans leur pays, la cour administrative d'appel n'avait pas ajouté aux conditions subordonnant le bénéfice de l'exonération une exigence de preuve ou de garantie par le vendeur du respect par l'acquéreur de ses propres obligations déclaratives.

6. En statuant ainsi sur l'argumentation qui lui était soumise, qui était relative aux modalités de preuve de la réalité de l'activité des sociétés à destination desquelles des livraisons intracommunautaires étaient effectuées par la requérante et, partant, de la réalité de ces livraisons, le Conseil d'Etat n'a pas exclu, contrairement à ce qui est soutenu, que le vendeur puisse faire valoir que, compte tenu des circonstances dans lesquelles ces livraisons étaient effectuées, il était de bonne foi et qu'il ignorait et ne pouvait savoir que le destinataire présumé de l'expédition ou du transport n'avait pas d'activité réelle.

7. Ainsi, en relevant que la décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux du 27 juillet 2005 n'avait ni explicitement, ni implicitement exclu que l'assujetti produise devant le juge de l'impôt, comme la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne implique que cette faculté lui soit reconnue, les pièces de nature à justifier qu'il avait pris toutes les dispositions raisonnables en vue de s'assurer que la livraison intracommunautaire effectuée ne le conduisait pas à participer à une fraude, la cour administrative d'appel de Versailles n'en a pas dénaturé les termes, ni la portée. En en déduisant que cette décision n'était pas constitutive d'une violation manifeste du droit de l'Union européenne de nature à engager la responsabilité de l'Etat, la cour, qui, en tout état de cause, contrairement à ce que soutient la société Fauba France, ne s'est pas référée, pour apprécier l'existence d'une telle violation, à l'état du droit à la date du 27 juillet 2005 mais a pris en considération l'état du droit à la date à laquelle elle s'est prononcée, résultant notamment des arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes du 12 janvier 2006, Optigen Ltd, Fulcrum Electronics Ltd et Bond House Systems Ldt, C-354/03, C-355/03 et C-484/03 et du 27 septembre 2007, Téléos plc et autres, C-409/04, n'a pas commis d'erreur de droit, ni d'erreur de qualification juridique des faits. Elle n'a pas non plus commis d'erreur de droit ni inexactement qualifié les faits de l'espèce en jugeant, par voie de conséquence, que le Conseil d'Etat, statuant au contentieux n'avait pas, par sa décision du 27 juillet 2005, méconnu les règles gouvernant la procédure de renvoi préjudiciel.

8. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la société Fauba France doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société Fauba France est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Fauba France, au garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 423643
Date de la décision : 16/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 16 avr. 2019, n° 423643
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent Domingo
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : SCP CELICE, SOLTNER, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:423643.20190416
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