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01/04/2019 | FRANCE | N°421160

France | France, Conseil d'État, 1ère et 4ème chambres réunies, 01 avril 2019, 421160


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 1er juin 2018 et le 11 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association des paralysés de France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision rejetant sa demande, formée le 6 mars 2018, tendant à l'abrogation des dispositions de la circulaire du directeur des politiques familiale et sociale de la Caisse nationale des allocations familiales n° 2010-013 du 17 novembre 2010 relative au suivi législatif "Allocation aux adultes handic

apés" portant sur la prise en compte des frais professionnels, en tant qu...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 1er juin 2018 et le 11 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association des paralysés de France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision rejetant sa demande, formée le 6 mars 2018, tendant à l'abrogation des dispositions de la circulaire du directeur des politiques familiale et sociale de la Caisse nationale des allocations familiales n° 2010-013 du 17 novembre 2010 relative au suivi législatif "Allocation aux adultes handicapés" portant sur la prise en compte des frais professionnels, en tant qu'elles imposent l'application d'un forfait de 10 %, ainsi que ces dispositions ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code général des impôts ;

- le décret n° 2010-1403 du 12 novembre 2010 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la Caisse nationale des allocations familiales.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que l'Association des paralysés de France a demandé au président et au directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales, par un courrier du 6 mars 2018, de supprimer de la circulaire relative au suivi législatif de l'allocation aux adultes handicapés, adressée le 17 novembre 2010 par le directeur des politiques familiale et sociale de la Caisse nationale aux directeurs et agents comptables des caisses d'allocations familiales, les mentions prévoyant l'application systématique d'un abattement de 10 %, sans possibilité de déduction des frais réels du revenu brut, pour le calcul des droits des demandeurs ou des bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés qui tirent des rémunérations d'une activité professionnelle en milieu ordinaire de travail ou dont les ressources demeurent.temporairement appréciées selon les mêmes modalités Par la présente requête, l'Association des paralysés de France doit être regardée comme demandant au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet de sa demande tendant à l'abrogation de ces dispositions de la circulaire.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 821-3 du code de la sécurité sociale : " L'allocation aux adultes handicapés peut se cumuler avec les ressources personnelles de l'intéressé et, s'il y a lieu, de son conjoint, concubin ou partenaire d'un pacte civil de solidarité dans la limite d'un plafond fixé par décret, qui varie selon qu'il est marié, concubin ou partenaire d'un pacte civil de solidarité et a une ou plusieurs personnes à sa charge ". Pour l'application de ces dispositions, l'article R. 821-4-1 du même code précise que la condition de ressources s'apprécie au regard des revenus perçus au cours des trois mois civils précédant la période de droits et que les revenus pris en compte sont, sous certaines réserves, ceux qui sont définis au II de l'article R. 821-4, lequel renvoie aux revenus définis aux articles R. 532-3 à R. 532-7 de ce code. A ce titre, il résulte en particulier de l'article R. 532-3 que les ressources prises en considération s'entendent du total des revenus nets catégoriels retenus pour l'établissement de l'impôt sur le revenu, après certaines déductions qu'il précise. En outre, l'article R. 821-4-2 du code de la sécurité sociale prévoit que lorsqu'un allocataire dont les ressources sont appréciées conformément à l'article R. 821-4-1 cesse de percevoir des revenus d'activité professionnelle, ses ressources demeurent.temporairement appréciées selon les mêmes modalités

3. Or aux termes de l'article 83 du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés : (...) 3° Les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales. / La déduction à effectuer du chef des frais professionnels est calculée forfaitairement en fonction du revenu brut, après défalcation des cotisations, contributions et intérêts mentionnés aux 1° à 2° ter ; elle est fixée à 10 % du montant de ce revenu. (...) Les bénéficiaires de traitements et salaires sont également admis à justifier du montant de leurs frais réels, soit dans la déclaration visée à l'article 170, soit sous forme de réclamation adressée au service des impôts dans le délai prévu aux articles R* 196-1 et R* 196-3 du livre des procédures fiscales.(...) ".

4. Il résulte des dispositions citées aux points 2 et 3 que, pour le calcul des droits des demandeurs ou des bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés tirant des rémunérations d'une activité professionnelle en milieu ordinaire de travail, il convient de prendre en compte les traitements et salaires retenus pour l'établissement de l'impôt sur le revenu, en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales. Cette déduction est fixée soit forfaitairement, après défalcation de certaines cotisations et contributions et de certains intérêts, à 10 % du montant du revenu brut, soit, si les bénéficiaires de traitements et salaires le souhaitent, sur justification du montant de leurs frais réels. La circonstance que la condition de ressources s'apprécie trimestriellement lorsque le demandeur ou le bénéficiaire de l'allocation aux adultes handicapés perçoit des revenus d'activité professionnelle n'est pas de nature à retirer à ce dernier ou à son conjoint la possibilité de choisir, pour la déduction des frais inhérents à la fonction ou à l'emploi, de justifier du montant de ses frais réels. Les dispositions de l'article D. 821-9 du code de la sécurité sociale déterminant l'abattement appliqué aux revenus d'activité professionnelle perçus par le bénéficiaire de l'allocation aux adultes handicapés pour l'application du second alinéa de l'article L. 821-3 du même code, selon lesquelles les rémunérations que l'intéressé tire d'une activité professionnelle en milieu ordinaire de travail sont en partie exclues du montant des ressources servant au calcul de l'allocation, n'y font pas plus obstacle.

5. Il suit de là qu'en prescrivant, par des dispositions impératives à caractère général figurant au paragraphe 622, " ressources trimestrielles " de l'instruction du 17 novembre 2010, l'application systématique d'un abattement de 10 %, sans possibilité de déduction des frais réels du revenu brut, pour le calcul des droits des demandeurs ou des bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés qui tirent des rémunérations d'une activité professionnelle en milieu ordinaire de travail ou dont les ressources demeurent.temporairement appréciées selon les mêmes modalités

6. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, l'Association des paralysés de France est fondée à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales a refusé d'abroger les mentions " Remarque : pas de déduction de frais réels : application systématique d'un abattement de 10 % " dans les tableaux figurant au paragraphe 622 de l'instruction du 17 novembre 2010 relative au suivi législatif de l'allocation aux adultes handicapés.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'a été appelée en la cause que pour produire des observations et n'aurait pas eu, à défaut d'être présent, qualité pour faire tierce opposition à la présente décision.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision implicite par laquelle le directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales a refusé d'abroger les mentions " Remarque : pas de déduction de frais réels : application systématique d'un abattement de 10 % " dans les tableaux figurant au paragraphe 622 de l'instruction n° 2010-013 prise le 17 novembre 2010 par le directeur des politiques familiale et sociale est annulée.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de l'Association des paralysés de France est rejeté.

Article 3: La présente décision sera notifiée à l'Association des paralysés de France et à la Caisse nationale des allocations familiales.

Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé


Synthèse
Formation : 1ère et 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 421160
Date de la décision : 01/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

62-04-07-02 SÉCURITÉ SOCIALE. PRESTATIONS. ALLOCATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE DIVERSES. ALLOCATION AUX ADULTES HANDICAPÉS. - CALCUL DES DROITS - PRISE EN COMPTE DES TRAITEMENTS ET SALAIRES, DÉDUCTION FAITE DES FRAIS PROFESSIONNELS - POSSIBILITÉ D'OPTER POUR UNE DÉDUCTION FORFAITAIRE OU DES FRAIS RÉELS - EXISTENCE.

62-04-07-02 Il résulte du premier alinéa de l'article L. 821-3 du code de la sécurité sociale (CSS), des articles R. 532-3, R. 821-4, R. 821-4-1 et R. 821-4-2 du même code et de l'article 83 du code général des impôts (CGI) que, pour le calcul des droits des demandeurs ou des bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) tirant des rémunérations d'une activité professionnelle en milieu ordinaire de travail, il convient de prendre en compte les traitements et salaires retenus pour l'établissement de l'impôt sur le revenu, en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales. Cette déduction est fixée soit forfaitairement, après défalcation de certaines cotisations et contributions et de certains intérêts, à 10 % du montant du revenu brut, soit, si les bénéficiaires de traitements et salaires le souhaitent, sur justification du montant de leurs frais réels. La circonstance que la condition de ressources s'apprécie trimestriellement lorsque le demandeur ou le bénéficiaire de l'allocation aux adultes handicapés perçoit des revenus d'activité professionnelle n'est pas de nature à retirer à ce dernier ou à son conjoint la possibilité de choisir, pour la déduction des frais inhérents à la fonction ou à l'emploi, de justifier du montant de ses frais réels. L'article D. 821-9 du CSS, déterminant l'abattement appliqué aux revenus d'activité professionnelle perçus par le bénéficiaire de l'AAH pour l'application du second alinéa de l'article L. 821-3 du même code, selon lesquelles les rémunérations que l'intéressé tire d'une activité professionnelle en milieu ordinaire de travail sont en partie exclues du montant des ressources servant au calcul de l'allocation, n'y font pas plus obstacle.


Publications
Proposition de citation : CE, 01 avr. 2019, n° 421160
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Luc Nevache
Rapporteur public ?: M. Charles Touboul
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:421160.20190401
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