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01/04/2019 | FRANCE | N°416800

France | France, Conseil d'État, 1ère et 4ème chambres réunies, 01 avril 2019, 416800


Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés le 22 décembre 2017, les 23 février, 16 juillet et 5 novembre 2018 et le 15 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération des prestataires de santé à domicile, l'Union nationale des prestataires de dispositifs médicaux et l'Union des prestataires de santé à domicile indépendants demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du comité économique des produits de santé (CEPS) du 6 septembre 2017

fixant le tarif et prix limite de vente au public des dispositifs médicaux e...

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés le 22 décembre 2017, les 23 février, 16 juillet et 5 novembre 2018 et le 15 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération des prestataires de santé à domicile, l'Union nationale des prestataires de dispositifs médicaux et l'Union des prestataires de santé à domicile indépendants demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du comité économique des produits de santé (CEPS) du 6 septembre 2017 fixant le tarif et prix limite de vente au public des dispositifs médicaux et prestations associées pour les sièges coquilles de série visés au chapitre 1er, titre I de la liste prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale ;

2°) d'enjoindre au CEPS de fixer un nouveau tarif de responsabilité et un nouveau prix dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge du CEPS la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la Fédération des prestataires de santé à domicile, de l'Union nationale des prestataires de dispositifs médicaux et de l'Union des prestataires de santé à domicile indépendants.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que la commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé a rendu, le 8 septembre 2015, un avis recommandant de modifier les conditions d'inscription des " sièges coquilles de série " sur la liste des produits et prestations prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale. Au vu de cet avis et en application de l'article R. 165-9 du code de la sécurité sociale, a été publié, au Journal officiel de la République française du 2 août 2016, un projet d'avis du comité économique des produits de santé portant sur la modification des tarifs et des prix de ces dispositifs médicaux. La commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé a rendu, le 22 novembre 2016, son avis définitif. A l'issue de la phase contradictoire prévue par l'article R. 165-9 du code, le comité économique des produits de santé a fixé unilatéralement les tarifs et les prix de ces dispositifs par une décision du 6 septembre 2017, dont les fédérations et unions requérantes demandent l'annulation pour excès de pouvoir.

2. En vertu de l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale, le remboursement par l'assurance maladie des dispositifs médicaux à usage individuel et des prestations de services et d'adaptation associées est subordonné à leur inscription sur une liste établie après avis de la commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé de la Haute Autorité de santé. Aux termes de l'article L. 165-2 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " I. (...) Les tarifs de responsabilité des produits ou prestations mentionnés à l'article L. 165-1 inscrits par description générique ou par description générique renforcée sont établis par convention entre un ou plusieurs fabricants ou distributeurs des produits ou prestations répondant à la description générique ou, le cas échéant, une organisation regroupant ces fabricants ou distributeurs et le Comité économique des produits de santé dans les conditions prévues à l'article L. 165-3-3 ou, à défaut, par décision du Comité économique des produits de santé. / La fixation de ce tarif tient compte principalement de l'amélioration éventuelle du service attendu ou rendu, le cas échéant, des résultats de l'évaluation médico-économique des tarifs des produits ou prestations comparables, des volumes de vente prévus ou constatés, des montants remboursés par l'assurance maladie obligatoire prévus ou constatés et des conditions prévisibles et réelles d'utilisation. / II.- Le tarif de responsabilité mentionné au I peut être fixé à un niveau inférieur ou baissé, par convention ou, à défaut, par décision du Comité économique des produits de santé, au regard d'au moins l'un des critères suivants : / 1° L'ancienneté de l'inscription du produit ou de la prestation associée, ou d'un ensemble de produits et de prestations comparables, sur la liste prévue à l'article L. 165-1 ; / (...) / 6° Les volumes de vente prévus ou constatés des produits ou prestations (...) ". Aux termes de l'article L. 165-3 du même code : " Le Comité économique des produits de santé peut fixer par convention ou, à défaut, par décision les prix des produits et prestations mentionnés à l'article L. 165-1. (...) / Lorsque les produits ou prestations mentionnés à l'article L. 165-1 sont inscrits par description générique ou par description générique renforcée, la convention est établie entre un ou plusieurs fabricants ou distributeurs des produits ou prestations répondant à la description générique ou, le cas échéant, une organisation regroupant ces fabricants ou distributeurs et le Comité économique des produits de santé dans les conditions prévues à l'article L. 165-3-3 ou, à défaut, par décision du Comité économique des produits de santé. / Les prix mentionnés au premier alinéa du présent article sont fixés dans les conditions prévues au I de l'article L. 165-2. Ils peuvent être fixés à un niveau inférieur ou baissés dans les conditions prévues au II du même article L. 165-2 ". Il résulte en outre des dispositions de l'article L. 162-17-3 du même code que le comité économique des produits de santé doit mettre en oeuvre, lorsqu'il fixe le tarif de responsabilité ou le prix d'un dispositif médical, les orientations qu'il reçoit des ministres compétents en application de la loi de financement de la sécurité sociale. L'article L. 162-38 du même code prévoit que le comité économique des produits de santé " peut fixer, pour ce qui concerne les produits ou prestations mentionnés à l'article L. 165-1, le prix de cession maximal auquel peut être vendu le produit ou la prestation au distributeur en détail (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 165-9 de ce code : " Lorsque l'initiative de l'inscription ou de la modification des conditions d'inscription de produits ou de prestations est prise par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, les fabricants et les distributeurs de ces produits ou prestations en sont informés par une notification adressée à chacun d'eux ou par un avis publié au Journal officiel. (...) Ils sont également informés par les mêmes voies du tarif et, le cas échéant, du prix envisagés et ils peuvent, dans un délai de trente jours à compter de cette information, faire valoir selon les mêmes modalités leurs observations devant le comité économique des produits de santé ".

3. En premier lieu, la décision attaquée, qui vise les avis de la commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé du 8 septembre 2015 et du 22 novembre 2016, mentionne que le comité économique des produits de santé a décidé de suivre ces avis et, en application des critères d'appréciation définis à l'article L. 165-2 du code de la sécurité sociale, de reconduire globalement le tarif et le prix des dispositifs médicaux concernés, compte tenu notamment de l'appréciation maintenue d'absence d'amélioration du service rendu. Cette décision précise également tenir compte à la fois de l'ancienneté de l'inscription, en 2003, des dispositifs médicaux concernés sur la liste des produits et prestations remboursables, qui aurait été susceptible de justifier une baisse du tarif de responsabilité, et de la modification prévisible des conditions de leur utilisation à compter du 1er janvier 2018. La décision est ainsi, en tout état de cause, suffisamment motivée.

4. En deuxième lieu, le prix de cession maximal prévu à l'article L. 162-38 ne concerne, en application de ce texte, que les ventes au distributeur en détail. Dès lors, en fixant, par la décision attaquée, un " prix limite de vente au public " des sièges coquilles et des sièges modulables et évolutifs de série, le comité économique des produits de santé ne peut avoir fixé un prix de cession maximal mais doit être regardé, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, comme ayant fixé le prix prévu à l'article L. 165-3 du code de la sécurité sociale.

5. En troisième lieu, il résulte des dispositions mentionnées au point 2 que, lorsqu'il modifie le tarif de responsabilité ou le prix de vente d'un dispositif médical pour tenir compte de la modification de ses conditions d'inscription sur la liste des produits et prestations remboursables, le comité économique des produits de santé prend en considération principalement l'amélioration éventuelle du service rendu, les volumes de vente prévus ou constatés, les montants remboursés par l'assurance maladie obligatoire prévus ou constatés et les conditions prévisibles et réelles d'utilisation du dispositif, en tenant compte, le cas échéant, de l'ancienneté de l'inscription du produit ou de la prestation associée sur la liste prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale.

6. Il ressort des pièces du dossier que, d'une part, les " sièges coquilles de série " sont inscrits sur la liste des produits et prestations remboursables depuis 2003, sans que leur tarif de responsabilité et leur prix aient été modifiés depuis cette date, alors que le nombre de sièges remboursés par l'assurance maladie est passé d'environ 20 000 en 2006 à 110 000 en 2016. D'autre part, les modifications des modalités de prise en charge envisagées par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, portées à la connaissance des fabricants et distributeurs de ces dispositifs par les avis publiés au Journal officiel de la République française des 22 juin et 2 août 2016 et par l'avis de la commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé du 22 novembre 2016, comprennent de nouvelles indications de prise en charge et conditions de prescriptions médicales devant conduire à une diminution, estimée à 90 %, des volumes de vente. Elles comprennent également l'obligation de respecter des spécifications nouvelles tenant au matériau utilisé pour la prévention des escarres et celle d'assurer une prestation supplémentaire de révision gratuite du siège un an après sa mise en service ainsi que la disponibilité et le remplacement de toute pièce constituant le " siège coquille " pendant une période de cinq ans à partir de la date de sa mise en service, excédant ainsi le délai de deux ans couvert par la garantie légale de conformité. Par la décision attaquée, le comité économique des produits de santé a maintenu à leur niveau antérieur le tarif de responsabilité et le prix du " siège de série, siège modulable et évolutif, tout modèle et adjonction " et des accessoires " pied support télescopique ", " tablette amovible " et " repose-pieds réglable " et intégré au tarif et au prix du " siège de série, siège coquille ", désormais systématiquement équipé d'un repose-pieds réglable et de roues pivotantes, les tarifs et prix antérieurs de ces équipements. Si la décision attaquée mentionne une augmentation tarifaire pour le siège coquille de série, il n'en résulte pas que le comité économique des produits de santé ait ignoré la consistance de cette augmentation, liée à l'inclusion dans le prix d'accessoires devenus obligatoires, et se soit ainsi fondé sur des faits matériellement inexacts. Eu égard à l'absence d'amélioration du service rendu par ces dispositifs à équipement constant, ainsi qu'à l'ancienneté de leur inscription sur la liste des produits et prestations remboursables, qui aurait pu fonder une baisse de leur tarif et de leur prix, le comité économique des produits de santé n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en maintenant les niveaux de tarif et de prix indiqués en dépit de la diminution des volumes de vente prévue et des surcoûts occasionnés par les nouvelles exigences liées à la modification de leurs modalités de prise en charge.

7. Il résulte de tout ce qui précède que les fédération et unions requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation de la décision qu'elles attaquent. Leurs conclusions à fins d'injonction ne peuvent, par suite, qu'être également rejetées.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la Fédération des prestataires de santé à domicile, de l'Union nationale des prestataires de dispositifs médicaux et de l'Union des prestataires de santé à domicile indépendants est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée, pour l'ensemble des requérantes, à la Fédération des prestataires de santé à domicile, première dénommée, et au comité économique des produits de santé.

Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 01 avr. 2019, n° 416800
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Luc Nevache
Rapporteur public ?: M. Charles Touboul
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Formation : 1ère et 4ème chambres réunies
Date de la décision : 01/04/2019
Date de l'import : 16/04/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 416800
Numéro NOR : CETATEXT000038327816 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2019-04-01;416800 ?
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