Vu la procédure suivante :
La société Viagogo Entertainment Inc., à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 novembre 2017 par laquelle le directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes lui a enjoint, sur le fondement des articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de la consommation, de se mettre en conformité avec les dispositions de ce code dans un délai d'un mois et a assorti ces injonctions d'une publication sur différents sites, a produit un mémoire, enregistré le 26 avril 2018 au greffe du tribunal administratif de Paris, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-167 du 7 novembre 1958, par lequel elle soulève une question prioritaire de constitutionnalité.
Par une ordonnance n° 1804361/2-1 du 13 décembre 2018, enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Paris, avant qu'il soit statué sur la demande de la société Viagogo Entertainment Inc., a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 1er de la loi du 27 juin 1919 portant répression du trafic des billets de théâtre.
Par la question prioritaire de constitutionnalité transmise et par un mémoire enregistré le 31 janvier 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Viagogo Entertainment Inc. soutient que l'article 1er de la loi du 27 juin 1919, applicable au litige, méconnaît les principes de nécessité et de légalité des délits et des peines garantis par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ainsi que l'objectif à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi et porte une atteinte excessive à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle garanties par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- la loi du 27 juin 1919 portant répression du trafic des billets de théâtre ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Paul-François Schira, auditeur,
- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la société Viagogo Entertainment Inc. ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 20 février 2019, présentée par la société Viagogo Entertainment Inc. ;
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. Aux termes de l'article 1er de la loi du 27 juin 1919 portant répression du trafic des billets de théâtre : " Toute personne convaincue d'avoir vendu ou cédé, d'avoir tenté de vendre ou céder, à un prix supérieur à celui fixé et affiché dans les théâtres et concerts subventionnés ou avantagés d'une façon quelconque par l'Etat, les départements ou les communes, ou moyennant une prime quelconque, des billets pris au bureau de location ou de vente desdits théâtres ou concerts, sera punie d'une amende (...) ". Ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires préalables à l'adoption de la loi, ont pour objet de garantir le bon emploi des deniers publics ainsi que l'accès du plus grand nombre aux manifestations culturelles qui, prenant la forme de pièces de théâtres et de concerts, bénéficient d'aides publiques. Elles permettent de lutter contre l'organisation d'une augmentation artificielle des prix des titres d'accès à de telles manifestations en interdisant leur cession à un prix supérieur à celui fixé par les organisateurs.
3. En premier lieu, il résulte des termes mêmes de l'article critiqué que l'interdiction, qui est formulée de façon suffisamment claire et précise, ne vise pas seulement, contrairement à ce que soutient la société requérante, le respect des cahiers des charges des théâtres nationaux réglementant le tarif des billets, mais renvoie aux prix affichés dans les théâtres pour tous les spectacles et concerts bénéficiant d'aides publiques. En dépit de la généralisation du soutien public à la culture, de l'absence de liste des spectacles subventionnés et de l'évolution des pratiques d'organisation de la billetterie, une telle interdiction, qui s'applique à une opération de vente de billets devant en tout état de cause recueillir l'accord du propriétaire des droits d'exploitation du spectacle en vertu de l'article 313-6-2 du code pénal, conserve un objet et n'est pas manifestement inappropriée à l'objectif qu'elle poursuit. Les griefs tirés de ce que ces dispositions méconnaîtraient l'objectif à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi et les principes de nécessité et de légalité des délits et des peines découlant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ne présentent pas un caractère sérieux.
4. En second lieu, il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi. Compte tenu des objectifs d'intérêt général poursuivis par les dispositions critiquées et de ce que la revente des billets n'est réprimée par ces dispositions que pour autant que, d'une part, elle concerne des spectacles et concerts bénéficiant d'aides publiques et, d'autre part, elle donne lieu au versement d'un prix supérieur à leur valeur faciale, sans limiter la faculté laissée aux organisateurs de ces spectacles de confier à des tiers la vente des billets, le cas échéant moyennant rémunération, le grief tiré de ce que les dispositions de l'article 1er de la loi du 27 juin 1919 porteraient une atteinte excessive à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle ne peut être regardé comme sérieux.
5. Il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas de caractère sérieux. Il n'y a donc pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Viagogo Entertainment Inc..
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Viagogo Entertainment Inc. et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre, au ministre de la culture et au tribunal administratif de Paris.