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07/03/2019 | FRANCE | N°421688

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 07 mars 2019, 421688


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 22 juin, 26 juillet et 22 novembre 2018 et le 22 janvier 2019 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, la société par actions simplifiée (SAS) Zimmer Biomet France Holdings demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les paragraphes n°s 70 et 160 des commentaires administratifs publiés le 29 mars 2013 au Bulletin officiel des finances publiques - Impôts sous la référence BOI-IS-BASE-35-30-10 ;

2°) de mett

re à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 22 juin, 26 juillet et 22 novembre 2018 et le 22 janvier 2019 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, la société par actions simplifiée (SAS) Zimmer Biomet France Holdings demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les paragraphes n°s 70 et 160 des commentaires administratifs publiés le 29 mars 2013 au Bulletin officiel des finances publiques - Impôts sous la référence BOI-IS-BASE-35-30-10 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment ses articles 61-1 et 62 ;

- le traité sur fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code général des impôts ;

- la décision du 19 septembre 2018 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Zimmer Biomet France Holdings SAS ;

- la décision n° 2018-748 QPC du 30 novembre 2018 par laquelle le Conseil constitutionnel a statué sur cette question prioritaire de constitutionnalité ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Domingo, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du IX de l'article 209 du code général des impôts, dans sa version résultant de l'article 40 de la loi du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 : " 1. Les charges financières afférentes à l'acquisition des titres de participation mentionnés au troisième alinéa du a quinquies du I de l'article 219 sont rapportées au bénéfice de l'exercice lorsque l'entreprise n'est pas en mesure de démontrer par tous moyens, au titre de l'exercice ou des exercices couvrant une période de douze mois à compter de la date d'acquisition des titres ou, pour les titres acquis au cours d'un exercice ouvert avant le 1er janvier 2012, du premier exercice ouvert après cette date, que les décisions relatives à ces titres sont effectivement prises par elle ou par une société établie en France la contrôlant au sens du I de l'article L. 233-3 du code de commerce ou par une société établie en France directement contrôlée par cette dernière au sens du même article L. 233-3 et, lorsque le contrôle ou une influence est exercé sur la société dont les titres sont détenus, que ce contrôle ou cette influence est effectivement exercé par la société détenant les titres ou par une société établie en France la contrôlant au sens du I dudit article L. 233-3 ou par une société établie en France directement contrôlée par cette dernière au sens de ce même article ".

2. Aux termes de l'article L. 233-3 du code de commerce, dans sa rédaction en vigueur à la date des commentaires attaqués : " I. - Une société est considérée, pour l'application des sections 2 et 4 du présent chapitre, comme en contrôlant une autre : 1° Lorsqu'elle détient directement ou indirectement une fraction du capital lui conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de cette société ; 2° Lorsqu'elle dispose seule de la majorité des droits de vote dans cette société en vertu d'un accord conclu avec d'autres associés ou actionnaires et qui n'est pas contraire à l'intérêt de la société ; 3° Lorsqu'elle détermine en fait, par les droits de vote dont elle dispose, les décisions dans les assemblées générales de cette société ; 4° Lorsqu'elle est associée ou actionnaire de cette société et dispose du pouvoir de nommer ou de révoquer la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance de cette société. / II. - Elle est présumée exercer ce contrôle lorsqu'elle dispose directement ou indirectement, d'une fraction des droits de vote supérieure à 40 % et qu'aucun autre associé ou actionnaire ne détient directement ou indirectement une fraction supérieure à la sienne. / III. - Pour l'application des mêmes sections du présent chapitre, deux ou plusieurs personnes agissant de concert sont considérées comme en contrôlant conjointement une autre lorsqu'elles déterminent en fait les décisions prises en assemblée générale ".

Sur les conclusions tendant à l'annulation du paragraphe n° 70 :

3. Le 1 du paragraphe IX de l'article 209 précité du code général des impôts prévoit, par principe, la réintégration dans le résultat imposable des charges financières afférentes à l'acquisition de certains titres de participation. Par exception, ces mêmes dispositions permettent que ces charges soient déduites lorsqu'il est démontré que la société détentrice des titres, sa société mère ou l'une de ses sociétés soeurs, à condition qu'elles soient établies en France, exercent le pouvoir de décision sur les titres et, le cas échéant, exercent effectivement le pouvoir de contrôle ou d'influence sur la société acquise.

4. Les réserves d'interprétation dont une décision du Conseil constitutionnel assortit la déclaration de conformité à la Constitution d'une disposition législative sont revêtues de l'autorité absolue de la chose jugée et lient le juge administratif pour l'application et l'interprétation de cette disposition.

5. Par la décision n° 2018-748 QPC du 30 novembre 2018, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions du 1 du paragraphe IX de l'article 209 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011, sous réserve qu'elles n'interdisent pas la déduction des charges financières afférentes à l'acquisition de titres de participation lorsqu'il est démontré que le pouvoir de décision sur ces titres et, le cas échéant, le pouvoir de contrôle effectif sur la société acquise sont exercés par des sociétés établies en France autres que les sociétés mère ou soeur de la société détentrice des titres et appartenant au même groupe que cette dernière.

6. Le paragraphe n° 70 des commentaires attaqués précise expressément que l'exclusion du droit à déduction des charges financières afférentes à l'acquisition de certains titres de participation, prévue par les dispositions du IX de l'article 209 du code général des impôts, s'applique aux titres de participation détenus par une société qui ne peut pas apporter la preuve que les décisions relatives à ces titres sont prises par elle ou par toute société établie en France, la contrôlant ou contrôlée par cette dernière et, lorsque le contrôle ou une influence est exercé sur la société dont les titres sont détenus, la société détenant les titres, ou une société établie en France la contrôlant ou que cette dernière contrôle, exerce le contrôle ou une influence sur la société dont les titres sont détenus. Ce paragraphe s'abstient, en revanche, de faire mention de la possibilité pour la société, conformément à l'interprétation de la loi fiscale donnée par le Conseil constitutionnel, d'apporter la preuve que le pouvoir de décision sur ces titres et, le cas échéant, le pouvoir de contrôle effectif sur la société acquise sont exercés par des sociétés établies en France autres que les sociétés mère ou soeur de la société détentrice des titres et appartenant au même groupe que cette dernière.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que le paragraphe 70 des commentaires attaqués doit être annulé.

Sur les conclusions tendant à l'annulation du paragraphe n° 160 :

8. S'agissant de la condition tenant au pouvoir de gestion sur les titres de la société détenue, les commentaires attaqués indiquent que cette gestion peut notamment être exercée par une société établie en France contrôlant la société détentrice des titres au sens du I de l'article L. 233-3 du code de commerce ou par une société contrôlée au sens du I de l'article L. 233-3 du code de commerce par la société contrôlant la société détentrice des titres. Le § 160 de ces commentaires prévoient qu'" en revanche, il n'est pas tenu compte des notions de contrôle au sens des II et III de l'article L. 233-3 du code de commerce pour l'application du présent dispositif (...) ".

9. Il résulte des dispositions du 1 du IX de l'article 209 du code général des impôts, telles qu'interprétées par le Conseil constitutionnel, qu'elles subordonnent la possibilité de déduire les charges financières afférentes à l'acquisition de titres de participation à la condition que les décisions relatives à ces titres soient effectivement prises, et, le cas échéant, le contrôle ou l'influence effectivement exercé, par une société établie en France appartenant au même groupe que la détentrice des titres et que cette condition d'appartenance de ces deux sociétés à un même groupe s'entend, pour l'application de ces dispositions, de leur contrôle par une même société au sens des dispositions du I de l'article L. 233-3 précité du code de commerce. Les énonciations précitées du § 160 des commentaires attaqués, en excluant qu'il soit tenu compte des notions de contrôle au sens des II et III de l'article L. 233-3 du code de commerce pour l'application de ces dispositions, n'ont ainsi pas méconnu le sens et la portée des dispositions qu'elles ont pour objet d'interpréter. La société Zimmer Biomet France Holdings SAS n'est par suite pas fondée à en demander l'annulation.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante est seulement fondée à demander l'annulation du paragraphe n° 70 des commentaires attaqués.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à la société Zimmer Biomet France Holdings SAS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Le paragraphe n° 70 des commentaires administratifs publiés le 29 mars 2013 au Bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-IS-BASE-35-30-10 est annulé.

Article 2 : L'Etat versera une somme de 2 500 euros à la société Zimmer Biomet France Holdings SAS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Zimmer Biomet France Holdings SAS est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée la société Zimmer Biomet France Holdings SAS et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 421688
Date de la décision : 07/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 07 mar. 2019, n° 421688
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent Domingo
Rapporteur public ?: M. Romain Victor

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:421688.20190307
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