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28/02/2019 | FRANCE | N°423635

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 28 février 2019, 423635


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 27 août 2018 et le 8 février 2019, M. A...B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 5 avril 2018 par laquelle l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) a prononcé à son encontre la sanction de l'interdiction de participer pendant deux ans aux manifestations sportives organisées ou autorisées par la Fédération française motonautique, la Fédération française du sport d'entreprise, la Fédération sport

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Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 27 août 2018 et le 8 février 2019, M. A...B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 5 avril 2018 par laquelle l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) a prononcé à son encontre la sanction de l'interdiction de participer pendant deux ans aux manifestations sportives organisées ou autorisées par la Fédération française motonautique, la Fédération française du sport d'entreprise, la Fédération sportive et culturelle de France, la Fédération sportive et gymnique du travail et l'Union française des oeuvres laïques d'éducation physique ou, subsidiairement, de minorer la sanction infligée ;

2°) de mettre à la charge de l'Agence française de lutte contre le dopage une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du sport ;

- l'ordonnance n° 2018-1178 du 19 décembre 2018 ;

- le décret n° 2016-1923 du 19 décembre 2016 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yves Doutriaux, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de M.B..., et à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de l'Agence française de lutte contre le dopage ;

Considérant ce qui suit :

1. Le 8 avril 2017 M. A...B...qui participait à la course de jet-ski intitulée " Karujet ", a fait l'objet à Petit-Bourg (Guadeloupe) d'un contrôle par l'Agence française de lutte contre le dopage dont les résultats ont fait ressortir la présence de prednisone et prednisolone, substances dites spécifiées, appartenant à la classe des glucocorticoïdes à des concentrations estimées à 533ng/ml et 141 ng/ml. Ces résultats lui ont été notifiés par lettre reçue le 13 juin 2017. Les résultats du contrôle de l'échantillon B auquel il avait été procédé à sa demande ont confirmé les résultats de la première analyse. Ils lui ont été notifiés par lettre reçue le 28 juillet 2017. A raison de ces faits, l'Agence française de lutte contre le dopage lui a infligé, le 5 avril 2018, la sanction de l'interdiction de participer pendant deux ans aux manifestations sportives organisées ou autorisées par la Fédération française motonautique, la Fédération française du sport d'entreprise, la Fédération sportive et culturelle de France, la Fédération sportive et gymnique du travail et l'Union française des oeuvres laïques d'éducation physique et de la publication d'un résumé de cette sanction par voie électronique pendant la durée de la sanction sur le site de l'Agence et aux bulletins des fédérations concernées et du ministère des sports. M. B...demande l'annulation de cette sanction.

2. Aux termes de l'article L. 232-9 du code du sport dans sa version en vigueur à la date des faits reprochés : " Il est interdit à tout sportif : / 1° (...) / 2° D'utiliser ou de tenter d'utiliser une ou des substances ou méthodes interdites figurant sur la liste mentionnée au dernier alinéa du présent article. (...) ". Aux termes de l'article L. 232-21 du même code dans sa rédaction applicable à l'espèce, " Toute personne qui a contrevenu aux dispositions des articles L. 232-9, (...) encourt des sanctions disciplinaires de la part de la fédération dont elle est licenciée. ". En vertu des dispositions alors en vigueur du même article, l'organe disciplinaire de première instance de la fédération se prononce dans un délai de dix semaines à compter de la date à laquelle l'infraction a été constatée. Faute d'avoir statué dans ce délai, l'organe disciplinaire de première instance est dessaisi de l'ensemble du dossier, lequel est alors transmis à l'instance disciplinaire d'appel qui rend, dans tous les cas, sa décision dans un délai maximum de quatre mois à compter de la même date. L'article L. 232-22 du même code dans sa version applicable aux faits en cause, dispose que : " En cas d'infraction aux dispositions des articles L. 232-9, (...) l'Agence française de lutte contre le dopage exerce un pouvoir de sanction dans les conditions suivantes : / 1° Elle est compétente pour infliger des sanctions disciplinaires aux personnes non licenciées : / a) Participant à des manifestations ou entraînements mentionnés aux 2° ou 3° du I de l'article L. 232-5 (...) ; / 2° Elle est compétente pour infliger des sanctions disciplinaires aux personnes relevant du pouvoir disciplinaire d'une fédération sportive lorsque celle-ci n'a pas statué dans les délais prévus à l'article L. 232-21. Dans ce cas, l'agence se saisit d'office dès l'expiration de ces délais ; lorsqu'elle intervient en cas de carence de l'instance disciplinaire fédérale d'appel, l'agence peut aggraver la sanction prononcée par la fédération ; / 3° Elle peut réformer les décisions prises en application de l'article L. 232-21. Dans ces cas, l'agence se saisit, dans un délai de deux mois à compter de la réception du dossier complet, des décisions prises par les fédérations agréées ; (...) ".

3. Il résulte de l'instruction que M. B...était détenteur d'une licence délivrée par la Fédération française motonautique au titre des années 2017 et 2018. Ainsi, tant à la date du contrôle antidopage qu'à la date à laquelle la sanction attaquée a été prise à son encontre par l'Agence française de lutte contre le dopage, il était licencié de cette fédération qui était dès lors, ainsi que cela ressort des dispositions de l'article L. 232-21 du code du sport alors en vigueur et quel qu'ait été l'organisateur de la manifestation Karujet, seule compétente pour engager des poursuites disciplinaires à son encontre. Dans ces conditions, M. B...est fondé à soutenir que l'Agence française de lutte contre le dopage n'était pas compétente pour engager à son encontre des poursuites disciplinaires sur le fondement du 1° de l'article L. 232-22 alors en vigueur du code du sport qui ne vise que les personnes non licenciées.

4. Lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point. L'Agence française de lutte contre le dopage demande, à titre subsidiaire, par son mémoire en défense communiqué à M.B..., lequel a ainsi été mis en mesure de présenter ses observations sur ce point, qu'en ce qui concerne sa compétence disciplinaire à l'égard de M.B..., le fondement soit du 2° de l'article L. 232-22 du code du sport, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, selon lequel cette Agence est compétente lorsque la fédération sportive concernée n'a pas statué dans les délais prévus par l'article L. 232-21, soit du 3° de l'article L. 232-22, selon lequel l'Agence peut réformer les décisions prises par les fédérations, soit substitué au 1° du même article.

5. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que l'Agence aurait communiqué à la Fédération française motonautique les résultats du contrôle antidopage dont M. B... avait fait l'objet. Ainsi le délai de quatre mois imparti aux organes disciplinaires de la fédération pour statuer sur l'infraction constatée à la suite du contrôle antidopage réalisé le 8 avril 2017 n'a pas commencé à courir à l'égard de la Fédération française motonautique et, par suite, les dispositions du 2° ne trouvaient donc pas à s'appliquer. De même, en l'absence de décision prise par la Fédération française motonautique, les dispositions du 3° ne sont pas non plus applicables. Par suite, les dispositions des 2° ou 3° de l'article L. 232-22 du code du sport ne peuvent être substituées comme fondement de la décision attaquée à celles du 1° du même article.

6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. B...est fondé à demander l'annulation de la décision attaquée.

7. Si le Conseil d'Etat peut être saisi d'un recours, qui a la nature d'un recours de pleine juridiction, contre l'une des décisions de l'Agence française de lutte contre le dopage prises en application de l'article L. 232-22 du même code, il n'appartient pas au Conseil d'Etat, dans les circonstances de l'espèce, après avoir annulé pour incompétence la décision de sanction prise par l'Agence française de lutte contre le dopage, de se substituer à cette Agence pour apprécier s'il y a lieu d'infliger à M. B...une sanction à raison des faits qui lui sont reprochés. Par suite, les conclusions présentées par l'Agence tendant à ce que le Conseil d'Etat inflige lui-même une sanction à M. B...à raison de l'ensemble des circonstances du contrôle antidopage effectué le 8 avril 2017 ne peuvent qu'être rejetées.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B...la somme que demande l'Agence française de lutte contre le dopage au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Agence la somme de 3 000 euros à verser à M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 5 avril 2018 de l'Agence française de lutte contre le dopage infligeant une sanction à M. B...est annulée.

Article 2 : L'Agence française de lutte contre le dopage versera une somme de 3 000 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à l'Agence française de lutte contre le dopage. Copie en sera adressée à la ministre des sports.


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 423635
Date de la décision : 28/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 28 fév. 2019, n° 423635
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Yves Doutriaux
Rapporteur public ?: Mme Sophie Roussel
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:423635.20190228
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