Vu la procédure suivante :
1° Sous le n° 419186, par une requête, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés le 22 mars 2018, le 22 novembre 2018 et le 17 janvier 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association One Voice demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 janvier 2018 du ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire modifiant l'arrêté du 1er août 1986 relatif à divers procédés de chasse et de destruction des animaux nuisibles et à la reprise du gibier vivant dans un but de repeuplement.
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 422607, par une requête et des mémoires enregistrés le 25 juillet 2018, le 11 janvier 2019, le 17 janvier 2019 et le 20 janvier 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...A...demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la décision implicite, née du silence gardé par le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, rejetant sa demande d'abrogation de l'arrêté du 2 janvier 2018 modifiant l'arrêté du 1er août 1986 relatif à divers procédés de chasse et de destruction des animaux nuisibles et à la reprise du gibier vivant dans un but de repeuplement et d'autre part cet arrêté
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Laurence Franceschini, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Julie Burguburu, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan avocat de la Fédération nationale des chasseurs.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 2 janvier 2018, le ministre chargé de la chasse a modifié l'arrêté du 1er août 1986 relatif à divers procédés de chasse et de destruction des animaux nuisibles et à la reprise du gibier vivant dans un but de repeuplement, afin de supprimer la disposition figurant à l'article 2 de cet arrêté interdisant " l'emploi sur les armes à feu de tout dispositif silencieux destiné à atténuer le bruit au départ du coup ". L'association One Voice et M. A...demandent, par des requêtes distinctes, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 janvier 2018. M. A...demande, en outre, d'annuler pour excès de pouvoir le refus implicite d'abroger cet arrêté qui lui a été opposé par ce ministre. Il y a lieu de joindre ces requêtes dirigées contre le même arrêté pour statuer par une seule décision.
2. La Fédération nationale des chasseurs justifie, eu égard à l'objet du litige, d'un intérêt suffisant au maintien de la décision attaquée. Ainsi son intervention dans la requête n° 419186 est recevable.
3. En premier lieu, aux termes de l'article 7 de la Charte de l'environnement : " Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement ". L'article L. 123-19-1 du code de l'environnement définit, par son I, " les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public, prévu à l'article 7 de la Charte de l'environnement, est applicable aux décisions, autres que les décisions individuelles, des autorités publiques ayant une incidence sur l'environnement lorsque celles-ci ne sont pas soumises, par les dispositions législatives qui leur sont applicables, à une procédure particulière organisant la participation du public à leur élaboration. ". Il précise, au dernier alinéa de son I, que : " Ne sont pas regardées comme ayant une incidence sur l'environnement les décisions qui ont sur ce dernier un effet indirect ou non significatif. ".
4. Il ressort des pièces des dossiers que l'arrêté attaqué a pour objet de protéger l'audition des chasseurs contre les effets nocifs des détonations répétées des armes qu'ils utilisent, en permettant l'utilisation de réducteurs ou de modérateurs de sons qui, ainsi que le confirment les éléments versés aux dossiers à la suite de la mesure d'instruction qui a été diligentée par la 6e chambre de la section du contentieux, peuvent seulement atténuer le bruit, avec un niveau sonore résiduel perceptible tant par les personnes que par le gibier, même à une distance notable. Eu égard à sa finalité et à sa portée, l'arrêté attaqué ne peut être regardé comme ayant des effets directs et significatifs sur l'environnement. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'obligation de participation du public doit par suite être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 424-1 du code : " (...) le ministre chargé de la chasse prend des arrêtés pour : / - prévenir la destruction ou favoriser le repeuplement des oiseaux ou de toutes espèces de gibier ; (...). ". L'article L. 424-15 du même code dispose que : " Des règles garantissant la sécurité des chasseurs et des tiers dans le déroulement de toute action de chasse ou de destruction d'animaux d'espèces non domestiques doivent être observées, particulièrement lorsqu'il est recouru au tir à balles. ".
6. Il résulte de ce qui a été dit au point 4, que l'arrêté attaqué, qui a été pris par le ministre chargé de la chasse en application des dispositions citées au point 5, poursuit la finalité d'intérêt général de préserver la santé des chasseurs tout en permettant que le bruit des détonations demeure perceptible pour les personnes et le gibier, même à distance notable des tirs. Si les requérants soutiennent que le recours à des procédés de protection acoustique, tels que des casques ou bouchons d'oreille, permettrait de parvenir au même résultat sans présenter les mêmes risques et que la mesure contestée serait ainsi justifiée par le seul confort des chasseurs, il ressort des pièces des dossiers que le recours à des procédés acoustiques présente d'autres inconvénients, notamment des risques pour la sécurité, en rendant plus difficiles les échanges entre les chasseurs, en particulier lors des chasses collectives. Enfin, il ne ressort pas des pièces des dossiers, compte tenu de la persistance d'un niveau sonore des tirs relativement élevé en cas d'utilisation de dispositifs d'atténuation du bruit, que la mesure critiquée serait susceptible d'augmenter les dangers liés à la chasse ou de favoriser le braconnage. Les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation des risques de troubles à l'ordre public, de la méconnaissance des articles L. 424-1 à L. 424-5 et L. 424-8 du code de l'environnement, d'une " obligation de vigilance environnementale " résultant des articles 1er et 2 de la Charte de l'environnement, du principe de conciliation prévu à l'article 6 de la Charte et des articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l'environnement relatifs à différents principes environnementaux doivent dès lors être écartés.
7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer dans l'instance n° 422607 sur la fin de non-recevoir opposée en défense par le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation pour excès de pouvoir des décisions qu'ils attaquent. Leurs requêtes ne peuvent, par suite, qu'être rejetées, y compris les conclusions présentées par l'association One Voice au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention de la Fédération nationale des chasseurs à l'appui de la requête n° 419186 est admise.
Article 2 : Les requêtes de l'association One Voice et de M. A...sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association One Voice, à M. B...A..., au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire et à la Fédération nationale des chasseurs.