Vu la procédure suivante :
La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Ardennes a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner à titre principal le centre hospitalier de Châlons-en-Champagne et à titre subsidiaire l'établissement français du sang (EFS) à lui verser la somme de 197 395,85 euros en remboursement des débours exposés pour le compte de M. C...B...à la suite de la contamination de celui-ci par le virus de l'hépatite C.
Par un jugement n° 1001128 du 12 novembre 2015, le tribunal administratif a condamné l'EFS à verser à la CPAM des Ardennes la somme de 99 920,04 euros et à lui rembourser, au fur et à mesure de l'engagement de ses dépenses, le montant des frais futurs dans la limite de 97 476,21 euros.
Par un arrêt n°16NC00060 rendu le 23 mai 2017, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté la requête formée par l'EFS contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 24 juillet et 24 octobre 2017 et le 15 janvier 2019, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Etablissement français du sang demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de la CPAM des Ardennes la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Florian Roussel, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l'Etablissement français du sang, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à Me Le Prado, avocat du centre hospitalier de Châlons-en-Champagne.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'un accident dont il a été victime le 27 mars 1981, M. B...a subi au centre hospitalier de Châlons-en-Champagne une splénectomie sous apport sanguin, constitué de deux concentrés de globules rouges et d'une unité de plasma frais congelé. Ayant appris en novembre 2000 sa contamination par le virus de l'hépatite C, il a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, qui a ordonné une expertise confiée au professeur Genetet. A la suite du dépôt par l'expert de son rapport, le 5 mai 2004, il a introduit un recours tendant à la condamnation de l'Etablissement français du sang et du centre hospitalier de Châlons-en-Champagne à l'indemniser de ses préjudices. Par un jugement du 7 mai 2008, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Le 11 juin 2010, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Ardennes a saisi ce même tribunal administratif en vue d'obtenir le remboursement des débours exposés pour le compte de M.B.... Une nouvelle expertise a été confiée au DrA..., qui a remis son rapport le 12 avril 2013. Par un jugement du 12 novembre 2015, le tribunal a condamné l'Etablissement français du sang (EFS) à verser à la CPAM des Ardennes la somme totale de 99 920,04 euros et à lui rembourser, au fur et à mesure de l'engagement de ces dépenses, le montant des frais futurs, dans la limite de 97 476,21 euros. Par un arrêt du 23 mai 2017, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par l'EFS contre ce jugement. L'EFS se pourvoit en cassation contre cet arrêt.
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013 : " Les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite B ou C ou le virus T-lymphotropique humain causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang réalisée sur les territoires auxquels s'applique le présent chapitre sont indemnisées au titre de la solidarité nationale par l'office mentionné à l'article L. 1142-22 dans les conditions prévues à la seconde phrase du troisième alinéa de l'article L. 3122-1, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L 3122-2, au premier alinéa de l'article L. 3122-3 et à l'article L. 3122-4, à l'exception de la seconde phrase du premier alinéa ". Aux termes des septième et huitième alinéas du même article L. 1221-14 du code de la santé publique, également dans sa rédaction issue de la loi du 17 décembre 2012 : " Lorsque l'office a indemnisé une victime, il peut directement demander à être garanti des sommes qu'il a versées par les assureurs des structures reprises par l'Etablissement français du sang en vertu du B de l'article 18 de la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire de produits destinés à l'homme, de l'article 60 de la loi de finances rectificative pour 2000 (n° 2000-1353 du 30 décembre 2000) et de l'article 14 de l'ordonnance n° 2005-1087 du 1er septembre 2005 relative aux établissements publics nationaux à caractère sanitaire et aux contentieux en matière de transfusion sanguine, que le dommage subi par la victime soit ou non imputable à une faute. / L'office et les tiers payeurs ne peuvent exercer d'action subrogatoire contre l'Etablissement français du sang, venu aux droits et obligations des structures mentionnées à l'avant-dernier alinéa, si l'établissement de transfusion sanguine n'est pas assuré, si sa couverture d'assurance est épuisée ou encore dans le cas où le délai de validité de sa couverture est expiré ".
3. Les tiers payeurs qui ont versé des prestations à la victime d'une contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite B ou C ou par le virus T lymphotropique humain peuvent, sur le fondement des dispositions citées au point 2, exercer un recours subrogatoire contre l'EFS en sa qualité de fournisseur des produits sanguins à l'origine du dommage ou d'héritier des obligations du fournisseur de ces produits. Il résulte des dispositions du huitième alinéa de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique que ce recours, de même que celui qui est ouvert à l'office mentionné à l'article L. 1142-22 du même code lorsqu'il a indemnisé la victime, est soumis à la condition que l'établissement de transfusion sanguine soit assuré, que sa couverture d'assurance ne soit pas épuisée et que le délai de validité de cette couverture ne soit pas expiré. En revanche, aucune disposition ne subordonne l'exercice du recours subrogatoire à l'existence d'une faute du fournisseur des produits sanguins. La responsabilité de ce fournisseur se trouve engagée du seul fait que les produits transfusés étaient porteurs d'un agent infectieux.
4. Dans l'hypothèse où l'établissement ayant fabriqué le produit sanguin n'est pas le même que celui qui l'a distribué à l'établissement de santé qui a pratiqué la transfusion, ces deux établissements de transfusion sanguine doivent être regardés comme les fournisseurs du produit sanguin et sont, en conséquence, solidairement responsables des préjudices résultant de la contamination de ce produit. Le tiers payeur peut donc, dans cette hypothèse, exercer un recours subrogatoire contre l'EFS si l'un au moins des deux établissements remplit la condition de couverture assurantielle prévue par le dernier alinéa de l'article L. 1221-14.
5. Il ressort des conclusions des deux experts judiciaires ainsi que de l'enquête transfusionnelle réalisée le 15 janvier 2013 et produite par l'EFS devant la cour que les deux unités de concentré de globules rouges et l'unité de plasma frais congelé que M. B...a reçues au centre hospitalier de Châlons-en-Champagne en 1981 ont été distribuées à cet établissement par le centre de transfusion sanguine de Reims. Il résulte de ce qui précède qu'en retenant, pour faire droit à l'action subrogatoire de la CPAM des Ardennes, que ce centre était le fournisseur des trois produits sanguins transfusés pour en déduire, après avoir souverainement relevé qu'il était assuré, que sa couverture d'assurance n'était pas épuisée et que le délai de validité de cette couverture n'était pas expiré, que l'EFS, héritier de ses obligations, n'était pas privé du bénéfice d'une couverture d'assurance, la cour n'a ni dénaturé les pièces du dossier ni commis d'erreur de droit.
6. L'EFS n'est, par suite, pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. Son pourvoi doit, dès lors, être rejeté, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'EFS, au titre de cet article, le versement à la CPAM des Ardennes d'une somme de 3 000 euros.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de l'Etablissement français du sang est rejeté.
Article 2 : L'Etablissement français du sang versera à la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Etablissement français du sang et à la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes.
Copie en sera adressée à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et au centre hospitalier de Châlons-en-Champagne.