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01/02/2019 | FRANCE | N°421008

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 01 février 2019, 421008


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 28 mai 2018 et 16 janvier 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 29 mars 2018 de la ministre des armées prononçant à son encontre la sanction disciplinaire du premier groupe de " blâme du ministre " ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;
r>Vu :

- le code de la défense ;

- le code pénal ;

- le code de justice administrative ;
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Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 28 mai 2018 et 16 janvier 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 29 mars 2018 de la ministre des armées prononçant à son encontre la sanction disciplinaire du premier groupe de " blâme du ministre " ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la défense ;

- le code pénal ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Firoud, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Olivier Henrard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier qu'alors qu'il était chef de corps d'un régiment de l'armée de terre, le colonel A...s'est vu infliger un " blâme du ministre " par une décision du 29 mars 2018 de la ministre des armées, pour les quatre motifs suivants : il a menti au général inspecteur de l'armée de terre, en charge d'une enquête de commandement, en lui indiquant n'avoir jamais eu de relation sexuelle avec une mineure et n'avoir jamais échangé de messages à caractère sexuel avec elle ; il n'a pas informé sa hiérarchie de ses deux gardes à vue du 4 décembre 2017 et du 23 janvier 2018 ; il n'a pas justifié son absence du 23 janvier 2018 pour se rendre à cette seconde garde à vue ; il a exercé une tentative de chantage sur un collègue officier afin d'obtenir communication de courriels envoyés par ce dernier à sa hiérarchie.

2. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

3. En premier lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 4111-1 du code de la défense : " L'état militaire exige en toute circonstance esprit de sacrifice, pouvant aller jusqu'au sacrifice suprême, discipline, disponibilité, loyalisme et neutralité. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 4122-1 : " Les militaires doivent obéissance aux ordres de leurs supérieurs et sont responsables de l'exécution des missions qui leur sont confiées ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 4122-3 du même code : " le militaire est soumis aux obligations qu'exige l'état militaire conformément au deuxième alinéa de l'article L. 4111-1. Il exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité ". Aux termes de l'article L. 4137-2 du même code : " Les sanctions disciplinaires applicables aux militaires sont réparties en trois groupes : / 1° Les sanctions du premier groupe sont : / a) L'avertissement ; / b) La consigne ; / c) La réprimande ; / d) Le blâme ; / e) Les arrêts ; / f) Le blâme du ministre / (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A...a affirmé au général inspecteur de l'armée de terre, lors de son enquête de commandement réalisée en juillet 2017, n'avoir jamais eu de relation sexuelle avec la fille mineure d'une assistante sociale des armées et ne lui avoir envoyé aucun message à caractère sexuel. Toutefois, il ressort de ces mêmes pièces, et en particulier du procès-verbal de synthèse établi le 6 février 2018 par la section de recherches de la gendarmerie de Pau, transmis le 26 février 2018 au chef d'état-major de l'armée de terre à sa demande, que M. A...et cette mineure ont eu une relation sexuelle en février 2017 et qu'ils ont échangé de nombreux messages à caractère sexuel. Il en résulte que, contrairement à ce que soutient le requérant, la matérialité de la faute consistant à avoir menti au général inspecteur de l'armée de terre et à avoir ainsi trompé la confiance de ses chefs et méconnu son obligation de loyauté envers eux est établie.

5. En deuxième lieu, il appartient à un militaire d'informer sa hiérarchie de tout événement susceptible d'affecter le bon fonctionnement du service, comme le prévoit d'ailleurs l'annexe II de la circulaire du 23 mars 2010 relative à la mise en oeuvre des procédures concernant les événements graves, qui oblige tout militaire mis en cause dans une affaire pénale, même sans lien avec le service, à en informer son commandement.

6. Il ressort des pièces du dossier que le requérant n'a pas informé sa hiérarchie de sa première garde à vue du 4 décembre 2017 et qu'il ne l'a informée que tardivement et partiellement de l'existence de la seconde garde à vue du 23 janvier 2018. Il en résulte qu'est également établie la matérialité des fautes consistant à n'avoir pas informé de ces faits sa hiérarchie et à s'être absenté sans justification le 23 janvier 2018.

7. En troisième lieu, l'article 312-10 du code pénal dispose que : " Le chantage est le fait d'obtenir, en menaçant de révéler ou d'imputer des faits de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération, soit une signature, un engagement ou une renonciation, soit la révélation d'un secret, soit la remise de fonds, de valeurs ou d'un bien quelconque ".

8. Il ressort des pièces du dossier que les messages adressés par M. A...à un autre officier le 14 juillet 2017 doivent être regardés comme une menace de la part du requérant de révéler une relation entretenue par cet officier, de nature à porter atteinte à son honneur et à sa réputation, s'il ne lui transmettait pas les courriels qu'il avait envoyés à sa hiérarchie militaire. Dès lors, la matérialité de la faute consistant à avoir exercé un chantage à l'égard d'un autre officier est établie.

9. En quatrième lieu, dès lors que les fautes qui sont reprochées au requérant sont susceptibles, compte tenu des fonctions de l'intéressé, de porter atteinte à l'image des armées, le moyen tiré de ce que la sanction ne pouvait pas légalement porter sur des faits relevant de la vie privée du requérant doit être écarté.

10. En cinquième lieu, eu égard aux responsabilités du requérant, au fait qu'il a déjà été sanctionné en 2017 pour un comportement inapproprié pour un officier et alors même que sa manière de servir donnerait pleinement satisfaction, la ministre des armées n'a pas, compte tenu de la nature des faits reprochés et de l'atteinte qu'ils ont pu porter à la dignité des fonctions exercées par l'intéressé et à l'image des armées, pris une sanction disproportionnée en décidant de lui infliger, au regard du pouvoir d'appréciation dont elle disposait, la sanction du premier groupe de " blâme du ministre ".

11. En dernier lieu, si le requérant soutient que la décision de sanction en litige a été prise dans le but de lui nuire, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque.

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et à la ministre des armées.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 421008
Date de la décision : 01/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 01 fév. 2019, n° 421008
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Marc Firoud
Rapporteur public ?: M. Olivier Henrard

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:421008.20190201
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