Vu la procédure suivante :
M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner l'Etat à lui payer la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de huit fouilles intégrales auxquelles il a été soumis, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ceux-ci , ainsi que la somme de 1 200 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait du refus illégal de procéder à son extraction le 23 novembre 2012.
Par un jugement n° 1600165 du 21 septembre 2017, le tribunal administratif a rejeté ces demandes.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 janvier et 3 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au profit de la SCP Piwnica et Molinié, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Stéphane Hoynck, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. B...A...;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'après avoir adressé, le 18 juin 2015, au garde des sceaux, ministre de la justice une demande indemnitaire tendant à la réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison des fouilles corporelles intégrales dont il aurait fait l'objet en 2012 et de l'annulation de l'extraction médicale prévue le 23 novembre 2012, M. A... a saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand de conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à réparer ces préjudices. Il se pourvoit en cassation contre le jugement du 21 septembre 2017 rejetant cette demande.
2. L'article 57 de la loi du 24 novembre 2009 dispose, dans sa rédaction applicable au litige, que : " Les fouilles doivent être justifiées par la présomption d'une infraction ou par les risques que le comportement des personnes détenues fait courir à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre dans l'établissement. Leur nature et leur fréquence sont strictement adaptées à ces nécessités et à la personnalité des personnes détenues. / Les fouilles intégrales ne sont possibles que si les fouilles par palpation ou l'utilisation des moyens de détection électronique sont insuffisantes. / Les investigations corporelles internes sont proscrites, sauf impératif spécialement motivé. Elles ne peuvent alors être réalisées que par un médecin n'exerçant pas au sein de l'établissement pénitentiaire et requis à cet effet par l'autorité judiciaire ". Aux termes de l'article R. 57-7-79 du code de procédure pénale : " Les mesures de fouilles des personnes détenues, intégrales ou par palpation, sont mises en œuvre sur décision du chef d'établissement pour prévenir les risques mentionnés au premier alinéa de l'article 57 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009. Leur nature et leur fréquence sont décidées au vu de la personnalité des personnes intéressées, des circonstances de la vie en détention et de la spécificité de l'établissement. / Lorsque les mesures de fouille des personnes détenues, intégrales ou par palpation, sont réalisées à l'occasion de leur extraction ou de leur transfèrement par l'administration pénitentiaire, elles sont mises en œuvre sur décision du chef d'escorte. Leur nature et leur fréquence sont décidées au vu de la personnalité des personnes intéressées et des circonstances dans lesquelles se déroule l'extraction ou le transfèrement.".
3. Il résulte de ces dispositions que si les nécessités de l'ordre public et les contraintes du service public pénitentiaire peuvent légitimer l'application à un détenu de mesures de fouille, le cas échéant répétées, elles ne sauraient revêtir un caractère systématique et doivent être justifiées par l'un des motifs qu'elles prévoient, en tenant compte notamment du comportement de l'intéressé, de ses agissements antérieurs ou des contacts qu'il a pu avoir avec des tiers. Les fouilles intégrales revêtent un caractère subsidiaire par rapport aux fouilles par palpation ou à l'utilisation de moyens de détection électronique. Il appartient à l'administration pénitentiaire de veiller, d'une part, à ce que de telles fouilles soient, eu égard à leur caractère subsidiaire, nécessaires et proportionnées et, d'autre part, à ce que les conditions dans lesquelles elles sont effectuées ne soient pas, par elles-mêmes, attentatoires à la dignité de la personne.
4. En rejetant les conclusions par lesquelles le requérant poursuivait la responsabilité de l'Etat, au motif que le recours aux fouilles intégrales litigieuses n'étant pas injustifié, il n'était entaché d'aucune illégalité fautive, sans rechercher si ces fouilles intégrales étaient, eu égard à leur caractère subsidiaire par rapport aux autres moyens de détection, nécessaires et proportionnées, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a entaché son jugement d'erreur de droit.
5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, M. A...est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
7. En premier lieu, contrairement à ce soutient M.A..., il ne résulte pas de l'instruction, en particulier de l'extrait du registre des fouilles du centre pénitentiaire de Châteauroux pour la période du 1er octobre au 23 novembre 2012 qu'il produit, qu'il aurait fait l'objet d'autres fouilles intégrales que celle qui a été effectuée à l'occasion de l'extraction médicale prévue le 23 novembre 2012.
8. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que la mesure de fouille intégrale dont M. A...a fait l'objet, le 23 novembre 2012, à l'occasion de l'extraction médicale prévue pour une opération de l'intéressé, était motivée par le risque qu'il dissimule une arme afin de profiter de sa sortie de l'établissement pénitentiaire pour s'évader. Le recours à une telle fouille intégrale apparaît, dans les circonstances de l'espèce, eu égard au caractère subsidiaire des fouilles intégrales, nécessaire et proportionné, dès lors qu'aucune autre mesure moins intrusive n'aurait permis d'atteindre le même but dans des conditions équivalentes. Dans ces conditions, le recours à une fouille intégrale n'a pas porté atteinte à la dignité de la personne, en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que les agents de l'administration pénitentiaire ont procédé à cette fouille dans des conditions qui, par elles-mêmes, seraient attentatoires à la dignité humaine. Il s'ensuit que le recours à la mesure litigieuse n'est pas constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat. M. A... n'est par ailleurs pas fondé à soutenir que l'annulation de l'extraction médicale, qui avait été prévue afin de permettre une opération du genou et dont il se borne à soutenir qu'elle serait fautive par voie de conséquence de l'illégalité fautive qui entacherait la fouille dont il a fait l'objet, serait illégale.
9. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander la condamnation de l'Etat à lui payer la somme qu'il demande en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis. Ses conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 21 septembre 2017 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ainsi que les conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.