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30/01/2019 | FRANCE | N°394175

France | France, Conseil d'État, 4ème et 1ère chambres réunies, 30 janvier 2019, 394175


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 octobre 2015 et 20 avril 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat national de l'enseignement supérieur (SNESUP-FSU) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2015-1064 du 26 août 2015 portant approbation des statuts de la communauté d'universités et établissements (COMUE) " Lille Nord de France " ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice adm

inistrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonction...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 octobre 2015 et 20 avril 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat national de l'enseignement supérieur (SNESUP-FSU) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2015-1064 du 26 août 2015 portant approbation des statuts de la communauté d'universités et établissements (COMUE) " Lille Nord de France " ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code pénal ;

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 ;

- le décret n° 2011-184 du 15 février 2011 ;

- le décret n° 2017-1329 du 11 septembre 2017 ;

- le code de justice administrative ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 janvier 2019, présentée par la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Tiphaine Pinault, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Le décret du 26 août 2015, dont le syndicat national de l'enseignement supérieur (SNESUP-FSU) demande l'annulation, approuve les statuts de la communauté d'universités et établissements (COMUE) " Lille Nord de France ", qui rassemblait, à la date de cette approbation, les universités Lille-I, Lille-II et Lille-III, l'université d'Artois, l'université du Littoral Côte d'Opale, l'université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis, l'Ecole centrale de Lille, l'Ecole nationale supérieure des mines de Douai, la Fédération universitaire et polytechnique de Lille, le Centre national de recherche scientifique et l'Institut national de recherche en informatique et en automatique.

Sur l'objet et le fondement juridique du décret attaqué :

2. Il résulte des dispositions de l'article 117 de la loi du 22 juillet 2013 sur l'enseignement supérieur et la recherche que les établissements publics de coopération scientifique créés conformément à l'article L. 344-4 du code de la recherche, dans sa rédaction antérieure à la date de publication de cette loi, deviennent, à cette date, des communautés d'universités et établissements. Le conseil d'administration de l'établissement public de coopération scientifique en exercice à la date de publication de cette loi doit en conséquence adopter, dans un délai d'un an à compter de la même date, les nouveaux statuts de l'établissement pour les mettre en conformité avec les dispositions législatives régissant les communautés d'universités et établissements.

3. Le requérant soutient que la communauté d'universités et établissements approuvée par le décret attaqué est issue de la transformation du pôle de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) " Université Lille Nord de France ", créé sur le fondement des dispositions, alors applicables, de l'article L. 344-4 du code de la recherche. Mais s'il ressort des pièces du dossier que plusieurs membres de la COMUE " Lille Nord de France " étaient, avant l'entrée en vigueur de la loi du 22 juillet 2013, membres de ce PRES, il ressort également des pièces du dossier qu'un membre au moins de la nouvelle COMUE n'a pas été antérieurement membre fondateur ou associé du PRES et que plusieurs membres de ce pôle ne font pas partie de la nouvelle COMUE.

4. En conséquence, le décret attaqué n'approuve pas la mise en conformité des statuts d'un PRES déjà existant, mais la création d'une communauté d'universités et établissements nouvellement constituée. Il doit, par suite, être regardé comme ayant été pris, non sur le fondement des dispositions de l'article 117 de la loi du 22 juillet 2013, qui ne lui étaient pas applicables, mais sur celui des dispositions de l'article L. 718-8 du code de l'éducation, issues de cette même loi, aux termes desquelles : " La dénomination et les statuts d'une communauté d'universités et établissements sont adoptés par chacun des établissements et organismes ayant décidé d'y participer. / (...) La communauté d'universités et établissements est créée par un décret qui en approuve les statuts ".

Sur la légalité externe du décret attaqué :

En ce qui concerne la délibération du conseil d'administration de l'ancien PRES " Université Lille Nord de France ":

5. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que les statuts approuvés par le décret attaqué n'avaient pas à être adoptés par le conseil d'administration de l'ancien PRES " Université Lille Nord de France ". En revanche, ils devaient être préalablement adoptés, dans les mêmes termes, par chacun des établissements et organismes membres de la nouvelle COMUE " Lille Nord de France ".

6. Dès lors, les moyens tirés de l'irrégularité ayant, selon le syndicat requérant, entaché la délibération par laquelle le conseil d'administration de l'ancien PRES " Université Lille Nord de France " a, à titre superfétatoire, approuvé ces statuts, sont inopérants.

En ce qui concerne l'adoption des statuts de la COMUE par l'université Lille-I :

7. L'article 48 du décret du 15 février 2011 relatif aux comités techniques dans les administrations et les établissements publics de l'Etat prévoit que, lorsqu'un projet de texte recueille un vote défavorable unanime du comité technique, l'organisation d'une seconde délibération de cette instance est obligatoire.

8. La délibération du 10 octobre 2014 par laquelle le conseil d'administration de l'université Lille-I a, une première fois, approuvé les statuts litigieux, avait été précédée d'un avis unanimement défavorable du comité technique de cette université, sans qu'une nouvelle délibération de ce comité n'ait été organisée. Mais il ressort des pièces du dossier que la procédure a été reprise. Le comité technique de l'université a ainsi, à nouveau, délibéré sur les statuts de la COMUE les 19 février et 9 mars 2015 et le conseil d'administration les a, ensuite, à nouveau approuvés par une délibération du 27 mars 2015. Le syndicat requérant n'est, par suite, pas fondé à soutenir que l'adoption des statuts de la COMUE par l'université Lille-I est entachée d'irrégularité.

En ce qui concerne l'adoption des statuts de la COMUE par l'université du Littoral Côte-d'Opale :

9. La délibération du 7 octobre 2014 par laquelle le conseil d'administration de l'université du Littoral Côte-d'Opale a, une première fois, approuvé les statuts litigieux, avait été précédée d'un avis unanimement défavorable du comité technique de cette université, sans qu'une nouvelle délibération de ce comité n'ait été organisée. Mais il ressort des pièces du dossier que la procédure a été reprise. Le comité technique de l'université a ainsi, à nouveau, délibéré sur les statuts le 12 février 2015 et le conseil d'administration les a ensuite, à nouveau, approuvés par une délibération du 26 février 2015. Le syndicat requérant n'est, par suite, pas fondé à soutenir que l'adoption des statuts litigieux par l'université du Littoral Côte-d'Opale est entachée d'irrégularité.

En ce qui concerne l'adoption des statuts de la COMUE par l'université Lille-II :

10. En premier lieu, si le syndicat requérant soutient que le comité technique de l'université Lille-II a été consulté sur une version des statuts différente de celle sur laquelle s'est ensuite prononcé le conseil d'administration de l'université, il ressort des pièces du dossier que les modifications apportées au projet de statuts postérieurement à la consultation de ce comité ne soulevaient aucune question nouvelle. Le moyen tiré de l'irrégularité de la consultation du comité technique doit, par suite, être écarté.

11. En second lieu, il résulte des dispositions de l'article 30 des statuts de l'université Lille-II que les convocations au conseil d'administration doivent être adressées à ses membres dix jours avant la séance, accompagnées des documents nécessaires aux délibérations. Or, si le projet de statuts de la COMUE a été adressé aux membres du conseil d'administration en même temps que les convocations, il n'est pas contesté que plusieurs modifications apportées à ce projet de statuts n'ont été portées à la connaissance de ces mêmes membres que le matin même de la réunion du conseil.

12. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la communication tardive de ces modifications n'a pas, eu égard à leur contenu, fait obstacle à ce que le conseil d'administration se prononce en toute connaissance de cause sur les statuts litigieux. Cette communication tardive est, dès lors, sans incidence sur la régularité du décret attaqué.

Sur la légalité interne du décret attaqué :

En ce qui concerne l'article 3 des statuts :

13. L'article 3 des statuts approuvés par le décret attaqué dispose que la COMUE " Lille Nord de France " comprend onze membres, au nombre desquels la Fédération universitaire et polytechnique de Lille. Le syndicat requérant soutient que la participation de cet établissement de droit privé entache les statuts d'illégalité.

14. En premier lieu, l'article L. 718-2 du code de l'éducation dispose que : " Sur un territoire donné, qui peut être académique ou interacadémique, sur la base d'un projet partagé, les établissements publics d'enseignement supérieur relevant du seul ministère chargé de l'enseignement supérieur et les organismes de recherche partenaires coordonnent leur offre de formation et leur stratégie de recherche et de transfert. A cette fin, les regroupements mentionnés au 2° de l'article L. 718-3 mettent en oeuvre les compétences transférées par leurs membres. Les établissements d'enseignement supérieur relevant d'autres autorités de tutelle peuvent participer à cette coordination et à ces regroupements. (...) ", les communautés d'universités et établissements constituant l'une des deux formes de regroupement prévues par le 2° de l'article L. 718-3. Eclairées par les travaux préparatoires de la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche de laquelle elles sont issues, ces dispositions permettent ainsi à un établissement ou organisme privé qui délivre des cours d'enseignement supérieur de participer à une communauté d'universités et établissements.

15. Il ressort des pièces du dossier que la Fédération universitaire et polytechnique de Lille délivre des cours d'enseignement supérieur. Le syndicat requérant n'est, par suite, pas fondé à soutenir qu'en raison de son caractère privé, la participation de cette institution à la COMUE " Lille Nord de France " méconnaît les dispositions des articles L. 718-2 et L. 718-3 du code de l'éducation.

16. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, la participation à la COMUE " Lille Nord de France " de la Fédération universitaire et polytechnique de Lille ne saurait, au motif qu'il s'agit d'un établissement privé revendiquant un caractère confessionnel, porter par elle-même atteinte au principe de laïcité de l'enseignement public. Elle ne saurait constituer davantage, par elle-même, une prise illégale d'intérêts réprimée par les dispositions de l'article 432-12 du code pénal et ne constitue pas non plus, du seul fait qu'il s'agit d'un établissement privé, une aide d'Etat au sens des dispositions de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

17. En troisième lieu, les dispositions des articles D. 719-1 à D. 719-21 du code de l'éducation, relatives à la composition des collèges électoraux et aux conditions d'éligibilité pour la désignation des représentants des enseignants-chercheurs, enseignants et chercheurs aux conseils des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, ne sont applicables, ainsi que le rappelle l'article D. 719-2 du même code, que " sous réserve de dispositions législatives et réglementaires particulières à certains établissements ". A ce titre, s'agissant des communautés d'universités et établissements, les articles L. 718-11 et L. 718-12 de ce code prévoient que le conseil d'administration et le conseil académique comportent " des représentants des enseignants-chercheurs, enseignants et chercheurs exerçant leurs fonctions dans la communauté d'université et établissements ou dans les établissements membres (...) ". Ces dernières dispositions, propres aux communautés d'universités et établissements, sont, par suite, de nature à fonder, dès lors que cette communauté d'universités et établissements comporterait un ou plusieurs établissements de droit privé, la participation aux conseils de cette communauté de représentants d'enseignants ou de chercheurs ayant la qualité de salarié de droit privé. Le syndicat requérant ne saurait, par suite, utilement soutenir que la participation aux conseils de la COMUE " Lille Nord de France ", en qualité d'élus représentant les enseignants et les chercheurs, de salariés de la Fédération universitaire et polytechnique de Lille, méconnaît les dispositions des articles D. 719-1 à D. 719-21 du code de l'éducation.

18. En quatrième lieu, le moyen tiré de ce que la participation à la COMUE " Lille Nord de France " de la Fédération universitaire et polytechnique de Lille est entachée de détournement de pouvoir n'est pas établi.

19. Enfin, le syndicat requérant soutient que les dispositions de l'article 3 des statuts aux termes desquelles les six membres ayant la qualité d'université " portent l'ensemble des missions de la communauté d'universités et d'établissements " sont contraires aux principes de fonctionnement d'une telle communauté. Ce moyen, qui est dépourvu des précisions permettant d'en apprécier la portée et qui vise, au surplus, une disposition dépourvue d'effet normatif, ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne l'article 4 des statuts :

20. L'article 4 des statuts approuvés par le décret attaqué dispose que la COMUE " Lille Nord de France " : " (...) agit dans la limite des compétences qui lui sont conférées et des missions qui lui sont assignées par les présents statuts. Sauf dans les domaines où ils ont expressément transféré leurs compétences à la communauté d'universités et d'établissements - la formation des maîtres avec l'école supérieure du professorat et de l'éducation, la formation doctorale dans le cadre des écoles doctorales régionales et du collège doctoral -, les établissements membres conservent leurs compétences propres dans tous les domaines prévus par les lois, règlements et accords en vigueur ".

21. Ainsi qu'il a déjà été dit au point 14, les dispositions de l'article L. 718-2 du code de l'éducation prévoient que les regroupements d'établissements d'enseignement supérieur et de recherche, au nombre desquels figurent les communautés d'universités et établissements, " coordonnent leur offre de formation et leur stratégie de recherche et de transfert ". A ce titre, l'article L. 718-7 du même code dispose que les statuts des communautés d'universités et établissements " (...) prévoient les compétences que chaque établissement transfère, pour ce qui le concerne, à la communauté d'universités et établissements ".

22. Les compétences transférées à la COMUE " Lille Nord de France " par les dispositions citées au point 20 n'excédant pas les transferts autorisés par les dispositions citées au point précédent, le syndicat requérant n'est pas fondé à soutenir que l'article 4 des statuts est, pour ce motif, entaché d'illégalité.

En ce qui concerne l'article 13 des statuts :

23. Les dispositions de l'article 13 des statuts annexés au décret attaqué, dans leur rédaction à la date du décret attaqué, prévoient que le conseil académique comporte, au sein de sa commission de la recherche, douze " représentants de professeurs et assimilés (...) " et huit " représentants des autres enseignants-chercheurs, enseignants et chercheurs n'appartenant pas à la catégorie précédente ", ainsi que, au sein de sa commission de la formation et de la vie universitaire, huit " représentants de professeurs et personnels assimilés " et huit " représentants des autres enseignants-chercheurs, enseignants et chercheurs ".

24. Le syndicat requérant soutient, en premier lieu, que l'inégalité ainsi introduite au sein du conseil académique entre, d'une part, les vingt représentants des professeurs et personnels assimilés et, d'autre part, les seize représentants des autres enseignants-chercheurs, méconnaît les dispositions de l'article L. 719-2 du code de l'éducation aux termes desquelles : " Au sein de la représentation des enseignants-chercheurs et personnels assimilés de chaque conseil, le nombre des professeurs et personnels de niveau équivalent doit être égal à celui des autres personnels ". Toutefois, il ressort des termes mêmes de l'article L. 718-7 du même code que les dispositions du titre V du livre IX de sa quatrième partie ne sont applicables aux communautés d'universités et établissements que sous réserve des dispositions qui leur sont propres. A ce titre, l'article L. 718-12 du même code relatif à la composition du conseil académique des communautés d'universités et établissements dispose que celle-ci " est fixée par les statuts " et se borne à ajouter, s'agissant des représentants des enseignants-chercheurs, enseignants et chercheurs, qu'ils doivent représenter au moins 60 % des membres du conseil académique. Ces dispositions se substituant ainsi, pour les communautés d'universités et établissements, à celles de l'article L. 719-2 citées ci-dessus, le syndicat requérant ne peut utilement soutenir que ces dernières ont été méconnues.

25. Par ailleurs, si l'article 16-1 des statuts litigieux prévoit que le nombre des représentants des professeurs et personnels assimilés de chaque conseil de la COMUE " Lille Nord de France " doit, au sein de la représentation des enseignants-chercheurs, être " égal " à celui des autres enseignants-chercheurs, cette règle générale, qui doit au demeurant s'entendre, en l'espèce, comme disposant que les professeurs et personnels assimilés doivent être en nombre au moins égal à celui des autres représentants des enseignants-chercheurs, ne révèle aucune contradiction interne à ces statuts qui serait de nature à les entacher d'illégalité.

26. En deuxième lieu, pour les motifs déjà mentionnés au point 17 ci-dessus, le syndicat requérant ne saurait utilement soutenir qu'en ayant prévu l'élection, par le même collège électoral, des " douze représentants de professeurs et assimilés et des autres personnels habilités à diriger des recherches ", l'article 13 des statuts méconnaîtrait les dispositions de l'article D. 719-4 du code de l'éducation, dès lors que ces statuts pouvaient y déroger. Par ailleurs, la seule circonstance que ces dispositions rassemblent, au sein du même corps électoral, des professeurs et des enseignants-chercheurs qui, bien qu'habilités à diriger des recherches, n'ont pas la qualité de professeur d'université, n'est pas de nature à porter atteinte au principe d'indépendance des enseignants-chercheurs.

27. En troisième lieu, enfin, les dispositions du dernier alinéa de l'article 13 des statuts, dans sa rédaction à la date du décret attaqué, qui prévoient que les personnes membres du conseil académique en qualité de " personnalités extérieures " sont " invitées " aux réunions des commissions de ce conseil, n'ont, en tout état de cause, pas pour effet de priver ces membres de leur voix délibérative lors des réunions du conseil académique.

En ce qui concerne l'article 15-1 des statuts :

28. L'article L. 718-9 du code de l'éducation dispose que le conseil d'administration de la communauté d'universités et établissements " est assisté d'un conseil académique et d'un conseil des membres ". Son article L. 718-13 prévoit que le conseil des membres, qui réunit un représentant de chacun des membres de la communauté, " est associé à la préparation des travaux et à la mise en oeuvre des délibérations du conseil d'administration (...) ". Enfin, l'article L. 718-8 du même code dispose que les statuts de la communauté " prévoient (...) les compétences des instances mentionnées à l'article L. 718-9 qui ne sont pas prévues à la présente section (...) ". En application de ces dernières dispositions, le dernier alinéa de l'article 15-1 des statuts approuvés par le décret attaqué a donné compétence au conseil des membres de la COMUE " Lille Nord de France " pour émettre " un avis conforme préalablement à l'adoption et à la modification du règlement intérieur (...) ainsi que (...) à toute révision statutaire ".

29. Le syndicat requérant ne saurait, d'une part, utilement soutenir que ces dispositions, prises ainsi qu'il vient d'être dit sur le fondement des dispositions législatives spécifiques applicables aux communautés d'universités et établissements, méconnaissent les dispositions des articles L. 712-3 et L. 711-7 du code de l'éducation au seul motif qu'elles excèdent les compétences générales des conseils d'administration des établissements d'enseignement supérieur prévues par ces articles.

30. Le syndicat requérant n'est, d'autre part, pas fondé à soutenir que ces mêmes dispositions de l'article 15-1 des statuts sont en contradiction avec celles de leur article 17, qui prévoient, sans mentionner expressément qu'il s'agit d'un avis conforme, que le président du conseil d'administration " soumet le règlement intérieur à l'approbation du conseil d'administration après avis préalable du conseil des membres (...) " ;

En ce qui concerne l'article 17 des statuts :

31. L'article 17 des statuts approuvés par le décret attaqué fixe les compétences du président de la COMUE " Lille Nord de France ". A ce titre, il dispose que certaines de ses compétences, telles que la fixation de l'ordre du jour du conseil d'administration, la fixation de l'ordre du jour du conseil des membres, la préparation du budget ou la nomination de vice-présidents doivent s'exercer " en accord avec le conseil des membres ".

32. Contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, ces dispositions, qui ne méconnaissent ni les dispositions de l'article L. 718-10 du code de l'éducation, relatives aux communautés d'universités et établissements, en vertu desquelles : " Le président, élu par le conseil d'administration, dirige l'établissement. (...) ", ni celles de l'article L. 718-13 du même code, déjà citées, aux termes desquelles : " (...) Le conseil des membres est associé à la préparation des travaux et à la mise en oeuvre des délibérations du conseil d'administration et du conseil académique. Il est consulté par le conseil d'administration préalablement (...) à l'adoption du budget (...) ", pouvaient être prises sur le fondement des dispositions déjà citées de l'article L. 718-8 du code de l'éducation, qui permettent aux statuts d'une communauté d'universités et établissements de fixer celles des compétences du président et du conseil des membres qui ne sont pas prévues par les dispositions des articles L. 718-10 et L. 718-13 citées ci-dessus.

33. Pour les mêmes motifs, le syndicat requérant ne peut utilement soutenir que ces dispositions de l'article 17 des statuts, prises sur le fondement des dispositions spécifiques applicables aux communautés d'universités et établissements, méconnaissent celles de l'article L. 712-2 du code de l'éducation relatives aux compétences générales des présidents d'université.

En ce qui concerne l'article 20 des statuts :

34. L'article L. 951-1 du code de l'éducation prévoit qu'une protection médicale est assurée aux personnels des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, dans l'exercice de leurs activités. Si l'article 20 des statuts approuvés par le décret attaqué dispose, pour sa part, que, " conformément à l'article L. 951-1-1 du code de l'éducation ", une protection médicale est assurée aux personnels de la COMUE, cette pure erreur matérielle qui affecte le renvoi à la disposition législative applicable n'est pas de nature à entacher ces dispositions d'illégalité.

En ce qui concerne l'article 26 des statuts :

35. Le dernier alinéa de l'article 26 des statuts approuvés par le décret attaqué dispose que : " Lors de la création de l'université de Lille par voie de fusion des universités Lille-I, Lille-II et Lille-III, l'université de Lille sera substituée de plein droit aux trois établissements. L'université de Lille bénéficiera de trois voix pour sa représentation propre au sein du conseil des membres de la COMUE ".

36. En premier lieu, dès lors que les dispositions litigieuses précisaient clairement quelle université serait, lors de sa création, admise comme membre et quels établissements cesseraient de l'être et que, par ailleurs, la procédure de fusion des universités de Lille I, Lille II et Lille III était suffisamment avancée à la date où elles ont été adoptées, le syndicat requérant n'est pas fondé à soutenir que la première phrase du dernier alinéa de l'article 26 des statuts serait entachée d'illégalité.

37. En deuxième lieu, il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article L. 718-13 du code de l'éducation que : " Le conseil des membres réunit un représentant de chacun des membres de la communauté d'universités et établissements. ". Dès lors, les statuts approuvés par le décret attaqué ne pouvaient légalement prévoir que l'université de Lille, issue de la fusion des universités de Lille I, Lille II et Lille III, disposerait de trois voix au sein du conseil des membres.

38. Par suite, le syndicat requérant est fondé à soutenir que les dispositions de la dernière phrase du dernier alinéa de l'article 26 des statuts approuvés par le décret attaqué sont entachées d'illégalité. Le décret attaqué doit donc être annulé en tant qu'il approuve ces dispositions, qui sont divisibles des autres dispositions des statuts.

39. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat national de l'enseignement supérieur (SNESUP-FSU) n'est fondé à demander l'annulation du décret attaqué qu'en tant qu'il approuve la dernière phrase du dernier alinéa de l'article 26 des statuts de la communauté d'universités et établissements " Lille Nord de France ". Compte tenu des effets excessifs qu'aurait l'annulation rétroactive de ces dispositions sur les divers intérêts publics et privés en présence et, en particulier, sur le fonctionnement de la communauté d'universités et établissements, il y a lieu, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de la présente décision contre les actes pris sur leur fondement, de déroger au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et de différer l'effet de cette annulation jusqu'au 30 septembre 2019.

40. Enfin, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser au syndicat national de l'enseignement supérieur (SNESUP-FSU) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Le décret du 26 août 2015 portant approbation des statuts de la communauté d'universités et établissements Lille Nord de France est annulé en tant qu'il approuve la dernière phrase du dernier alinéa de l'article 26 des statuts de cette communauté d'universités et établissements. Sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de la présente décision contre les actes pris sur le fondement de ces dispositions, cette annulation prendra effet le 30 septembre 2019.

Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros au syndicat national de l'enseignement supérieur (SNESUP-FSU) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions du syndicat national de l'enseignement supérieur (SNESUP-FSU) est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au syndicat national de l'enseignement supérieur (SNESUP-FSU), à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, à la communauté d'universités et établissements " Lille Nord de France ", à l'université de Lille, à l'université d'Artois, à l'université du Littoral Côte d'Opale, à l'université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis, à l'Ecole centrale de Lille, à l'Ecole nationale supérieure des mines de Douai, à la Fédération universitaire et polytechnique de Lille, au Centre national de recherche scientifique et à l'Institut national de recherche en informatique et en automatique.


Synthèse
Formation : 4ème et 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 394175
Date de la décision : 30/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 jan. 2019, n° 394175
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Tiphaine Pinault
Rapporteur public ?: M. Frédéric Dieu

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:394175.20190130
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