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25/01/2019 | FRANCE | N°425243

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 25 janvier 2019, 425243


Vu la procédure suivante :

Par un jugement n° 1700455 du 30 octobre 2018, enregistré le 31 octobre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, avant de statuer sur le recours pour excès de pouvoir présenté par le comité des sociétés d'assurance de Polynésie française et les compagnies d'assurance Generali, Gan Outre-Mer, Allianz, QBE Insurances, Axa et Poema Insurances contre l'arrêté n° 1894 CM du 20 octobre 2017 par lequel le conseil des ministres de la Polynésie française a fixé les règles applicables aux montants des prestations de soins engagés à la s

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Vu la procédure suivante :

Par un jugement n° 1700455 du 30 octobre 2018, enregistré le 31 octobre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, avant de statuer sur le recours pour excès de pouvoir présenté par le comité des sociétés d'assurance de Polynésie française et les compagnies d'assurance Generali, Gan Outre-Mer, Allianz, QBE Insurances, Axa et Poema Insurances contre l'arrêté n° 1894 CM du 20 octobre 2017 par lequel le conseil des ministres de la Polynésie française a fixé les règles applicables aux montants des prestations de soins engagés à la suite d'un séjour dans un établissement hospitalier ou un établissement privé de santé dans le cadre de l'exercice des recours contre tiers par la caisse de prévoyance sociale, le tribunal administratif de Polynésie française a décidé, par application des dispositions de l'article 174 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut de la Polynésie française, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen la question suivante : " L'arrêté du 20 octobre 2017 est relatif à l'organisation du recours des tiers payeurs contre le tiers responsable du dommage, en alignant le montant des prestations à récupérer par la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française sur celui du tiers responsable relevant d'un régime de sécurité sociale. Le recours contre les tiers est organisé en métropole par le code de la sécurité sociale, par des dispositions législatives et notamment les articles L. 376-1, L. 174-3 et L. 454-1. Dans ces conditions, l'arrêté attaqué doit-il être regardé comme étant intervenu dans une matière relevant de la " loi du pays " et de la compétence de l'assemblée de la Polynésie française ' ".

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 74 ;

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- l'ordonnance n° 92-1146 du 12 octobre 1992 ;

- la délibération n° 74-22 AT du 14 février 1974,

- la délibération n° 94-171 du 29 décembre 1994,

- la délibération n° 95-262 AT du 20 décembre 1995,

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre Ramain, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

REND L'AVIS SUIVANT

1. Par un arrêté du 20 octobre 2017, le gouvernement de la Polynésie française a fixé le principe selon lequel, pour la détermination des sommes que la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française est susceptible de récupérer par la voie d'un recours subrogatoire auprès des tiers responsables de préjudices causés à ses assurés, il est fait application d'un montant forfaitaire correspondant aux tarifs individuels des prestations de soins dispensées aux personnes ne relevant pas de la caisse de prévoyance sociale.

2. L'article 34 de la Constitution dispose que " La loi détermine les principes fondamentaux (...) de la sécurité sociale ". Aux termes des dispositions de l'article 13 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut de la Polynésie française, " les autorités de la Polynésie française sont compétentes dans toutes les matières qui ne sont pas dévolues à l'Etat par l'article 14 et celles qui ne sont pas dévolues aux communes en vertu des lois et règlements applicables en Polynésie française ". Les règles relatives à la sécurité sociale ne sont pas au nombre des matières dévolues à l'Etat par l'article 14 de la loi organique statutaire. Aux termes de l'article 140 de la loi organique, " les actes de l'assemblée de la Polynésie française (...) sont ceux qui, relevant du domaine de la loi, soit ressortissent à la compétence de la Polynésie française en application de l'article 13 (...) ". L'article 90 de la loi organique dispose que " sous réserve du domaine des actes prévus par l'article 140 dénommés " lois du pays ", le conseil des ministres fixe les règles applicables aux matières suivantes : (...) 18° Montant des prestations au titre des différents régimes de protection sociale ".

3. Il résulte des dispositions citées au point 2 que les questions relatives à la sécurité sociale relèvent de la compétence de la Polynésie française. Au sein de cette matière, l'assemblée de la Polynésie française est compétente pour définir les principes fondamentaux de la sécurité sociale, qui doivent être fixés par les actes dénommés " loi du pays ". Il s'ensuit que l'assemblée de la Polynésie française est seule compétente pour déterminer l'organisation du recours des organismes sociaux contre les tiers responsables, qui relève des principes fondamentaux de la sécurité sociale. Il appartient seulement au pouvoir réglementaire, et donc au conseil des ministres, d'en déterminer les modalités de mise en oeuvre. Ainsi, pour la détermination des sommes que la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française est susceptible de récupérer par la voie d'un recours subrogatoire auprès des tiers responsables de préjudices causés à ses assurés, l'institution du principe d'une référence au montant forfaitaire appliqué pour les tarifs individuels des prestations de soins dispensées aux personnes ne relevant pas de la caisse de prévoyance sociale relève de la compétence de la " loi du pays ".

4. En l'absence de dispositions législatives figurant dans une " loi du pays " applicable, ou dans un autre texte de nature législative, instituant un tel principe, l'arrêté du 20 octobre 2017, qui ne s'est pas borné à déterminer le montant de l'évaluation forfaitaire prévue par ce principe, méconnait la répartition des compétences entre l'assemblée de la Polynésie française et le conseil des ministres.

Le présent avis sera notifié au président du tribunal administratif de la Polynésie française, au comité des sociétés d'assurance de Polynésie française, à la Compagnie d'assurance Generali, à la compagnie d'assurance Gan Outre-Mer, à la compagnie d'assurance Allianz, à la compagnie QBE Insurances, à la compagnie d'assurance Axa, à la compagnie Poema Insurances, au président de l'Assemblée de la Polynésie française, à la Présidence de la Polynésie française, à la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française et au ministre des outre-mer.

Il sera publié au Journal officiel de la Polynésie française.


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 425243
Date de la décision : 25/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

46-01-02-02 OUTRE-MER. DROIT APPLICABLE. STATUTS. POLYNÉSIE FRANÇAISE. - 1) COMPÉTENCE DE L'ASSEMBLÉE DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE POUR DÉFINIR, PAR LOI DU PAYS, LES PRINCIPES FONDAMENTAUX DE LA SÉCURITÉ SOCIALE (ART. 140 DE LA LOI ORGANIQUE DU 27 FÉVRIER 2004) - NOTION - ORGANISATION DU RECOURS DES ORGANISMES SOCIAUX CONTRE LES TIERS RESPONSABLES - INCLUSION - 2) APPLICATION - PRINCIPE DE FORFAITISATION DES SOMMES RÉCUPÉRABLES PAR LA CAISSE DE PRÉVOYANCE SOCIALE DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE DANS LE CADRE DE RECOURS SUBROGATOIRES CONTRE LES TIERS RESPONSABLES DE PRÉJUDICES CAUSÉS À SES ASSURÉS - QUESTION RELEVANT DE LA LOI DU PAYS - EXISTENCE.

46-01-02-02 1) Il résulte des articles 13 et 14 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 que les questions relatives à la sécurité sociale relèvent de la compétence de la Polynésie française. Au sein de cette matière, l'assemblée de la Polynésie française est compétente pour définir les principes fondamentaux de la sécurité sociale, qui doivent être fixés par les actes dénommés loi du pays. Il s'ensuit que l'assemblée de la Polynésie française est seule compétente pour déterminer l'organisation du recours des organismes sociaux contre les tiers responsables, qui relève des principes fondamentaux de la sécurité sociale. Il appartient seulement au pouvoir réglementaire, et donc au conseil des ministres, d'en déterminer les modalités de mise en oeuvre.... ...2) Pour la détermination des sommes que la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française est susceptible de récupérer par la voie d'un recours subrogatoire auprès des tiers responsables de préjudices causés à ses assurés, l'institution du principe d'une référence au montant forfaitaire appliqué pour les tarifs individuels des prestations de soins dispensées aux personnes ne relevant pas de la caisse de prévoyance sociale relève de la compétence de la loi du pays.


Publications
Proposition de citation : CE, 25 jan. 2019, n° 425243
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pierre Ramain
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:425243.20190125
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