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31/12/2018 | FRANCE | N°414615

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 31 décembre 2018, 414615


Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au juge des référés du tribunal administratif d'Orléans de condamner solidairement le centre hospitalier régional d'Orléans et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une provision de 350 000 euros à valoir sur l'indemnisation des préjudices consécutifs à une intervention chirurgicale pratiquée le 9 décembre 2014 dans cet établissement. Par une ordonnance n° 1700762 du 8 juin 2017, le juge des référés du tribunal administra

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Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au juge des référés du tribunal administratif d'Orléans de condamner solidairement le centre hospitalier régional d'Orléans et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une provision de 350 000 euros à valoir sur l'indemnisation des préjudices consécutifs à une intervention chirurgicale pratiquée le 9 décembre 2014 dans cet établissement. Par une ordonnance n° 1700762 du 8 juin 2017, le juge des référés du tribunal administratif a fait partiellement droit à sa demande en mettant à la charge de l'ONIAM une provision de 30 374 euros.

Par une ordonnance n° 15NT01887 du 12 septembre 2017, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par l'ONIAM contre cette ordonnance, ainsi que les conclusions d'appel incident de M.B....

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 septembre et 10 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'ONIAM demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de M.B....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Louise Cadin, auditrice,

- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'ONIAM, à la SCP Meier-Bourdeau, Lecuyer, avocat de M. B...et à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat du centre hospitalier régional d'Orléans.

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. A... B...a été pris en charge à compter du 8 décembre 2014 au centre hospitalier régional d'Orléans en vue du traitement chirurgical d'une scoliose ; qu'à la suite de l'intervention réalisée le lendemain, une thrombose de l'artère cérébrale a provoqué un syndrome des loges affectant les deux membres inférieurs ; qu'une craniectomie de décompression et une aponévrotomie des loges ont été réalisées le 11 décembre 2014 ; que M. B..., qui est demeuré atteint d'importantes séquelles motrices et neurologiques, a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation de la région Centre d'une demande d'indemnisation ; que, par un avis du 14 septembre 2015 rendu après une expertise médicale, cette commission a estimé que les séquelles résultaient d'un accident médical non fautif mais que des fautes commises par le centre hospitalier dans la prévention de la thrombose et le diagnostic du syndrome des loges étaient à l'origine de 70 % des dommages ; que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et l'assureur du centre hospitalier s'étant abstenus de faire une offre d'indemnisation, M. B...a demandé au juge des référés du tribunal administratif d'Orléans de les condamner solidairement à lui verser une indemnité provisionnelle de 350 000 euros à valoir sur la réparation de ses préjudices ; que, par une ordonnance du 8 juin 2017, le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans a partiellement fait droit à cette demande en mettant à la charge de l'ONIAM le versement au requérant d'une provision de 30 374 euros ; que l'ONIAM a formé un appel que le juge des référés de la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté par une ordonnance du 12 septembre 2017 contre laquelle il se pourvoit en cassation ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / (...) II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. (...) " ; qu'en vertu des articles L. 1142-17 et L. 1142-22 du même code, la réparation au titre de la solidarité nationale est assurée par l'ONIAM ; qu'aux termes de l'article L. 1142-18, lorsque la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales " estime qu'un accident médical n'est que pour partie la conséquence d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins engageant la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé, elle détermine la part de préjudice imputable à la responsabilité et celle relevant d'une indemnisation au titre de l'office " ;

3. Considérant que si les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique font obstacle à ce que l'ONIAM supporte au titre de la solidarité nationale la charge de réparations incombant aux personnes responsables d'un dommage en vertu du I du même article, elles n'excluent toute indemnisation par l'office que si le dommage est entièrement la conséquence directe d'un fait engageant leur responsabilité ; que dans l'hypothèse où un accident médical non fautif est à l'origine de conséquences dommageables mais où une faute commise par une personne mentionnée au I de l'article L. 1142-1 a fait perdre à la victime une chance d'échapper à l'accident ou de se soustraire à ses conséquences, le préjudice en lien direct avec cette faute est la perte de chance d'éviter le dommage corporel advenu et non le dommage corporel lui-même, lequel demeure tout entier en lien direct avec l'accident non fautif ; que, par suite, un tel accident ouvre droit à réparation au titre de la solidarité nationale si ses conséquences remplissent les conditions posées au II de l'article L. 1142-1 et présentent notamment le caractère de gravité requis, l'indemnité due par l'ONIAM étant seulement réduite du montant de celle mise, le cas échéant, à la charge du responsable de la perte de chance, égale à une fraction du dommage corporel correspondant à l'ampleur de la chance perdue ;

4. Considérant que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Nantes a retenu que l'accident médical subi par M. B...présentait un caractère non fautif, qu'il avait eu des conséquences anormales eu égard à son état de santé antérieur et qu'il avait entraîné un déficit fonctionnel permanent de l'ordre de 40 % ; que c'est, dès lors, sans commettre d'erreur de droit qu'il en a déduit que cet accident ouvrait droit à une indemnisation par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale, alors même que d'éventuelles fautes du centre hospitalier dans la prévention du risque thrombo-embolique et dans la prise en charge du syndrome des loges auraient fait perdre à l'intéressé une chance d'éviter l'accident ou d'en limiter les conséquences ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable... " ; que la circonstance que le juge des référés du tribunal administratif avait, par une ordonnance du 29 juin 2017, prescrit la réalisation d'une expertise médicale portant notamment sur les conditions de la prise en charge de M. B...au centre hospitalier régional d'Orléans et l'existence de fautes médicales n'interdisait pas au juge des référés de la cour administrative d'appel de retenir, dans le cadre d'une appréciation souveraine des faits de l'espèce, exempte de dénaturation, fondée sur les conclusions de l'expertise ordonnée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation, que la thrombose de l'aorte dont le patient avait été victime présentait le caractère d'un accident médical non fautif et que les fautes éventuelles n'avaient pu entraîner une perte de chance supérieure à 70 % d'éviter les séquelles dont il demeurait atteint ; qu'ainsi, en confirmant la décision du premier juge de mettre à la charge de l'ONIAM le versement d'une provision couvrant 30 % des préjudices subis, le juge d'appel, dont l'ordonnance est suffisamment motivée et n'est pas entachée d'erreur de droit, n'a pas commis d'erreur de qualification juridique dans la détermination de l'obligation non sérieusement contestable de l'office ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ONIAM n'est pas fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 3 000 euros à verser à M. B...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de l'ONIAM est rejeté.

Article 2 : L'ONIAM versera à M. B...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à M. A...B..., au centre hospitalier régional d'Orléans et à la caisse de mutualité sociale agricole Beauce Coeur de Loire.


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 414615
Date de la décision : 31/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 31 déc. 2018, n° 414615
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Louise Cadin
Rapporteur public ?: Mme Cécile Barrois de Sarigny
Avocat(s) : SCP SEVAUX, MATHONNET ; SCP MEIER-BOURDEAU, LECUYER ; SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:414615.20181231
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