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31/12/2018 | FRANCE | N°412306

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 31 décembre 2018, 412306


Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 412306, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 juillet 2017, 10 octobre 2017 et 18 décembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'ordre des avocats au barreau de Paris demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2017-892 du 6 mai 2017 portant diverses mesures de modernisation et de simplification de la procédure civile ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L.

761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 412336, par une requête et...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 412306, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 juillet 2017, 10 octobre 2017 et 18 décembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'ordre des avocats au barreau de Paris demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2017-892 du 6 mai 2017 portant diverses mesures de modernisation et de simplification de la procédure civile ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 412336, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 10 juillet 2017 et le 18 décembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B...C...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 34 et 37 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 ;

- le code pénal ;

- le code de l'organisation judiciaire ;

- le code de procédure civile ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Calothy, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l'ordre des avocats au barreau de Paris et autres, et à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de Mme A...C....

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes de Mme A...C...et de l'ordre des avocats au barreau de Paris sont dirigées contre le même décret. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. L'ordre des avocats au barreau de Valence et la conférence des bâtonniers justifient, eu égard à leur objet, d'un intérêt suffisant à l'annulation du décret attaqué. Leurs interventions sous le n° 412306 sont donc recevables.

Sur la réforme du régime de la récusation et du renvoi pour cause de suspicion légitime :

3. L'article 2 du décret attaqué modifie les chapitres II et III du titre X du livre Ier du code de procédure civile pour réformer le régime de la récusation et du renvoi pour cause de suspicion légitime.

4. Il résulte des articles 34 et 37 de la Constitution que les dispositions relatives à la procédure à suivre devant les juridictions relèvent de la compétence réglementaire dès lors qu'elles ne concernent pas la procédure pénale et qu'elles ne mettent pas en cause les règles ou les principes fondamentaux placés par la Constitution dans le domaine de la loi. Or, il résulte des articles L. 111-6 et L. 111-7 du code de l'organisation judiciaire qu'en matière civile, la récusation d'un juge peut être demandée pour divers motifs relatifs à son impartialité et que le magistrat récusé se fait remplacer par un autre juge spécialement désigné. Il résulte, par ailleurs, de l'article L. 111-8 du même code qu'en matière civile, le renvoi à une autre juridiction de même nature et de même degré peut être ordonné pour cause de suspicion légitime. Par suite, les articles 341 à 350 du code de procédure civile issus de l'article 2 du décret attaqué, qui déterminent les conditions d'application des procédures de récusation et de renvoi pour cause de suspicion légitime, se bornent à énoncer les règles applicables à ces procédures et n'ont, contrairement à ce qui est soutenu, ni pour objet ni pour effet de mettre en cause des règles ou principes fondamentaux placés par la Constitution dans le domaine de la loi. Par suite, le moyen tiré de ce que le pouvoir réglementaire n'était pas compétent pour édicter de telles dispositions doit être écarté.

Sur les règles de structuration des conclusions écrites :

5. Les articles 4 et 18 du décret attaqué modifient respectivement les articles 446-2 et 753 du code de procédure civile. L'article 446-2, qui fait partie des dispositions propres à la procédure orale au sein du livre Ier intitulé " Dispositions communes à toutes les juridictions ", prévoit désormais que : " (...) Lorsque toutes les parties comparantes formulent leurs prétentions et moyens par écrit et sont assistées ou représentées par un avocat, les conclusions doivent formuler expressément les prétentions ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau énumérant les pièces justifiant ces prétentions est annexé aux conclusions. Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Les moyens qui n'auraient pas été formulés dans les écritures précédentes doivent être présentés de manière formellement distincte. Le juge ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. Les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et le juge ne statue que sur les dernières conclusions déposées. / (...) ". Des règles de structuration semblables ont été insérées à l'article 753, qui régit la procédure en matière contentieuse devant le tribunal de grande instance pour laquelle les parties sont tenues de constituer avocat en application de l'article 751.

6. Il ressort des pièces du dossier que ces dispositions, qui poursuivent l'objectif d'intérêt général de bonne administration de la justice, énoncent de simples règles formelles tenant à la présentation et à la structuration des conclusions, lorsque ces dernières sont formulées par écrit et que les parties sont assistées par un avocat, professionnel averti. Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions contestées porteraient atteinte au droit d'exercer un recours juridictionnel effectif, garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et les articles 6 paragraphe 1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la garde des sceaux, ministre de la justice, sous le n° 412336, que Mme A...C...et l'ordre des avocats au barreau de Paris ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret qu'ils attaquent.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Par ailleurs, l'ordre des avocats au barreau de Valence et la conférence des bâtonniers n'auraient pas eu qualité pour former tierce opposition à la présente décision si celle-ci avait prononcé l'annulation du décret du 6 mai 2017 attaqué et s'ils n'avaient pas été présents à l'instance. Ils ne peuvent donc être regardés comme des parties pour l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Les interventions de l'ordre des avocats au barreau de Valence et de la conférence des bâtonniers sous le n° 412306 sont admises.

Article 2 : Les requêtes de Mme A...C...et de l'ordre des avocats au barreau de Paris sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par l'ordre des avocats au barreau de Valence et la conférence des bâtonniers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B...C..., à l'ordre des avocats au barreau de Paris, à l'ordre des avocats au barreau de Valence et à la conférence des bâtonniers ainsi qu'à la garde des sceaux, ministre de la justice.

Copie en sera adressée au Premier ministre et à la ministre des outre-mer.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 412306
Date de la décision : 31/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 31 déc. 2018, n° 412306
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine Calothy
Rapporteur public ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:412306.20181231
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