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24/12/2018 | FRANCE | N°425437

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, formation collégiale, 24 décembre 2018, 425437


Vu la procédure suivante :

1° Par une requête, enregistrée sous le n° 425437 le 16 novembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Ligue française pour la protection des oiseaux demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 2 novembre 2018 du ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire modifiant l'arrêté du 24 septembre 2018 relatif à la capture des vanneaux et des pluviers dorés dans le dépar

tement des Ardennes pour la campagne 2018-2019 ;

2°) de mettre à la charge de...

Vu la procédure suivante :

1° Par une requête, enregistrée sous le n° 425437 le 16 novembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Ligue française pour la protection des oiseaux demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 2 novembre 2018 du ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire modifiant l'arrêté du 24 septembre 2018 relatif à la capture des vanneaux et des pluviers dorés dans le département des Ardennes pour la campagne 2018-2019 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la condition d'urgence est remplie dès lors que l'arrêté litigieux porte une atteinte suffisamment grave et immédiate à la préservation et à la défense des oiseaux, intérêts qu'elle entend défendre, dès lors qu'il augmente sensiblement le nombre de captures de vanneaux huppés et de pluviers dorés pour la campagne 2018-2019, débutée le 15 octobre 2018 ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté ;

- celui-ci a été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'a pas été précédé de la consultation publique prévue à l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement, privant ainsi le public d'une garantie ;

- il a été pris, ainsi que l'arrêté du 17 août 1989 relatif à la tenderie aux vanneaux dans le département des Ardennes, en méconnaissance de l'article L. 424-4 du code de l'environnement et de l'article 9 de la directive 2009/147/CE du Parlement et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages dès lors que, d'une part, ces deux arrêtés ne justifient pas de manière précise et adéquate l'absence d'autre solution satisfaisante à la capture de vanneaux huppés et de pluviers dorés par tenderie, d'autre part, ils ne précisent pas en quoi la capture de vanneaux huppés et de pluviers dorés se feraient en " petites quantités " et, enfin, ils ne prévoient pas un contrôle strict de la capture de vanneaux huppés et de pluviers dorés ;

- il a été pris en méconnaissance de l'objectif de conservation des espèces d'oiseaux vivant à l'état sauvage sur le territoire européen des Etats membres prévu par la directive dite " Oiseaux " ;

- il a été pris en méconnaissance du principe de non-régression tel qu'il ressort du 9° du II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 décembre 2018, le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté.

La Fédération nationale des chasseurs s'est constituée en intervention en défense au soutien de l'Etat.

2° Par une requête, enregistrée sous le n° 425541 le 21 novembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association One Voice demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 24 septembre 2018 du ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, relatif à la capture des vanneaux et des pluviers dorés dans le département des Ardennes pour la campagne 2018-2019 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la condition d'urgence est remplie dès lors que l'arrêté litigieux porte une atteinte suffisamment grave et immédiate à la préservation et à la défense des oiseaux, intérêts qu'elle entend défendre, en ce qu'il autorise la capture d'un nombre particulièrement élevé de vanneaux huppés et de pluviers dorés dans le département des Ardennes pour la campagne 2018-2019, débutée en septembre 2018 ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté ;

- celui-ci a été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors que la synthèse des observations et propositions du public prévue à l'alinéa 7 de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement n'a pas été réalisée ;

- il a été pris en méconnaissance du principe de non-régression tel qu'il ressort du 9° du II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement ;

- il a également été pris en méconnaissance du principe de prévention tel qu'il ressort de l'article L. 110-1 du code de l'environnement ;

- la capture par l'utilisation de tenderies qu'il autorise méconnaît l'article L. 424-4 du code de l'environnement et l'article 9 de la directive 2009/147/CE du Parlement et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages en l'absence de justification de l'absence d'autre solution satisfaisante et alors que cette technique de chasse ne respecte pas le critère de non-sélectivité ;

- l'arrêté a été pris en méconnaissance de l'article 6 de la Charte de l'environnement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 décembre 2018, le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l'arrêtés.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 14 décembre 2018, l'association One Voice reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens.

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la Ligue française pour la protection des oiseaux et l'association One Voice, d'autre part, le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, l'Office national de la chasse et de la faune sauvage et la Fédération nationale des chasseurs ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 17 décembre 2018 à 10 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Texier, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Ligue française pour la protection des oiseaux ;

- le représentant de la Ligue française pour la protection des oiseaux ;

- les représentants de l'association One Voice ;

- les représentants du ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire ;

- Me Farge, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Fédération nationale des chasseurs ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction au mardi 18 décembre 2018 à 18 heures ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution, notamment la Charte de l'environnement ;

- la directive n° 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Aux termes de l'article de l'article L. 424-4 du code de l'environnement : " Dans le temps où la chasse est ouverte, le permis donne à celui qui l'a obtenu le droit de chasser de jour, soit à tir, soit à courre, à cor et à cri, soit au vol, suivant les distinctions établies par des arrêtés du ministre chargé de la chasse. Le jour s'entend du temps qui commence une heure avant le lever du soleil au chef-lieu du département et finit une heure après son coucher. (...) Pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées et de manière sélective, la chasse de certains oiseaux de passage en petites quantités, le ministre chargé de la chasse autorise, dans les conditions qu'il détermine, l'utilisation des modes et moyens de chasse consacrés par les usages traditionnels, dérogatoires à ceux autorisés par le premier alinéa. ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 17 août 1989 relatif à la tenderie aux vanneaux dans le département des Ardennes : " La capture des vanneaux huppés et des pluviers dorés à l'aide de filets à nappes fixés à terre, dénommée tenderie aux vanneaux, est autorisée dans les communes (...) du département des Ardennes, et dans les conditions strictement contrôlées définies ci-après afin de permettre la capture sélective et en petites quantités de ces oiseaux, puisqu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante ". Aux termes de l'article 5 de cet arrêté : " Le nombre maximum d'oiseaux pouvant être capturés pendant la campagne est fixé chaque année par le ministre chargé de la chasse ".

3. Par arrêté du 24 septembre 2018 relatif à la capture des vanneaux et des pluviers dorés dans le département des Ardennes pour la campagne 2018-2019, dont l'association One Voice demande la suspension sous le n° 425541, le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire a fixé à respectivement 200 et 10 le nombre de vanneaux huppés et de pluviers dorés pouvant être chassés par tenderie dans le département des Ardennes pour la campagne 2018-2019, soit du 15 octobre 2018 au 28 février 2019 en application de l'arrêté du préfet des Ardennes du 9 octobre 2018. Par un nouvel arrêté du 2 novembre 2018, dont la Ligue française pour la protection des oiseaux demande la suspension sous le n° 425437, le ministre d'Etat a modifié cet arrêté pour porter ces nombres à respectivement 1 200 et 30 au cours de la même période. Il y a lieu, dans ces conditions, de joindre les requêtes de ces deux associations qui ont le même objet pour statuer par une seule ordonnance.

4. La Fédération nationale des chasseurs a intérêt au maintien de l'arrêté du 2 novembre 2018 qui relève à respectivement 1 200 et 30 le nombre de vanneaux huppés et pluviers dorés pouvant être chassés au filet pendant cette période. Par suite son intervention en défense est recevable.

5. Il résulte de l'instruction que les estimations récentes font état d'une population " française " de vanneaux en hiver comprise entre 2,4 et 3,5 millions et d'une population de pluviers dorés pendant la même saison supérieure à 1,5 millions et que le département des Ardennes est le seul département dans lequel les vanneaux huppés et les pluviers dorés pouvant être chassés par tenderie. Il suit de là que l'arrêté du 24 septembre 2018 tel que modifié par l'arrêté du 2 novembre 2018 n'est susceptible d'entrainer qu'un prélèvement très modeste sur la population de vanneaux huppés et de pluviers dorés qui n'est pas de nature à porter une atteinte suffisamment grave à la protection complète de ces espèces pour que la condition d'urgence posée à l'article L. 521-1 du code de justice administrative puisse être regardée comme remplie.

6. Il suit de là, sans qu'il soit besoin d'examiner si l'un des moyens invoqués est de nature à créer un doute sérieux sur la légalité des arrêtés attaqués, qu'il y a lieu de rejeter ces deux requêtes, y compris les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : L'intervention de la Fédération nationale des chasseurs dans le cadre de l'affaire 425437 est admise.

Article 2 : Les requêtes de la Ligue française pour la protection des oiseaux et de l'association One Voice sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la Ligue française pour la protection des oiseaux, à l'association One Voice, au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire et à la Fédération nationale des chasseurs.

Copie en sera adressée, pour information, à l'Office national de la chasse et de la faune sauvage.


Synthèse
Formation : Juge des référés, formation collégiale
Numéro d'arrêt : 425437
Date de la décision : 24/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 24 déc. 2018, n° 425437
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle Prada Bordenave
Avocat(s) : SCP ZRIBI, TEXIER ; SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:425437.20181224
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